"Cette histoire a foutu ma vie en l’air" : il pose "à poil" pour dénoncer sa banque et fait le buzz

par Sibylle LAURENT
Publié le 18 octobre 2016 à 14h27, mis à jour le 18 octobre 2016 à 17h30
"Cette histoire a foutu ma vie en l’air" : il pose "à poil" pour dénoncer sa banque et fait le buzz
Source : Fazcebook/Daniel Cavert

L’HISTOIRE - Pour dénoncer l'attitude de sa banque qui l'a conduit, selon lui, à mettre la clé sous la porte, Daniel Cavert a posé nu devant son magasin de motos de Guéret, dans la Creuse. Il a ensuite publié la photo sur Facebook. Alors que la procédure judiciaire traîne, il a été entendu : son post a atteint 4 millions de personnes.

Il pose "à poil". Littéralement. Derrière lui, des grandes pancartes jaunes fluorescentes tapissent la vitrine de sa boutique. Avec un message clair, en lettres capitales : "Et on dit merci qui ? Merci la Banque Populaire !". Daniel Cavert a posté cette photo sur Facebook.  Et s'il s'y montre "à poil", explique-t-il, c'est pour dénoncer sa banque qui l'a selon lui mis dans cette situation. Ce commerçant tenait une boutique de revente de motos,  à Guéret, dans la Creuse. Sauf qu’aujourd’hui, il a tout perdu. Sans comprendre pourquoi.

Cette boutique, Cavert-Motos, c’était toute sa vie. Et celle de sa famille aussi. "Je suis né dans le milieu moto", raconte Daniel à LCI. "Mon père a créé cette entreprise en 1949, j’ai commencé à travailler avec lui, et je suis responsable du magasin depuis 35 ans".  L'établissement tourne bien. "Je ne gagnais pas des mille et des cents, mais je m’en sortais bien. Je vivais de ma passion, c’était héréditaire…". 

Découvert coupé

Mais un jour, il y a 10 ans, il change de banque. Et ouvre son compte professionnel à La Banque Populaire de Guéret. Les bilans financiers sont positifs, Daniel a du patrimoine immobilier, et "zéro euro de crédit". Tout va bien. Sauf qu’en 2008, la banque lui indique qu’elle lui supprime son autorisation de découvert. "Or pour tous les commerçants qui vendent un produit à forte valeur ajoutée, c’est vital", explique Daniel. "On a besoin d’avoir du stock en magasin : c'est ce qui attire les clients et ce qui fait vendre." Daniel ne comprend pas. Il écrit un courrier. L’agence de Guéret renvoie la responsabilité à celle de Limoges, au siège régional. Daniel s'adresse à Limoges. Qui renvoie la décision à Guéret... Et les choses traînent. "Au bout d’un mois, j’ai saisi le médiateur du crédit à la Banque de France", se souvient-il. "Il m’a donné raison, et la banque a rétabli l’autorisation de découvert."

 Les affaires repartent. Quelques mois plus tard, le compte  de Daniel affiche même un bénéfice de 7.000 euros. Mais  c'est la rechute : "La banque m’a à nouveau coupé le crédit, sans prévenir".  Ceux qui l’ont prévenu, ce sont ses fournisseurs. Chèques refusés, paiements qui ne passent pas… C’est le début du cercle vicieux. "Dans le commerce, dès qu’on a un rejet, tout s’enchaîne", souligne-t-il. "On a une déquotation de la banque de France, on perd les assurances crédit, l’agrément des fournisseurs est supprimé..." D’un coup, tous ses fournisseurs lui tournent le dos. Et la chute est violente. "J’ai  fini l'année à moins 28.000 euros."

Daniel s'acharne. Il retente une médiation, la banque rouvre l’autorisation de crédit. Puis la referme, quelques mois après. Et ce, cinq fois de suite. "A chaque fois, j’ai bossé comme un âne pour récupérer ma protection à la banque de France, mes agréments, puis la banque m'a resupprimé ce crédit", peste Daniel. "Je n’ai jamais su pourquoi. J’ai fait cinq médiations : il paraît que je suis le seul dans ce cas en France !" Sauf qu’à chaque fois, il repart d’un peu plus bas.  "Tout ça a fragilisé mon entreprise, j’ai perdu énormément de clients. Avant, j’étais l'un des deux meilleurs revendeurs Kymco sur tout le Sud-Ouest.  Aujourd’hui, ma société est complètement à plat. "

