À La Courneuve, la colère et le désarroi des Roms évacués

Publié le 27 août 2015 à 19h33
À La Courneuve, la colère et le désarroi des Roms évacués

REPORTAGE – Le plus vieux bidonville rom de France, situé à La Courneuve, en Seine-Saint-Denis, a été évacué ce jeudi après-midi, sous une pluie battante. Associations et habitants du camp dénoncent l'absence de solutions de relogement durables.

Colère et désarroi sont palpables au sein de la communauté rom de La Courneuve. Ce jeudi, le plus vieux bidonville d’Ile-de-France a été évacué et démantelé dans la foulée. Si cette évacuation était imminente, la justice l'ayant validée le 15 août, personne parmi les 200 habitants du Samaritain, le surnom donné à ce camp coincé entre l’A86 et les voies du RER B, ne s’attendait à ce qu’elle ait lieu ce jour.

Vers 13 heures pourtant, les services de l’État sont venus signifier aux occupants du camp qu’ils avaient une heure pour quitter les lieux. Sous une pluie battante et dans la précipitation, sous le regard de très nombreux CRS – une vingtaine de fourgons – les Roms présents sur place ont donc quitté les lieux. "Ils n’ont eu que peu de temps pour rassembler leurs affaires et partir, peste une salariée de Médecins du monde, qui tente sur place de renseigner et d’aiguiller les familles désœuvrées. C’est malheureux, c’est dans ces situations où ils perdent le peu de papiers d’identité qu’ils ont".

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Une douzaine de famille relogées en hébergement d'urgence

Mais pour aller où ? Car l’épineuse problématique du relogement stable n’a pas été résolue en amont. Contactée par metronews, la ville, dirigée par Gilles Poux (PCF), est droit dans ses bottes, et explique "appeler à la mobilisation des hébergements d’urgence". Et renvoie donc la responsabilité à l’Etat. Sur place, la préfecture assure que 12 familles – environ 60 personnes identifiées comme vulnérables (femmes enceintes, enfants en bas âge, personnes malades) – ont été relogées dans des hébergements d’urgence, aux quatre coins de la région. D’urgence, donc temporaires. Quant aux autres, environ 150 personnes, elles devront se débrouiller par leurs propres moyens, et contacter le 115.

"Une dame est venue nous voir et nous a dit 'il faut partir'. On a rassemblé ce qu’on a pu et on a attendu, à quelques mètres du camp", explique Gyongy, 17 ans. Sa capuche vissée sur la tête ne la protège que peu de la pluie qui tombe, mais cette jeune Roumaine, installée sur le camp depuis 3 ans, sait qu’elle est un peu plus chanceuse que ses compagnons d’infortune. Ce soir, elle est assurée de dormir au sec, dans l’appartement de son cousin qui habite Aubervilliers et qui a accepté de l’héberger avec ses parents et son frère. Mais ce n’est que temporaire, une semaine tout au plus. Ensuite, c’est le plus grand flou. Une situation inconfortable pour cette jeune fille qui fait sa rentrée en seconde au lycée Raimbaud le 3 septembre prochain : "On nous a proposé un hébergement à Poissy pour quelques jours. C’est à 40 kilomètres de mon lycée. Si je ne fais pas ma rentrée jeudi prochain, je vais perdre ma place. Et ça a été dur de s’inscrire", s’inquiète-t-elle.

"J'ai envie de pleurer"

Sur le trottoir, abritée sous un parapluie fatigué, une femme grommelle et assure avoir été traitée comme un chien lors de l’expulsion. À côté d’elle, quelques affaires empaquetées à la hâte sur un chariot roulant, le tout enveloppé dans un sac plastique pour les protéger de la pluie. Gyongy, elle, tente de garder le moral et circule de groupe en groupe pour glaner des informations sur le devenir de ses compagnons ou tenter de leur remonter le moral. "J’ai un sourire un peu forcé, mais j’ai envie de pleurer", explique celle qui vient de quasiment tout perdre, en quelques minutes.

L’accès à la rue Pascal est bloqué par les CRS, qui veillent à ce que seuls des camions de déménagement et les pelleteuses passent. À quelques mètres de là, des Roms ont trouvé refuge sous le petit auvent d’un bar et regardent le ballet incessant des véhicules. Des mères de famille avec leurs enfants en poussette, des jeunes et des moins jeunes. "Putain", lâche, amer, l’un d’entre eux, à l’approche d’un énorme camion chargé de faire disparaître le camp.

Des tentes pour les plus précaires

L’évacuation terminée, une vingtaine de Roms attendent encore devant la rue bloquée. Tous assurent n’avoir nulle part où dormir ce soir. Face à cette précarité, Médecins du monde a distribué une trentaine de tentes et autant de sacs de couchage. "Il n’y a jamais de bon timing pour les expulsions, mais là, sous la pluie… L’expulsion n’avait pas un caractère urgent, elle pouvait encore attendre", glisse la salariée. "Et cette expulsion n’en est pas vraiment une, ajoute un de ses collègues de la Fondation Abbé-Pierre. Ils vont se réinstaller ailleurs". Ailleurs, mais où ? "Je ne sais pas où aller", glissait plus tôt une dame, sa valise à la main.

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La rédaction de TF1info

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