La FIFA ne veut plus de zooms sur les "filles sexy" : "bientôt un code vestimentaire dans les stades", vraiment ?

Anaïs Condomines
Publié le 14 juillet 2018 à 23h31
La FIFA ne veut plus de zooms sur les "filles sexy" : "bientôt un code vestimentaire dans les stades", vraiment ?
Source : NELSON ALMEIDA / AFP

SEXISME - La décision de la FIFA de demander aux chaînes d'arrêter de filmer en gros plan des "filles sexy" pendant les matchs de foot ne plaît pas à tout le monde. Des femmes politiques françaises y voient l'avènement d'un "code vestimentaire dans les stades" ou encore la perspective d'un bannissement des femmes dans les tribunes. Mais est-ce réellement ce que cette annonce vise ? On fait le point.

Une consigne qui fait du bruit. Federico Addiechi, le "monsieur diversité" de la FIFA, a annoncé le 11 juillet dernier avoir demandé aux médias diffuseurs des matchs de la Coupe du monde de cesser de zoomer sur les "hot women"- littéralement les "filles sexy" - dans les tribunes pendant les rencontres sportives. 

"On a fait cette demande auprès des diffuseurs individuels et de nos propres services. (...) On a documenté plus de trente cas", a-t-il expliqué, arguant que le sexisme était le plus gros problème de la Coupe du monde en Russie cette année. En conséquence, et pour lutter contre les comportements sexistes allant jusqu'à des agressions de supportrices, ces zooms intempestifs ne devraient plus faire partie des réalisations futures. "Une évolution normale", selon Federico Addiechi. 

"Bientôt un code vestimentaire ?"

Un avis que ne partagent pas de nombreux observateurs, notamment en France. En l'occurrence, ce sont des observatrices, pour la plupart femmes politiques, qui s'insurgent face à cette annonce. Laurence Rossignol, par exemple, ancienne ministre des Droits des femmes, y voit un "gros malentendu sur la lutte contre le sexisme". Via Twitter, elle explique : "Le sexisme n'est pas le fait des femmes, de leur tenue ou de leur impudeur mais des comportements qu'elles subissent au prétexte de leur tenue. Bientôt un code vestimentaire pour accéder aux tribunes ?"

Même tonalité du côté de Juliette Méadel, ancienne secrétaire d'Etat chargée de l'Aide aux victimes : "Hallucinant commentaire de BFM qui trouve qu'il ne faut pas "trop s'attarder sur les jolies spectatrices". Et plus loin : "C'est une régression inquiétante pour notre société. Alors quoi, il faudrait que les femmes se cachent ? S'enlaidissent ? Se masquent ? Quelle perspective conservatrice et pudibonde... et demain la fin des écoles mixtes aussi ? Où va-t-on ? 

De son côté, Valérie Boyer, députée Les Républicains des Bouches-du-Rhône, s'interroge ainsi : "Et ensuite ? L'interdiction de la jupe ? Cessons de vouloir nous faire croire que les hommes seraient faibles et les femmes responsables."

Aurore Bergé, porte-parole des des députés LREM, y va elle aussi de son commentaire : "Mais elles peuvent quand même se rendre au stade ou c'est la prochaine étape ? Et les joueuses 'sexy' ont encore le droit d'être sur le terrain et d'être filmés ? Qu'on ne nous parle pas de progrès."

Nous pouvons nous habiller comme nous le souhaitons sans que cela vous autorise à commenter"
Raphaëlle Rémy-Leleu

En résumé, celles et ceux qui s'opposent à cette décision de ne plus zoomer sur les "filles sexy" perçoivent une chose : on voudrait, en ne les montrant plus, chasser les femmes des stades. Ou pire : leur faire porter la responsabilité des actes sexistes qui se retournent contre elles. 

A l'inverse, pour Osez Le Féminisme, le prisme est tout autre. Raphaëlle Rémy-Leleu, porte-parole du mouvement, s'est fendue d'une explication sur Twitter, que nous citons ici avec son accord. Pour elle, le débat ne se concentre pas sur la beauté ou non des supportrices. Mais plutôt sur ce que disent ces images de notre société. "Ce n'est pourtant pas difficile", écrit-elle. "Nos corps, nos images, nous ne vous appartenons pas. Et nous pouvons nous habiller/ promener comme nous le souhaitons, dans les rues, comme dans les stades, sans que cela vous autorise à commenter/ partager/ agresser."

Toujours selon Raphaëlle Rémy-Leleu, faire croire que l'on va bannir les "jolies filles" des stades relève d'une "mise à l'envers du débat". En fait, pour elle, il est plutôt question "d'arrêter de traiter les femmes comme des bouts de viande qu'on expose devant un public (majoritairement masculin) pour 'combler' lors des arrêts de jeux chiants. Avec une vraie différence de traitement entre supporters et supportrices." Elle ajoute qu'elle est "bien sûr pour continuer de filmer les tribunes, les joies, les peines, les célébrations. Mais pas avec cette réalisation différente entre hommes et femmes qui nous ramènent à un statut d'objet, présentes uniquement dans les tribunes pour le plaisir masculin de mater." Ce n'est pas autre chose, en effet, qu'a semblé vouloir exprimer le responsable diversité de la FIFA, en liant cette réalisation des matchs jugée sexiste et le nombre d'agressions sexuelles survenues en Russie depuis le début de la Coupe du monde. 


Anaïs Condomines

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