Couple : et si l'infidélité était la solution pour durer ?

Publié le 8 janvier 2019 à 17h05
Couple : et si l'infidélité était la solution pour durer ?
Source : ThinkstockPhotos

ADULTÈRE - Depuis dix ans, la psychothérapeute Esther Perel aide des couples touchés par l'infidélité. Et sa conclusion est sans appel : l'amour peut survivre à une tromperie. De ce constat sans fard est né un livre : "The State of Affairs", devenu un phénomène aux États-Unis et sorti récemment en France.

Dans la série "Infidèle", dont TF1 a démarré la diffusion ce lundi, Claire Keim se rend compte que son mari la trompe, une découverte qui transforme son quotidien en enfer. Mais dans la réalité, que signifie vraiment le fait d'être infidèle ? Qui sont ceux qui trompent tout en assurant être heureux dans leur mariage ? Tromper, est-ce forcément trahir l'autre ? Ces questions autour du désir extra-conjugal, l'auteur et psychothérapeute Esther Perel s'en empare dans son dernier ouvrage, sorti en France le 5 avril dernier : "Je t’aime, je te trompe. Repenser l’infidélité pour réinventer son couple" (Editions Robert Laffont), devenu un phénomène outre-Atlantique et traduit dans une vingtaine de langues.

Il faut dire que cette quinquagénaire d'origine belge est une véritable star aux Etats-Unis, où elle vit depuis plus de trente ans. Après un premier best-seller, "L'intelligence érotique : faire (re)vivre le désir dans le couple", où elle aborde avec humour le paradoxe entre le besoin de sécurité et le besoin de liberté au sein des couples, sa conférence TED Talk sur le sujet en 2013 a également été un énorme succès.

Narcissisme, duplicité, immoralité, perfidie...

En 2015, son autre TED Talk baptisé "Repenser l’infidélité" déclenche le même enthousiasme, avec plus de 9,4 millions de vues. Cette fois, celle que les médias américains ont rebaptisé "la nouvelle Dr Ruth" (célèbre sexologue aux Etats-Unis, ndlr) s'attaque à l'infidélité, ou plutôt à la "non-monogamie", un terme moins connoté, selon elle.

Son intérêt pour le sujet remonte à la fin des années 90, après l'affaire Lewinsky, quand Hillary Clinton est clouée au pilori pour avoir choisi de rester auprès de son mari infidèle. La jeune femme est tellement choquée par ce puritanisme ambiant, qu'elle consacrera désormais sa pratique thérapeutique aux couples confrontés à l'adultère. "Je t'aime, je te trompe" est le condensé de tous ces témoignages recueillis depuis des années dans son cabinet new-yorkais.

"Les amours infidèles provoquent des divisions, suscitent des jugements catégoriques, sans recul ni nuance. Si, d'un point de vue culturel, nous sommes de plus en plus ouverts d'esprit en matière de sexualité, ce sujet-là reste frappé du sceau de la honte et du secret", écrit-elle en préambule. "Chacun considère que l'infidélité est synonyme de narcissisme, de duplicité, d'immoralité et de perfidie. Pour résumer les discours actuels, elle est forcément le symptôme d'une relation qui va mal. Rien ne la justifie quand on a tout ce dont on a besoin chez soi", poursuit-elle.

Nous ne divorçons plus parce que nous sommes malheureux mais parce que nous pouvons être plus heureux !
Esther Pérel

Grossière erreur, estime la thérapeute qui reçoit nombre de patients dans son cabinet lui expliquant aller voir ailleurs non pas parce que l'autre ne leur suffit pas, ou ne leur convient pas, mais pour chercher – et peut-être trouver – un nouveau moi. Une crise d'identité, en quelque sorte. Et la raison en est simple : "jamais nos attentes vis-à-vis du couple n'ont pris de telles proportions. L'élu(e) de notre cœur doit nous apporter la stabilité, la sécurité, la prévisibilité et la fiabilité mais aussi nous impressionner et insuffler une part de mystère, d'aventure et de risque dans notre vie", estime Esther Perel. "En somme, nous voulons le confort et un peu de turbulences. La familiarité et la nouveauté. La continuité et la surprise", résume-t-elle.