Personne ne m'a jamais entendu !
Daniel Cavert

A bout, Daniel attaque tous azimuts. Sur les conseils d’un artisan confronté au même problème, il contacte un avocat réputé. Et constitue un dossier de 190 pages. Mais là encore, les choses traînent. La banque n'est assignée que 8 mois plus tard, en novembre 2014, auprès du tribunal de commerce de Guéret. Et, là encore, ça s’enlise, alors que la situation du commerçant devient toujours plus intenable. La première plaidoirie est programmée 18 mois plus tard, le 20 janvier 2016. A la barre, les avocats de la banque demandent le renvoi. Le motif ? Ils n’ont pas eu connaissance des dernières conclusions du plaignant. Ce qui est fait, au 17 février. Tombe, le 20 avril, un délibéré dans lequel le tribunal explique qu’il manque d’éléments pour juger. Une nouvelle audience est programmée en juin, qui débouche sur une autre, le 21 septembre. "Une prochaine est calée fin octobre", explique Daniel. "Mais on s’achemine vers le 10e renvoi… "

Daniel n’en peut plus. Car entre-temps, sa banque lui a clôturé son compte. Il est donc obligé de se lancer dans une procédure de redressement judiciaire. "Je n’y arrivais plus", souffle le quinquagénaire. "Je suis victime d’une justice à deux vitesses : d’un côté, je fais face à un redressement judiciaire qui va très vite. Et de l’autre, je suis en conflit avec la banque, dont l’issue pourrait me sauver, mais qui traîne."  Fin août, il a même écrit à François Hollande, au Premier ministre, au Garde des Sceaux, en demandant que justice soit faite. "Je n’ai eu aucune réponse. Cela fait 8 ans que je me bagarre, que j’essaie d’alerter tout le monde, de l’élu local au président. Personne ne m’a jamais entendu." 

Je ne lâcherai pas, j’irais jusqu’au bout. Je veux comprendre.
Daniel Cavert

Et les pans de sa vie s'écroulent de plus en plus vite. Le 30 septembre, Daniel a été placé en liquidation judiciaire. "Je n’avais plus aucune confiance des fournisseurs, plus de stocks, donc plus de clients, plus de ventes", raconte le commerçant. "Cette histoire a foutu ma vie en l’air, j’ai perdu mon magasin, je vais perdre ma maison, je me suis séparé car cela a eu des incidents sur ma vie de famille… Je n’ai même plus accès à mon téléphone pro ni à ma messagerie". Et estime-t-il, le "pire", c'est que "tous les avocats contactés disent que la banque ne peut pas ne pas perdre. Mais en revanche, ils font traîner. Et dans l’histoire, c’est moi qui trinque." Mardi dernier, le liquidateur a fait changer les serrures de son magasin. Avant de partir, Daniel a eu ce réflexe : placarder ces affiches jaunes fluo, se prendre en photo devant, nu, et poster le tout sur Facebook. 

Et si, depuis des mois, il a l’impression d'hurler dans le vide, Daniel a trouvé là petit réconfort : son post Facebook a atteint 4 millions d’internautes, et il a reçu des milliers de mots de soutien. "Je ne m’attendais pas à ça", souffle-t-il. "C’est un petit réconfort. Je ne lâcherai pas, j’irai jusqu’au bout. Je veux comprendre". 

Ce commerce n'était pas viable
Me Thierry Wickers, avocat pour la Banque Populaire

Contactée, la banque apporte par la voix de son avocat une version un peu différente. "En 2008, la banque a fait l’analyse du bilan de l’entreprise de M. Cavert, comme chaque année", explique Me Thierry Wickers . "Elle a considéré que sa société risquait d’avoir des difficultés et a souhaité mettre fin à son concours de caisse.  Elle le lui a signifié, avec le préavis prévu par la loi. Il a même demandé une rallonge, ce qui a été fait." L’avocat reconnaît qu’en effet, il y a eu plusieurs médiations de la Banque de France. "A chaque fois, nous avons respecté scrupuleusement ce qu’elle nous disait, et accepté de lui faire des facilités, de maintenir les crédits." 

Pour la banque, la décision "d'arrêter d'accompagner financièrement" Daniel Cavert est entièrement justifiée, au vu des bilans comptables de la société : "Ce commerce ne faisait plus de bénéfices depuis 2008-2009, il n’était pas viable. Les banques n’ont pas la possibilité de maintenir les crédits s’il n’y a aucune chance de redresser l’entreprise."  Et si le jugement du tribunal traîne, c’est selon elle à cause de Daniel Cavert, qui n’aurait dans un premier temps "communiqué aucun document", et n’aurait pas "régularisé la procédure" lorsqu’il a été placé en redressement judiciaire. Et sa situation actuelle, la liquidation judiciaire, risque de compliquer encore les choses. "Il est désormais déssaisi de la procédure, il ne peut plus se présenter devant le tribunal, c’et le liquidateur qui s’en charge", explique Me Thierry Wickers.


Sibylle LAURENT

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