Contrôles au faciès : six ONG lancent une action contre l'État

Publié le 27 janvier 2021 à 9h36, mis à jour le 27 janvier 2021 à 9h46
Contrôles au faciès : six ONG lancent une action contre l'État
Source : FRANCOIS GUILLOT / AFP

DISCRIMINATIONS - Un collectif d'organisations a lancé une action de groupe contre le gouvernement ce mercredi. L'objectif ? Mettre fin aux "contrôles d'identité discriminatoires" par la police, sous peine de saisir la justice.

C'est une première en France. Mercredi 27 janvier, une action de groupe a été déposée contre l'État par un collectif d'ONG pour mettre fin aux "contrôles d'identité discriminatoires" par la police. Si le gouvernement n'apporte pas de réponses satisfaisantes, ces associations menacent de saisir la justice. "Les juges peuvent ordonner au gouvernement des mesures pratiques pour que cesse cette discrimination", développe l'avocat du collectif, Antoine Lyon-Caen, qui a préparé la mise en demeure.

Cette action compile de nombreux témoignages de victimes, mais aussi de policiers qui racontent "l'inutilité des contrôles". Que réclament ces ONG exactement ? Une modification du code de procédure pénale pour "interdire explicitement la discrimination dans les contrôles d'identité", la "création d'un mécanisme de plainte efficace et indépendant" ou encore "la mise à disposition de toute personne contrôlée d’une preuve de contrôle", sur le modèle du récépissé de contrôle d'identité, serpent de mer des promesses électorales, proposé par François Hollande et récemment remis sur la table par Emmanuel Macron.

Dans quel contexte intervient cette action ? La procédure, prévue par la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle votée en 2016, intervient après une succession d'affaires mêlant violences policières et accusations de racisme dans la police. La dernière affaire médiatique en date : le tabassage fin novembre du producteur de musique noir Michel Zecler.

À la suite de l'indignation suscitée par les violences subies par cet homme, Emmanuel Macron avait été invité par le média Brut pour s'exprimer sur la question des discriminations et des violences policières, début décembre. "Aujourd'hui, quand on a une couleur de peau qui n'est pas blanche, on est beaucoup plus contrôlé [...]. On est identifié comme un facteur de problème et c'est insoutenable", avait reconnu le président de la République.

Une action qui coïncide avec le "Beauvau de la sécurité"

En plus du débat autour des violences policières, cette action coïncide également avec le lancement du "Beauvau de la sécurité", grande concertation nationale sur la police annoncée par Emmanuel Macron dont le coup d'envoi a été donné lundi 25 janvier. "Ce n'est pas une mauvaise coïncidence", reconnaît Antoine Lyon-Caen. Cette mise en demeure vise précisément le Premier ministre Jean Castex, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin et le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti. Elle leur laisse un délai de quatre mois pour répondre aux demandes des six ONG, dont Amnesty International France et Human Rights Watch.

Le contrôle au faciès est de plus en plus pointé du doigt en France, condamnée régulièrement pour ses pratiques. En octobre dernier, la Cour de cassation a condamné l'État pour "fautes lourdes", notamment pour des contrôles d'identité de mineurs injustifiées, sans toutefois retenir la discrimination. "Cette pratique est de plus en plus attaquée mais l’État ne prend pas de mesures", déplore Slim Ben Achour, avocat spécialiste des questions de discriminations.

Si l'on ne dispose pas de chiffres officiels sur les contrôles d'identité, plusieurs travaux soulignent l'existence de discriminations dans cette pratique, sur lesquels LCI s'était penché au moment de l'affaire Adama Traoré. Une étude menée en 2009 à Paris par Open Society Justice Initiative et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) montrait qu'en France, les personnes perçues comme "noires" et "arabes" sont contrôlées respectivement six et huit fois plus que celles perçues comme "blanches". Plus récemment, en janvier 2017, un rapport du Défenseur des droits avait conclu qu'un "jeune homme perçu comme noir ou arabe [...] a une probabilité 20 fois plus élevée" d'être contrôlé que l'ensemble du reste de la population.


La rédaction de TF1info

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