Charlotte a grandi avec deux papas : "Les seuls moments où j’ai été mal, c’était à cause du jugement des autres"

par Youen TANGUY
Publié le 24 janvier 2018 à 8h00, mis à jour le 24 janvier 2018 à 19h54
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Source : Sujet JT LCI

TÉMOIGNAGE - A l’occasion des Etats généraux de la bioéthique où seront notamment débattus la PMA ou la GPA, nous avons voulu donner la parole aux enfants élevés par des couples de mêmes sexes. Pour Charlotte, c'est une "vraie chance d'avoir grandi avec deux papas".

Charlotte a 29 ans. Cette surveillante de collège a grandi dans un "trou paumé" en Saône-et-Loire. Née d'une famille 'lambda' avec un père et une mère, ses parents divorcent alors qu'elle n'a qu'un an. Son père obtient alors la garde exclusive et elle ne voit plus sa mère qu'un week-end sur deux avant de couper définitivement les ponts à 11 ans après des faits de violences physiques et psychologiques. 

"Mon père s’est retrouvé avec une petite de un an à élever, une maison à construire… alors ma grand-mère s'est beaucoup occupée de moi", raconte-t-elle à LCI. A quatre ans, ce dernier lui présente son compagnon. "Ça s’est fait tout naturellement et tout s’est très bien passé", raconte-t-elle. Ses deux papas ne vivent pas ensemble et ne se pacsent pas, mais ils passent leurs week-ends et leurs vacances tous les trois. 

Pour moi ça a été une vraie chance d’avoir deux papas, j'ai eu une enfance plus complète
Charlotte

'Et l'enfant dans tout ça ?' C'est la question que posent souvent les opposants à l'adoption pour les couples homosexuels, à la PMA pour toutes ou à la GPA mais aussi ceux qui s'interrogent sur cette évolution. Des sujets brûlants qui seront d'ailleurs débattus à l'occasion des Etats généraux de la bioéthique qui se sont ouverts le 18 janvier dernier.

En ce qui concerne Charlotte, elle se remémore une enfance heureuse. "J'ai toujours eu tout ce dont un enfant a besoin pour être équilibré. Pour moi ça été une vraie chance d’avoir deux papas, j'ai eu une enfance plus complète. Je faisais à manger avec mon 'daddy' - son père biologique - et du bricolage avec mon autre papa". Elle raconte avoir appris la tolérance et l'ouverture sur les autres. "Mes papas n’ont jamais fait de différence par rapport aux personnes que je ramenais à la maison, assure-t-elle. Ma meilleure amie était Algérienne, j'avais des potes juifs, cathos... Ils s'en foutaient". 

Et d'ajouter : "On pourrait croire qu'une fille élevée par deux hommes est aux antipodes de la féminité, mais c'est un peu cliché. J'aime le foot, mais je fais aussi de la danse orientale ; je porte des jeans, mais je peux aussi mettre une robe et une paire d'escarpins. Quand j’ai eu mes règles ou que j'ai voulu parler de sexualité, mes papas ont su me conseiller et me renseigner sans me forcer la main. Et d'assurer : "En fait, les seuls moments où j’ai été mal, c’était à cause du jugement des autres".

Les premières difficultés se présentent à l'entrée au collège. "J'ai eu beaucoup de mal à vivre le fait que mes parents étaient homos", confie la jeune femme. Pourquoi ? A cause du regard et du jugement des autres enfants. "On m'appelait la fille des pédés... que des trucs immondes à entendre quand on a douze ans". Mais Charlotte a un fort tempérament et ne se laisse pas faire. Avec le recul, elle assure même que ses harceleurs l'ont aidé à être plus forte. Si j’avais eu une enfance 'papa/maman' je n'en serais peut-être pas là aujourd’hui, je n'aurais pas un mental de guerrière".

Quand j'entends des personnes de la Manif pour tous dire que les enfants d'homos sont des monstres, qu'ils ne sont pas normaux, ça me met hors de moi
Charlotte

Idem au moment du débat autour du mariage pour tous. "Quand j'entends des personnes de la Manif pour tous dire que les enfants d'homos sont des monstres, qu'ils ne sont pas normaux, ça me met hors de moi. Ils me font me sentir mal, plus bas que terre, alors qu'ils ne connaissent rien. Ils parlent pour nous sans jamais donner la parole aux principaux concernés", explique la jeune femme qui redoute que les Etats généraux de la bioéthique soient une nouvelle tribune pour ces derniers. 

Au début du mois de janvier, l'actrice Isabelle Carré a publié un livre pour raconter son enfance avec ses deux papas et a raconté son histoire dans différents médias. "C'était l'une des première fois qu'on entendait une enfant d'homo parler, regrette Charlotte. Je trouve ça assez incroyable sachant qu'on est quand même assez nombreux". Selon des chiffres de l'Institut national des études démographiques (Ined) datant de 2005, entre 24.000 et 40.000 enfants seraient élevés par des couples de même sexe en France.

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Aujourd'hui et depuis la loi Taubira, les couples de même sexe peuvent adopter un enfant (voir ci-dessus la vidéo sur les règles en France et en Europe au lendemain depuis l'adoption du Mariage pour tous) . Mais les procédures sont particulièrement longues et difficiles, notamment pour les homosexuels, comme nous vous le soulignions dans une enquête publiée sur notre site en mai dernier. La prochaine loi bioéthique, attendue au Parlement à l'automne, devrait permettre d'ouvrir la PMA pour toutes les femmes sans pour autant légaliser la GPA. Des questions sur lesquelles Charlotte a un avis bien tranché.

"Il y a des hommes qui sont obligés d’aller aux Etats-Unis pour avoir un enfant. Ils demandent juste à aimer des enfants. Et vu les sacrifices qu’ils font pour en avoir, ils sont encore plus méritants que les autres". 


Youen TANGUY

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