Covid-19 : le complotiste Silvano Trotta a-t-il touché des fonds publics pour lancer un drive de dépistage ?

Publié le 19 janvier 2021 à 14h49, mis à jour le 21 janvier 2021 à 17h06
Un "coronadrive" à Montpellier.
Un "coronadrive" à Montpellier. - Source : Pascal GUYOT / AFP

OPPORTUNISME - Une entreprise présidée par le complotiste Silvano Trotta aurait noué, en mars dernier, un partenariat avec les Bouches-du-Rhône. En réalité, cette société n'a jamais touché directement des fonds du département.

Mise à jour du 21/01 :

Suite à la publication de cet article, LCI.fr a été contacté par Stéphie Télécom, entreprise présidée par Silvano Trotta. Son directeur général a indiqué ne jamais avoir directement travaillé avec le Conseil départemental des Bouches-du-Rhône, précisant que c'était l'un de leurs partenaires qui a eu un contrat rémunéré. Raison pour laquelle le département n'avait aucune trace de cette entreprise. Contactée par nos soins, la collectivité locale a confirmé cette version. 

Avec des dizaines de tweets par jour et des vidéos qui atteignent les milliers de vues, Silvano Trotta est sans aucun doute l'une des figures émergentes de la complosphère. Mais alors qu'il désinforme avec aplomb une partie de la population sur internet, c'est une toute autre facette de sa personnalité qui intéresse ses détracteurs. Également chef d'entreprise, l'Alsacien est accusé d'avoir profité de la crise sanitaire pour toucher de l'argent public. 

Une publication assure ce jeudi 14 janvier qu'il aurait vendu en mars dernier "sa solution de gestion de rendez-vous à un centre de dépistage" du département des Bouches-du-Rhône. Une initiative en totale dissonance avec ses positions publiques. Avec une question soulevée : ce complotiste notoire mange-t-il à tous les râteliers ?

Un communiqué de "Stéphie Télécom"

Sur Twitter, un internaute résume parfaitement ce paradoxe. D'un côté, Silvano Trotta est décrit comme un fervent défenseur des théories du complot "qui depuis des mois mine jours après jours tous les efforts des soignants à coup de fake news". De l'autre, tel un "PDG qui se fait du fric en vendant un système de gestion". Pour preuve, il joint à son message l'image d'un communiqué de presse. 

Daté du 31 mars 2020, on le retrouve facilement en ligne sur le site de l'entreprise. Stéphie Télécom annonçait avoir accompagné "l'initiative du Conseil Départemental des Bouches-du-Rhône et du Conseil Départemental de l'Ordre des Médecins dans la mise en place d'un Drive de dépistage Covid-19 dédié aux personnels soignants du département". Si le texte est signé d'un certain Philippe Payn, directeur général de cette entreprise de télécommunication, un rapide coup d'œil sur le site de la société suffit pour découvrir que Silvano Trotta en est bien le président. Et il ne s'agit pas d'un homonyme, comme en attestent certaines photos ou encore l'adresse de domiciliation du siège, en Alsace. 

Une initiative qui interroge. Au-delà de ses nombreuses sorties totalement erronées, ou de ses fausses informations crées de toute pièce comme ce vulgaire montage d'un groupe de soignants, l'homme a toujours dit ne pas croire au dépistage de la maladie. Encore quatre jours avant la publication de ce communiqué, il assumait "douter" de la fiabilité des tests PCR (à 20 minutes dans cette vidéo). 

Le département n'a jamais travaillé avec Stéphie Télécom

Face à la polémique, le principal intéressé, qui a notamment participé au "documentaire" Hold Up, a réagi décrivant des "mensonges" et des "fake news" venant de ses opposants. "On me rapporte encore des mensonges écrits sur moi, par des personnes toxiques et idiotes pour ne pas dire méchantes", écrit ce "covido-sceptique" sur Facebook le 15 janvier. 

Pourtant, dans le corps de la publication, l'ufologue (spécialiste des ovnis) ne nie pas les faits. Il précise bien avoir participé à la mise en place de ce drive mais à titre gracieux. "Une de mes sociétés s'est associée à [cette initiative] en offrant GRATUITEMENT et en 48H le système de réception automatisé des appels", se félicite-t-il. Une justification qui, même si Silvano Trotta avait une notoriété encore confidentielle à l'époque, ne dissipe cependant pas le mystère autour de ce prétendu partenariat. Aucune recherche ne nous a permis d'en retrouver la trace, mis à part le texte de Stéphie Télécom. S'il y a bien eu la création d'un drive le 31 mars dans les Bouches-du-Rhône, comme en atteste ce communiqué du département, l'entreprise de l'Alsacien n'est jamais citée. Interrogé sur la question, le département avait d'abord parlé d'"un énorme fake", nous assurant n'avoir "jamais collaboré avec cette entreprise". Alors, comment expliquer ce communiqué publié dès mars ? Le directeur général de l'opérateur technique nous explique avoir participé à la mise en place de ce drive, mais de manière indirecte. Le modèle de cette société repose en effet sur un réseau de partenaires locaux. Ce sont ces derniers qui commercialisent leurs services, sous leurs propres marques. Ils sont "les interlocuteurs uniques de leurs clients" et ne communiquent "quasiment jamais sur la raison sociale 'Stéphie Télécom'", précise ainsi Philippe Payn.

C'est donc ce partenaire, à savoir Parc Consulting, qui a collaboré avec la collectivité locale. Une version que nous confirment les principaux intéressés. "Nous avons bien eu un contrat rémunéré avec la société Parc Consulting", affirme le département, sans toutefois connaître les détails de la prestation sous traitée. "Nous n'avons jamais rien eu à voir avec Stéphie Télécom". Quant à savoir si ce contrat rémunéré a finalement eu un avantage financier pour l'entreprise de Silvano Trotta, le département n'a pas non plus su nous en dire plus. De son côté, le directeur général de Stéphie Télécom assure avoir offert cette prestation "dans une approche solidaire". 

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Felicia SIDERIS

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