Cours d'éducation sexuelle à l'école : de quoi parle-t-on, exactement ?

Anaïs Condomines
Publié le 29 septembre 2018 à 17h08, mis à jour le 29 août 2019 à 13h05
Cours d'éducation sexuelle à l'école : de quoi parle-t-on, exactement ?
Source : AFP / illustration

LES CHOUX ET LES CIGOGNES - Vous les avez peut-être vues passer : sur les réseaux sociaux (Facebook en particulier), de nombreuses vidéos soutiennent qu'à l'école, sera bientôt enseignée la masturbation aux enfants de 4 ans. C'est évidemment faux. On fait le point.

Elles cumulent quelques dizaines de vues ou bien des milliers. Depuis le début de l'été sur Facebook, des vidéos alarmistes pullulent au sujet de cours d'éducation sexuelle donnée aux enfants. Vous les avez peut-être vues défiler sur les réseaux sociaux, ou bien c'est un parent inquiet qui s'est empressé de vous les faire suivre par message. 

A l'intérieur, on y parle d'apprentissage, à l'école, du plaisir ou de la masturbation... pour les enfants dès l'âge de 4 ans, à grands renforts d'interpellations désespérées du type "Mon dieu!", "Vous êtes complètement fous ma parole, ce sont des enfants !!". Des critiques directement dirigées vers le gouvernement - et plus particulièrement vers Marlène Schiappa, secrétaire d'Etat en charge de l'égalité entre les femmes et les hommes, qui mardi soir, dans un exercice de communication via Facebook Live, a tenté de fustiger les rumeurs.

Et puis, au-delà des vidéos, des publications sur Facebook relaient les notes d'un contenu supposé de cours dispensés à la rentrée. La page Facebook "Roubaix News" a par exemple publié des fiches "établissant les bases d'une éducation sexuelle à l'école" impliquant, dès l'âge de 4 ans, "la découverte des organes sexuels comme source de plaisirs nouveaux". L'élue LaREM Agnès Cerighelli a par ailleurs repris l'information sur son compte Twitter. Alors, de quoi parle-t-on exactement ? 

Capture d'écran Twitter

Rendre effective une loi... qui existe déjà

D'emblée, écartons tout suspense inutile : non, vos chères têtes blondes n'apprendront ni la masturbation ni le plaisir sexuel à l'école. Dans le cas de ces fiches publiées par "Roubaix News", il s'agit d'une fausse information en bonne et due forme. Puisque, comme l'ont démontré Les Décodeurs du Monde, ces fiches ne sont pas une ébauche de programme pour les petits français, mais l'extrait d'un dossier détaillant des réflexions à destination... des enseignants suisses. Le ou la gestionnaire de la page "Roubaix News" a retiré la publication et présenté ses excuses. 

Sachez ensuite que cette rumeur est bien loin d'être nouvelle. Les mêmes cris d'orfraie avaient été poussés en 2013, lorsque Najat Vallaud-Belkacem, alors ministre de l'Education nationale, avait tenté d'instaurer les fameux "ABC de l'Egalité" pour lutter contre les stéréotypes sexistes dès les classes de primaire. A l'époque aussi, on avait vu cette volonté de réforme comme une "déclaration de guerre aux familles" de France. Rien de nouveau sous le soleil, donc.

Mais si la polémique renaît de ses cendres aujourd'hui, c'est bien parce que le sujet de l'éducation sexuelle a été récemment remis sur le tapis. En juillet dernier, Marlène Schiappa a en effet annoncé qu'une circulaire allait être transmise " à tous les recteurs de France". Non pas pour instaurer une nouvelle mesure... mais pour rendre effective une loi qui existe déjà, sans être pour autant appliquée. Cette loi date du 4 juillet 2001. Dans le code de l'éducation, elle informe qu'une "information et une éducation à la sexualité sont dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d'au moins trois séances annuelles et par groupe d'âge homogène". 

Puberté, sentiments et consentement

Deux ans plus tard, une circulaire précise les contours de ce module. Il s'agit alors de "donner aux enfants et adolescents les moyens de s'approprier progressivement les données essentielles de leur développement sexuel et affectif et leur permettre notamment de mieux analyser et appréhender les multiples messages médiatiques et sociaux qui les assaillent quotidiennement". Le texte poursuit : "L'éducation à la sexualité (...) doit les aider à développer des attitudes de responsabilité individuelle, familiale et sociale". Et cite pèle-mêle plusieurs thèmes qui doivent être abordés : "comprendre l'importance du respect mutuel, analyse les interdits (...) et les modèles des rôles sociaux", etc... Dans ces divers objectifs, nulle trace d'apprentissage de la masturbation ou du plaisir sexuel. 

Aujourd'hui, les modules sont détaillés sur le site de l'Education nationale. Ils ont peu évolué et sont articulés autour de trois pôles : biologique (anatomie, puberté, contraception...), psycho-affectif (estime de soi, orientation sexuelle, émotion et sentiments...) et social (rôles sexués et stéréotypes, notion de consentement, prévention des violences sexuelles...).

Ministère Education nationale

A noter que ces thèmes ne sont pas prévus pour être abordés de la même manière devant une classe de CP... ou de terminale. L'Education nationale précise "qu'avec un travail de diagnostic, qui peut être mené en concertation avec les instances représentant les élèves dans le second degré, les actions sont construites et menées en fonction de l'âge et de la maturité des groupes. Elles sont élaborées, de la maternelle au lycée, pour accompagner, dans la progressivité, la construction d'un être responsable". Très concrètement, en primaire, ces cours sont censés être assurés par les professeurs des écoles. Tandis qu'au collège et au lycée, les trois séances annuelles sont organisées soit par des équipes volontaires de professeurs, de conseillers principaux d'éducation ou de membres de l'infirmerie, soit par des partenaires extérieurs agréés. Ces derniers ne sortent pas de nulle part : la liste des associations et organismes agréés par l'Education nationale est disponible ici

Autant de consignes qui, depuis dix-sept ans qu'elles figurent dans la loi, peinent encore à être une réalité dans la plupart des établissements français. En 2016, le Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh) indiquait qu'au moins 25% des écoles n'avaient strictement rien amorcé dans ce domaine. De quoi donner encore du temps aux détracteurs en tout genre. 


Anaïs Condomines

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