Et si les salariés élisaient leur propre patron ?

Publié le 9 février 2015 à 18h45
Et si les salariés élisaient leur propre patron ?

PORTRAIT - Jacques Benoît a été un chef d'entreprise atypique. Pendant vingt ans, il s'est soumis, chaque année, au vote de ses salariés. Aujourd'hui reconverti en consultant, il plaide pour une meilleure intégration des salariés à la vie de l'entreprise. Il vient de sortir un livre pour expliquer sa démarche. Et donner des idées ?

Imaginez. Chaque année, vous êtes appelés à voter au sein de votre entreprise. Sujet de la consultation : votre propre patron et sa reconduction pour l'année suivante à la tête de votre boîte. En cas de mauvais score, celui-ci voit son poste remis en jeu lors d'une nouvelle élection. Cette proposition, qui peut paraître fantaisiste, a pourtant été mise en œuvre pendant près de trente ans par Jacques Benoît. Entre 1970 et 1998, ce chef d'entreprise s'est chaque année soumis au jugement de ses employés.

"Pourquoi opposer actionnaires et salariés ? Ils devraient être à égalité, explique-t-il à metronews. Or, à ce jour, seuls les actionnaires décident de la vie de l'entreprise." Dans un livre sorti fin janvier , il détaille cinq propositions pour "réformer" les entreprises. "Le capitalisme qui donne tout pouvoir à la finance est complètement dépassé", estime-t-il.

Transparence sur les salaires

Ses propositions sont en grande partie issues de son expérience. En 1976, Jacques Benoit crée sa propre entreprise, qui importe et transforme des graines salées. Il va en faire son "laboratoire social". Outre les votes, qui ont lieu chaque année, il réunit tous les salariés trois fois par an. Au cours de ces réunions, on discute des augmentations, mais aussi des décisions stratégiques de l'entreprise. "Les salariés doivent pouvoir s'opposer à la délocalisation de l'entreprise ou au choix d'un nouveau partenaire, estime-t-il. Ce sont eux qui, par leurs talents et leur travail, font la richesse de l'entreprise. En en cas de difficultés, sont aussi eux les premiers touchés".

En 1986, il réussit même à faire accepter une baisse générale de salaire pour sauver l'entreprise, en difficulté financière. "Elle a été votée par la majorité des salariés et la CFDT a même approuvé le texte, raconte-t-il. Il faut arrêter de croire que les salariés ne sont pas à même de comprendre les enjeux d'une entreprise". Il propose également d'instaurer l'adhésion obligatoire à un syndicat ou encore de noter les cadres de la société.

"Personne ne parle de refondation de l'entreprise"

Ce patron "peu politisé" imagine très bien son modèle transposé aux grandes multinationales. "Avec cette technique, le patron aurait une autorité morale bien plus importante ! La véritable autorité, c'est une autorité d'adhésion, tranche-t-il. Tout le monde, de Sarkozy à Mélenchon dénonce les dérives du capitalisme, dénonce-t-il. Mais personne ne parle de refondation de l'entreprise". 

Son expérience inédite a pris fin en 1998, avec un dépôt de bilan. Car si le patron est noté - et reconduit -  rien n'exclut qu'il puisse faire des erreurs. "J’ai vécu un échec, concède-t-il. Mais je ne suis pas un échec moi-même. Il faut savoir rebondir". Il tente par la suite de faire connaître son modèle en organisant des conférences dans les écoles de commerce, où il propose là encore aux élèves… de noter ses cours.

Cinq propositions pour réformer l'entreprise, de Jacques Benoît, aux éditions EMS, 9,50 euros


La rédaction de TF1info

Tout
TF1 Info