"Notre société a évolué" : l'adoption bientôt ouverte aux couples non mariés ?

par Maëlane LOAËC
Publié le 20 octobre 2021 à 19h26
"Notre société a évolué" : l'adoption bientôt ouverte aux couples non mariés ?
Source : iStock

INTERVIEW - Le Sénat débat ce mercredi 20 octobre d'un projet de loi réformant l'adoption, qui prévoit notamment de permettre aux couples non mariés de faire une demande d'adoption. Un élargissement en écho avec l'évolution de la société, estime la rapporteuse du texte, la députée LaREM Monique Limon.

C’est désormais le Sénat qui a l’avenir du texte entre ses mains : ce mercredi 20 octobre, le Palais du Luxembourg doit examiner une proposition de loi LaREM qui s’attelle à réformer l’adoption en France. Avec pour mesure phare l’ouverture de l’adoption aux couples non mariés. 

Validé début décembre 2020 par l’Assemblée, malgré l’opposition de députés des LR et de l’extrême droite, le texte prévoit que les couples pacsés ou concubins puissent également prétendre à une adoption plénière - contrairement à une adoption simple, ce dispositif prévoit une nouvelle filiation avec l’adopté, qui ne conserve alors plus aucun lien avec sa famille d’origine. 

Actuellement, dans le cas d’un couple non marié, seul l’un des deux conjoints peut adopter seul. Si cette loi est validée, la durée de vie commune passera aussi de deux ans actuellement à un an, pour les adoptions d’enfants en France. Le texte prévoit également d’abaisser l’âge minimal des parents requis pour candidater à l’adoption de 28 à 26 ans. En 2018, quelque 650 pupilles de l’État ont été adoptés en France, et 615 enfants à l’étranger. Des chiffres bien en deçà du nombre de familles candidates à l’adoption. 

Selon la députée LaREM Monique Limon, députée de l'Isère et rapporteuse du texte, cette proposition permettrait de mettre fin à une discrimination qui stigmatisait certains couples. 

Pourquoi avoir proposé d’élargir les critères de candidature à l’adoption, en l’ouvrant aux couples non mariés ? 

Pour le dire abruptement, c'est une proposition de loi qui veut déringardiser l'adoption. Actuellement, seul le mariage était autorisé parce qu’il avait une connotation de stabilité. Mais aujourd’hui, bon nombre de personnes vivent en couple et ne sont pas forcément mariées : elles sont pacsées ou en concubinage. À partir du moment où notre société a évolué dans sa manière de vivre et de faire famille, l'adoption doit se caler sur cette évolution. Le mariage n'est pas forcément une garantie de stabilité, il y a beaucoup de couples qui divorcent. On ne doit donc pas obliger les couples à se marier parce qu'ils veulent adopter, c’est un souhait qui se construit indépendamment du fait d’être marié ou non. 

Par ailleurs, un projet d’un couple non marié pouvait aujourd'hui correspondre tout à fait aux profils des enfants à adopter, c’est donc dommage de leur fermer la porte. D'autant plus que l’on a fait le constat que trop de mineurs protégés restent placés en établissement, alors que si on étudiait leur situation, peut-être qu'ils pourraient bénéficier d'une adoption, en respectant le projet de l'adopté. L’objectif est de donner une famille à un enfant et non l'inverse. En 2018, près de 950 pupilles d’État étaient confiés à une famille en vue d’adoption, quand près de 2100 autres vivaient en famille d’accueil. Et l’on comptait 10.500 agréments en cours de validité en vue d’une adoption en 2019. 

Ce texte permettra-t-il de faciliter les adoptions en augmentant le nombre de candidats ? 

Pas forcément, l’objectif est plutôt d’avoir comme candidats des parents d'aujourd'hui, donc pas forcément un couple marié. Mais aussi des parents mieux préparés, plus en phase avec la réalité de l'adoption. Parce qu'actuellement, les enfants adoptés sont plutôt des grands, âgés de 7 à 10 ans, mais aussi des jeunes à particularité, porteurs d'un handicap spécifique notamment. Ce qui correspond rarement à la demande des familles, qui souhaitent en général des enfants jeunes. On va donc revoir la composition des conseils de famille (organe chargé de la tutelle des pupilles de l’État, ndlr) pour ne pas laisser espérer certaines familles si aucun profil d'enfant ne correspond à leur demande.

Par ailleurs, nous avons abaissé la durée de vie commune en couple nécessaire pour candidater, car en règle générale, quand deux conjoints se pacsent par exemple, ils n’ont pas démarré leur vie commune à ce moment-là mais avant. Et comme la procédure d'adoption est assez longue - elle peut prendre quelques mois à plusieurs années -, revoir ces critères nous paraissait intéressant. Mais ce dispositif-là risque d'être revu après passage au Sénat. 

La longue durée de la procédure est toutefois nécessaire, car devenir parent d'un enfant adopté, ce n’est pas tout à fait comme devenir parent : il faut que les parents adoptifs acceptent que l'enfant a eu déjà une histoire, même si une autre histoire va démarrer avec eux. Eux-mêmes peuvent aussi avoir un parcours compliqué, voire violent et douloureux. Il faut donc avoir le temps d'apprivoiser toutes ces difficultés. 

En 2018, "moins de 1%" des adoptants étaient des couples de même sexe, indiquait le ministère de la Justice en septembre dernier. L’ouverture de l’adoption aux couples non mariés pourrait-elle faciliter l’adoption pour ces couples, autorisés à se marier uniquement depuis 2013 ? 

Absolument. Nous avons également prévu dans le texte de loi d’intégrer une personne expérimentée dans la non-discrimination parmi les membres des conseils de famille pour qu'effectivement, tous les dossiers puissent être étudiés de la même façon. 


Maëlane LOAËC

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