"Ce n'est juste pas possible" : les salariés d'EDF disent non au plan Hercule

par Charlotte ANGLADE
Publié le 28 janvier 2021 à 19h28
"Ce n'est juste pas possible" : les salariés d'EDF disent non au plan Hercule
Source : CSEC EDF

ACTION - Contestant le plan de restructuration que la Commission européenne veut leur imposer, les salariés d'EDF ont lancé mercredi 27 janvier une campagne d'alerte auprès du grand public. Alors qu'une grève est prévue le 10 février prochain, le secrétaire du Comité social et économique central d’EDF étaye les revendications.

Cela fait 18 mois maintenant que les organisations syndicales d'EDF mènent un combat acharné contre le plan Hercule. Demandé par la Commission européenne pour éviter que les aides d'Etat à l'électricien français ne viennent fausser la concurrence, ce dernier prévoit la séparation des activités du groupe public en trois pôles : un "EDF Bleu", qui comprendrait les activités nucléaires et resterait public ; un "EDF Vert" pour les énergies renouvelables, dont 35% seraient cotés en Bourse ; et, une filiale "EDF Azur" qui gérerait l'activité hydroélectrique.

Farouchement opposé à cette destinée, le Comité social et économique central d’EDF (CSEC) lance une campagne d’alerte auprès du grand public. Elle a débuté mercredi par des affichages de sensibilisation dans les grandes villes de France. "Vous avez aimé la privatisation des autoroutes ? Vous allez adorer celle de l'électricité !", "Privatisation partout, électricité nulle part !", scandent notamment les affiches placardées dans l'espace public. Car si le projet est technique, il n'en concerne pas moins les usagers du réseau EDF.

La hausse des factures d'électricité inévitable ?

"Ni les représentants du personnel que nous sommes, ni les élus de la nation parlementaire, ni les citoyens ne sont au courant des discussions qui se tiennent depuis près de deux ans en toute opacité à propos de leur service public d'électricité. Ce n'est juste pas possible", s'emporte auprès de LCI le secrétaire du CSEC, Philippe Page Le Mérour. Car si le sujet est complexe, il concerne largement, à son sens, les consommateurs. "Cela va avoir des effets très concrets, notamment sur les factures d'électricité", prévient-il. 

Le scindement d'EDF en trois sociétés distinctes va en effet entraîner la nécessité de créer de nouvelles interfaces afin que les synergies existantes entre le nucléaire, les énergies renouvelables et l'hydraulique ne soient pas perdues. Ces connexions entre les secteurs sont essentielles pour assurer la continuité du service et éviter les coupures, par exemple lorsque la production des éoliennes devient insuffisante en raison du manque de vent. "Chaque fois qu'on fait des interfaces depuis maintenant plus de 15 ans, cela se retrouve sur la facture d'électricité", affirme le secrétaire du CSEC.

De plus, alors qu'une partie du secteur des énergies renouvelables serait vouée à être privatisée, il rappelle que depuis l'ouverture du marché de l'électricité à la concurrence en 2007, le prix de l'électricité n'a cessé d'augmenter. Une étude de l'Insee montre que cette année-ci, le prix de l'électricité a augmenté de 43,6%. En 2019, 3,5 millions de foyers se trouvaient en situation de précarité énergétique, selon le dernier rapport de l'Observatoire National de la Précarité Énergétique (ONPE).

Vers des coupures d'électricité plus courantes ?

Philippe Page Le Mérour craint également que le plan Hercule provoque une augmentation des coupures d'électricité. La fermeture, ces dernières années, des centrales à fioul et à charbon et de la centrale nucléaire de Fessenheim, seulement compensée par la construction de moyens éoliens et photovoltaïques, a selon lui fragilisé le réseau. "Tout cela est magnifique, mais lorsque l'on est dans des périodes sans vent et sans soleil, on arrive à des situations extrêmement tendues sur le réseau", explique-t-il. Or les filières de productions d'électricité scindées, elles ne seront plus en capacité de se compléter pour assurer une intensité électrique stable. De plus, dénonce-t-il, le projet Hercule ne prévoit pas de reconstruire des centrales. "La centrale du Havre, qui doit être fermée le 1er avril prochain, tourne en ce moment en permanence pour sécuriser le réseau", fait-il remarquer.

Des licenciement inévitables ?

Créé en 1946, pour fournir au pays une unité entre la production, la distribution et la vente permettant de faciliter sa reconstruction post seconde guerre mondiale, EDF-GDF avait déjà dû séparer, en vertu de la loi du 9 août 2004, ses activités de distribution de ses activités de transports. Pour le CSEC, le projet Hercule n'est que "la dernière scène du démantèlement à long terme des services publics de l'énergie pour soutenir le secteur privé" et remet aux mains du "dumping social" de nombreux salariés.

"Un des effets majeurs du plan Hercule serait la coupure du lien historique entre la production et la vente d'électricité. On se retrouverait alors avec les 8000 salariés d'EDF Commerce dans la jungle du dumping social", assure-t-il en faisant remarquer qu'aucun des concurrents d'EDF ne possède de plateforme de vente en France. "Je ne vois pas comment EDF Commerce pourrait tenir en situation concurrentielle avec des règles complètement différentes, par rapport à une concurrence qui travaille depuis Madagascar ou New Dehli." 

Le 10 février prochain, le PDG d'EDF, Jean-Bernard Levy, doit être entendu par la Commission des affaires économiques, conjointement avec la commission du développement durable à l’Assemblée Nationale. C'est à cette date que les syndicats ont donné rendez-vous aux salariés pour une journée de grève. Alors que la mobilisation du personnel, cadres comme ouvriers, ne faiblit pas près de deux ans après la présentation du projet, le secrétaire du CSEC ne se montre pas inquiet quant à la réussite du mouvement. Une pétition a également été lancée sur le site energie-publique.fr.


Charlotte ANGLADE

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