"Préoccupés" avant la présidentielle, les évêques écrivent une "lettre aux habitants de notre pays"

par Loïc LE CLERC
Publié le 13 octobre 2016 à 11h18
"Préoccupés" avant la présidentielle, les évêques écrivent une "lettre aux habitants de notre pays"
Source : MIGUEL MEDINA / AFP

EGLISE - Les évêques de France ont un message à faire passer aux "habitants de notre pays", tous confondus. Un appel à l'apaisement et une réflexion sur comment "retrouver des raisons de vivre ensemble" où ils assurent notamment que "l'identité française est assez forte pour se confronter aux autres".

"Si nous parlons aujourd'hui, c'est parce que nous aimons notre pays et que nous sommes préoccupés par sa situation". Voici comment commence ce document rare des dix membres du conseil permanent de la Conférence des évêques (CE, sorte d'exécutif de l'Eglise catholique en France), intitulé "Dans un monde qui change, retrouver le sens du politique", rendu public ce jeudi 13 octobre.

Si ça n'est pas très "loi de 1905", cette "lettre aux habitants de notre pays" fait office de sonnette d'alarme, à quelques mois de la présidentielle. "L'intention de ce message est de s'inscrire en faux contre la sinistrose ambiante", explique l'archevêque de Paris, le cardinal André Vingt-Trois dans Le Figaro de ce jeudi.

"Retrouver des raisons de vivre ensemble"

L'un des messages majeurs de cette lettre, bien compris dans la mention "habitants de notre pays", est le suivant : "Nous avons voulu quelque chose qui ne soit pas 'les cathos pour les cathos'", a précisé cette semaine à la presse le président de la CEF et archevêque de Marseille, Mgr Georges Pontier. Ce dernier s'interroge : "Comment redonner un souffle, une vision commune pour que les Français, divers, puissent retrouver des raisons de vivre ensemble ?"

Officiellement rendue publique jeudi, cette lettre d'une soixantaine de pages, coéditée par trois maisons (Bayard, Cerf, Mame), sera disponible vendredi en librairie au prix de 4 euros. Trois mille exemplaires ont été envoyés aux élus, partis, syndicats et autres interlocuteurs, selon le porte-parole des évêques, Mgr Olivier Ribadeau Dumas, qui évoque un "appel au dialogue sans hystérie ni raideur".

Les valeurs républicaines de liberté, égalité, fraternité, souvent brandies de manière incantatoire, semblent sonner creux pour beaucoup de nos contemporains.
Conseil permanent de la Conférence des évêques

Les dix membres du conseil permanent de la Conférence des évêques semblent ne pas apprécier la tournure du débat politique, notamment en matière d'identité. Au Figaro, Mgr André Vingt-Trois assène : "L'identité française est assez forte pour se confronter à d'autres identités". Le "contrat social" a besoin d'être "renoué" car il ne va "plus de soi", ses promesses n'étant "plus tenues". Les personnes d'origine étrangère "n'arrivent pas à trouver leur place", précisent les évêques.

Ils dressent ce constat : "L'attitude et l'image de quelques-uns jettent le discrédit sur l'ensemble de ceux qui vivent l'engagement politique comme un service de leur pays", "la parole a trop souvent été pervertie, utilisée, disqualifiée". Ils ajoutent : dans la société, "la contestation est devenue le mode de fonctionnement habituel, et la culture de l'affrontement semble prendre le pas sur celle du dialogue", égratignant "réseaux sociaux et médias, surtout audiovisuels" : "On ne peut sans cesse jouer sur la com' et l'audience".

Djihad et laïcité

A propos des jeunes tentés par le djihad, les évêques appellent à pousser la réflexion : "Sans minimiser en aucune façon leur responsabilité ni celle des commanditaires qui ont manipulé leur destin, il convient de se demander pourquoi l'intégration n'a pu s'opérer, et comment notre société a laissé une partie de sa jeunesse se perdre dans de telles aventures mortifères et meurtrières". Et de s'interroger sur la "crise" de "notre système éducatif". "Plus que d'armure, c'est de charpente que nos contemporains ont besoin", écrivent les évêques, insistant sur "la question du sens", qui a "déserté le débat politique".

Le sujet de la laïcité est devenu un "lieu de tension" qui "tient beaucoup au mouvement de réaffirmation des religions, particulièrement de l'islam", note l'épiscopat. Mais ce doit être un "cadre juridique", pas "un "projet de société" et de "neutralisation religieuse", plaide-t-il, alertant sur des "frustrations qui vont conforter le communautarisme". Sombre tableau que le texte éclaire en soulignant le "potentiel important" de dynamisme et de solidarité de la France, "en tous domaines". "En tant que chrétiens, nous sommes des inconditionnels de l'espérance !" fait valoir Mgr Pontier.


Loïc LE CLERC

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