Calais : avant la visite de Macron, la situation reste tendue entre migrants et forces de l'ordre

par Matthieu JUBLIN
Publié le 15 janvier 2018 à 21h49, mis à jour le 16 janvier 2018 à 9h34
Calais : avant la visite de Macron, la situation reste tendue entre migrants et forces de l'ordre

LE POINT - Alors que le chef de l'Etat se déplace à Calais ce mardi, des associations d'aide aux migrants haussent le ton. Le Secours catholique et l'Auberge des migrants annoncent notamment qu'elles portent plainte contre, selon elles, la confiscation, la destruction et le gazage de sacs de couchage des migrants par les forces de l'ordre.

Emmanuel Macron risque d'être mal accueilli par certains lors de sa venue à Calais ce mardi. Voire pas accueilli du tout. Le président de la République, qui vient défendre sa politique migratoire, compte rencontrer tous les acteurs locaux : associatifs, élus, forces de l'ordre, administration. Mais deux associations, Utopia 56 et l'Auberge des migrants, ont d'ores et déjà annoncé qu'elles déclinaient l'invitation, jugeant qu'elle n'est qu'un "alibi".

Cette rencontre "ne peut que permettre au chef de l’exécutif de déclarer qu’il y a eu dialogue avec les associations, alors que les décisions politiques importantes sont déjà prises", affirment les deux organisations. "Elle succède à d’autres rencontres (Mrs Valls, Cazeneuve, Collomb…) auxquelles nous avons participé et qui ont servi d’alibi à des autorités simplement soucieuses de faire croire à un dialogue avec les associations calaisiennes", poursuivent Utopia 56 et l'Auberge des migrants.

Une plainte contre les destructions et dégradations des sacs de couchage

L'Auberge des migrants, ainsi que le Secours catholique, ont par ailleurs fait savoir qu'elles portaient plainte contre X pour "destruction et dégradation des sacs de couchage" utilisés par les migrants. Ceux-ci, affirment les associations, n'osent "pas porter plainte devant les mêmes autorités que celles ayant détruit leurs bien". En bref : les forces de l'ordre. Contactée par LCI, la préfecture du Pas-de-Calais ne souhaite pas commenter cette annonce. 

Les deux associations avaient expliqué  il y a plusieurs mois leur nouvelle approche. Celle-ci consiste à prêter aux migrants des sacs de couchage, des bâches ou des tentes sur lesquels leur logo apparaît "clairement", tout en faisant signer un contrat de prêt aux personnes qui en bénéficient. Une méthode qui leur permet de porter plainte en cas de destruction et de dégradations de ces objets, car ils restent leur propriété.

Entre 500 et 600 migrants sur place, un chiffre stable depuis plusieurs mois

Cette plainte et le refus d'accepter l'invitation du président illustrent la persistance des tensions à Calais. Alors que les associations recensent entre 500 et 600 migrants sur la zone - un chiffre stable depuis plusieurs mois -, une grande majorité d'entre-eux semblent toujours vouloir quitter la France pour aller au Royaume-Uni. 

Originaires pour l'essentiel d'Afghanistan, d'Éthiopie, d'Érythrée et du Soudan, les migrants sont en effet très majoritairement anglophones. Selon un sondage effectué en octobre sur 233 d'entre eux par l'ONG britannique Refugees Rights, 90 % d'entre eux veulent ainsi quitter la France. Près de 30% d'entre-eux déclarent avoir de la famille au Royaume-Uni.

On fait la distribution de nourriture dans des champs, les gens mangent dans la boue.
Loan Torondel, L'Auberge des migrants

Dans cette enquête, 4 migrants sur 10 disent avoir été victimes de violences de la part de la population locale, et 9 sur 10 de violences de la part de la police, en majorité des gaz lacrymogènes (90%) et de la violence physique (50%). "Les violences policières ont un peu diminué depuis le rapport de Human rights watch. Mais ce qui continue toujours, c'est le ramassage, le gazage et la destruction des couvertures et des sacs de couchage", abonde Loan Torondel, porte-parole de l'Auberge des migrants. 

Dans un communiqué commun, ce lundi, près de 30 associations dénoncent, entre autres, "les difficultés accrues pour obtenir un titre de séjour ou son renouvellement", "le parcours du combattant pour qu'un.e mineur.e non accompagné.e soit au moins mis à l'abri, sans parler d'une prise en charge par l'Aide Sociale à l'Enfance" et "un harcèlement, qui ne cesse de prendre de l'ampleur, des bénévoles et militant.e.s qui tentent de défendre les droits des personnes étrangères" "Ça devient sinistre. C'est l'hiver, il pleut beaucoup", ajoute Loan Torondel. "On fait la distribution de nourriture dans des champs, les gens mangent dans la boue."

Gérard Collomb veut que le Royaume-Uni accueille plus de mineurs isolés

Le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb, qui accompagnera Emmanuel Macron à Calais, a quant à lui annoncé dans une interview au Parisien vouloir que le Royaume-Uni accueille plus de mineurs isolés et assure plus facilement la réunification familiale des migrants.  Depuis 2004, ce sont les accords du Touquet qui régissent les contrôles à la frontière franco-britannique. Et qui placent de facto la frontière à Calais. Cela oblige les migrants qui veulent demander l'asile au Royaume-Uni à traverser illégalement la Manche.

Gérard Collomb veut, pour sa part, "aboutir à un protocole additionnel" à ces accords, évoquant "des mesures concrètes de prise en charge d’un certain nombre de coûts par les Britanniques, ainsi que d’un plus grand nombre de personnes, au titre de l’accueil des réfugiés et des mineurs non accompagnés". Pour celà, il faudra convaincre les Britanniques lors du sommet du jeudi 18 janvier. 


Matthieu JUBLIN

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