DÉFENSE - La France a placé en orbite samedi 23 octobre en soirée un satellite de communication militaire présenté comme un pilier de sa souveraineté, témoin parmi d'autres que les tensions géopolitiques s'exportent désormais jusque dans l'espace.
Un "bijou de technologie". La fusée Ariane 5 a décollé samedi 23 octobre de Kourou, en Guyane, en emportant le satellite 4A du programme Syracuse, qui permettra aux armées françaises déployées aux quatre coins du globe de communiquer à haut débit et en toute sécurité depuis des relais au sol, aériens, marins et sous-marin. La mission s'est achevée avec succès 38 minutes et 41 secondes après le tir.
"Syracuse 4A est conçu pour résister aux agressions militaires depuis le sol et dans l'espace ainsi qu'au brouillage", explique le colonel Stéphane Spet, porte-parole de l'armée de l'Air et de l'Espace. Il est équipé de moyens de surveillance de ses abords proches et d'une capacité de déplacement pour échapper à une agression.
[A LA UNE A 18H] Une fusée européenne Ariane 5 a mis en orbite dans la nuit de samedi à dimanche deux satellites de communications, dont un militaire, après un décollage sans encombre de la base de Kourou en Guyane française (1/5) #AFP pic.twitter.com/s8u5OaO14y — Agence France-Presse (@afpfr) October 24, 2021
Protégé des attaques et explosions nucléaires
Un risque réel : en juillet 2020, le commandement spatial américain avait accusé Moscou d'avoir "conduit un test non-destructeur d'une arme anti-satellite depuis l'espace". Et en 2017, le "satellite-espion" russe Louch-Olympe avait déjà tenté de s'approcher du satellite militaire franco-italien Athena-Fidus. Ultime performance, S4 est protégé contre les impulsions électro-magnétiques qui résulteraient d'une explosion nucléaire.
Le programme Syracuse représente un investissement total de quelque 4 milliards d'euros. La quatrième génération multipliera par trois le débit de communications de S3. Des besoins générés par les systèmes de commandement, la représentation des situations tactiques du terrain, la vidéo (venant par exemple des drones Reaper déployés au Sahel). À terme, la France disposera de 400 stations capables de communiquer avec S4 depuis le sol, un aéronef, un navire ou un sous-marin, selon la DGA.
Paris veut rester dans la course
Le déploiement du satellite, prévu de longue date, tombe à point nommé alors que Paris pousse son projet de souveraineté européenne en matière de défense. La France, qui dispose d'espaces maritimes souverains sur toutes les mers du globe, ne peut se passer d'une assise technologique puissante.
Quelques semaines l'humiliation due à la rupture par l'Australie d'un important contrat de sous-marins français au profit de submersibles américains, fragilisant d'autant la puissance française en Indopacifique, le satellite S4 doit aussi redonner une fierté à la bête blessée.
"Politiquement, c'est la mise en évidence que la France reste une puissance peut-être moyenne, mais dont l'étendue d'action reste internationale", affirme Xavier Pasco, directeur de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) et spécialiste des questions spatiales. Avec ses deux milliards d'euros d'investissements annuels dans le spatial militaire et civil, l'Hexagone reste loin du trio de tête : 50 milliards pour les Etats-Unis, 10 pour la Chine et 4 pour la Russie. Mais le S4 permet aujourd'hui à la France de rester dans le peloton de tête et confirme que Paris participe bien à la course aux armements.