Automobiliste condamné sur simple dénonciation : cette décision peut-elle faire jurisprudence ?

Anaïs Condomines
Publié le 4 janvier 2017 à 20h05
Automobiliste condamné sur simple dénonciation : cette décision peut-elle faire jurisprudence ?
Source : Thinkstock

DROIT – A Montpellier, un automobiliste a été condamné à 500 euros d’amende pour conduite en état d’ivresse… sur la base d’une simple dénonciation. Un première en France. Peut-elle devenir la règle ? LCI fait le point.

Il n’avait encore jamais vu ça. Ludovic Para, avocat de Montpellier, a vu cette semaine son client se faire condamner par la cour d'appel de Montpellier à 500 euros d’amende pour conduite en état d’ivresse… sur la base d'une simple dénonciation. Dans ce dossier pour le moins atypique, pas de test d’alcoolémie, ni de contrôle policier inopiné. Mais la déclaration d’une témoin, sur laquelle s’est fondée toute la procédure. Cette témoin a ainsi expliqué : "Il titubait, il sentait fortement l’alcool."

Auprès de LCI, Ludovic Para se dit "avocat étonné et automobiliste inquiet". "Au volant, va-t-on devoir désormais surveiller la route et les passants qui nous surveillent en retour ?" demande-t-il. Car c’est la question que tout le monde se pose aujourd’hui. Ce qui est arrivé à ce conducteur peut-il vous arriver à vous ? Un simple témoignage pourrait-il vous emmener devant les tribunaux ? En d’autres termes, cette condamnation sur simple dénonciation – et non délation, qui se fonde sur la vengeance ou l'appât du gain - peut-elle faire jurisprudence ? 

Une décision "contrariante"

Ludovic Para pense qu’il s’agira-là d’un "arrêt isolé". D’autant plus qu’une décision, pour faire jurisprudence, doit être confirmée par la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire français, la Cour de cassation. Or, faute de moyens, son client, qui a reconnu à l’audience avoir consommé de l’alcool, a d’ores et déjà renoncé à s’y pourvoir. Mais l’histoire pourrait très bien ne pas s’arrêter là.

 Pour en avoir le cœur net, nous avons posé la question à Rémy Josseaume, avocat spécialisé en droit routier. Et pour lui, cette décision "contrariante" pourrait bien devenir "la porte ouverte à toute forme de constatation". "Cela rend bancal tout type de procédure" poursuit-il. "Imaginons qu’un juge annule une procédure à cause d’un contrôle pas en règle. Il pourrait alors choisir d’engager des poursuites malgré tout, si un témoin entre en jeu. Cela irait contre le principe de sécurité juridique, qui veut qu’une décision se fonde sur un minimum d’éléments solides et contradictoires. Et, ajoute-t-il, "qu’un délit soit constaté par un agent assermenté."  

Ce cas d'école, qui permettrait d'outrepasser un éventuel vice de procédure, est évidemment purement théorique. En d’autres termes, la condamnation sur simple dénonciation, ce n’est pas pour tout de suite. Les deux avocats interrogés par LCI sont en effet formels : "Ce cas est très marginal, tout simplement parce qu’aucun procureur, en dehors de celui de Montpellier, n’a encore eu l’idée, dans ce genre d’affaires, d’engager des poursuites sur la base d’un seul témoignage". Reste à savoir si cela pourrait néanmoins donner des idées à d'autres.

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