Une liste d'exigences sans fin, trop lourdes à porter pour un seul et même partenaire, nous dit la thérapeute. L'infidélité est donc ce sésame qui réconcilie la sécurité et l'aventure en nous promettant les deux. Ainsi, en France, on estime à 33% le nombre de femmes infidèles contre 49% des hommes (sondage Ifop réalisé en 2016). "Mais aussi curieux que cela puisse paraître, beaucoup de personnes sont infidèles non pas pour fuir leur mariage, mais pour le préserver !", tranche la psychothérapeute. "Et quand nous divorçons ce n'est plus parce que nous sommes malheureux mais parce que nous voulons être encore plus heureux". 

Esther Perel décrit ainsi le cas de l’une de ses patientes, qui sur le papier n'a rien à redire de son mari. "Nous avons une relation merveilleuse, trois enfants formidables, aucun souci financier, des métiers que nous adorons et de supers amis. C’est un as dans son travail, un amant attentif, un type carrément canon, sportif et généreux envers tout le monde, y compris mes parents", lui explique-t-elle. Et pourtant... cette quadragénaire accomplie a une relation avec l'arboriculteur qui a ôté l’arbre tombé sur le garage de son voisin après le passage de l'ouragan Sandy. 

"Les gens qui trompent ne sont pas tous des narcissiques, des accros du sexe ou des prédateurs sexuels chroniques. Ce sont souvent des gens qui ont été fidèles durant des dizaines d’années, mais un jour ils franchissent la limite qu’ils pensaient ne jamais franchir, et ce au risque de tout perdre. Cela arrive aux couples heureux, malheureux, chez les jeunes, les vieux, les personnes homosexuelles et même dans les couples libres", affirme la sexologue.

Couple : faut-il vivre ensemble ou séparé pour être heureux ?Source : JT 20h Semaine

Monogamie... ses jours sont-ils comptés ?

Quelles leçons pouvons-nous tirer a posteriori d'une liaison adultère ? "Parmi les couples qui me consultent, certains choisissent de se séparer, mais d'autres, plus nombreux, décident de rester ensemble", explique la psychologue, qui ne cache pas que l'idée de perdre l'être aimé, tout comme la jalousie, sont de puissants aphrodisiaques. "Dans mon étude sur le désir, il y a une question que j'ai posée partout dans le monde : 'quand vous sentez-vous le plus attiré par votre partenaire ?' L'une des réponses les plus fréquentes que j'ai entendue est la suivante : 'quand je vois qu'il ou elle plaît à quelqu'un'". La nature humaine est ainsi faite. 

Alors, quoi conclure ? La monogamie est-elle passée de mode, périmée, bref obsolète ? "Jusqu'à présent, la monogamie a été le cadre conjugal par défaut. Elle repose sur l'hypothèse (pourtant irréaliste) que lorsqu'on aime véritablement quelqu'un, on ne doit plus être attiré par personne d'autre", explique Esther Perel. La thérapeute rappelle ici que cette notion est un reliquat du patriarcat, imposée aux femmes (encore une fois) pour des raisons économiques et surtout de filiation, les hommes ayant peur de devoir nourrir des enfants qui n'étaient pas les leurs !", poursuit-elle.

Pourtant, ce modèle affiche désormais des failles. Et de plus en plus de gens cherchent aujourd'hui de nouvelles zones d'exploration. La thérapeute cite ainsi le "polyamour", un mouvement, certes extrême, mais grandissant aux Etats-Unis. "C'est plus qu'une histoire de sexe", dit-elle. "C'est partager de l'amour, voire une vie domestique, avec plusieurs partenaires". Est-on prêt pour autant à en arriver là ? Pas sûr... Mais pour Esther Perel, "nous devons apprendre à vivre avec des incertitudes, des attirances, des rêveries. Les couples qui se sentent libres de parler en toute franchise de leurs désirs, même lorsque ces derniers portent sur une personne extérieure, deviennent paradoxalement plus proches", analyse-t-elle. "S'accorder mutuellement une certaine liberté au sein de la relation rend peut-être un peu moins enclin à aller la chercher ailleurs". Ne pas ignorer l'attrait de l'interdit mais au contraire l'inviter en son sein, tel pourrait être le défi des couples au long cours pour durer... encore plus longtemps. 


Virginie FAUROUX

Tout
TF1 Info