Ni fessée, ni chantage : que faire quand son enfant n'écoute pas ?

par Amandine REBOURG Amandine Rebourg
Publié le 10 août 2018 à 21h39
Ni fessée, ni chantage : que faire quand son enfant n'écoute pas ?
Source : LOIC VENANCE/AFP

ÉDUCATION - Le débat sur les "violences éducatives ordinaires" est régulièrement relancé pour sensibiliser les parents aux conséquences de ces gestes. Est-il possible d'éduquer son enfant sans avoir recours à la fessée, à la punition, au chantage ? Les spécialistes l'affirment. Mais c'est d'abord de nouveaux comportements qu'il faut mettre en place.

De nombreux parents se posent la question de l'éducation idéale à donner à leurs enfants. Parfois, malgré les préceptes en vogue suivis à la lettre et l'envie de bien faire, les parents craquent et cèdent à ce que certains jugent être de "la faiblesse" ou "la facilité" avec des fessées et du chantage : ce que l'on appelle communément des "violences éducatives ordinaires". Des gestes et des mots condamnés par de nombreux spécialistes de l'enfance en raison des séquelles psychologiques et physiques qu'ils entraînent. 

Gifler ou mettre une fessée est une particularité sociale ancestrale en France mais qui, étudiée depuis plusieurs années, démontre que ces gestes n'ont aucune performance éducative. Ils peuvent même s'avérer dangereux pour l'avenir et le développement de l'enfant. Mais il reste difficile de changer les comportements et les mentalités ancrés depuis des décennies. Comment procéder autrement qu'en ayant recours aux "violences éducatives ordinaires" ? Est-il possible d'éduquer son enfant sans violence physique et verbale ? Pour beaucoup de spécialistes, la réponse est oui. 

Prenez soin de vous pour le bien de votre enfant !

Véritables éponges au contact de tout ce qui les entoure, les enfants s'imprègnent très rapidement et profondément de l'atmosphère familiale, de ce qu'ils voient et entendent. Alors il vous faut d'abord porter votre attention sur vous-même. En effet, "quand un parent ne prend pas soin de lui, de ses besoins, il se sent mal. Ses frustrations, son énervement, sa fatigue retentissent alors négativement sur l'enfant", nous confie la pédiatre Catherine Gueguen.

Pour elle, "il est essentiel d'avoir une relation de qualité avec les enfants et les adolescents, c'est-à-dire une relation chaleureuse, empathique, soutenante, et de les aider à travailler leurs émotions pour que leur cerveau se développe de façon optimale". Le mot d'ordre semble alors simple : "parents, prenez soin de vous pour le bien de votre enfant". "Ce parent aurait-il envie de moments de détente, de lire, de voir des amis, de danser, de faire du sport ? La relaxation, le yoga, la méditation en pleine conscience peuvent contribuer à retrouver calme et sérénité", indique la spécialiste. 

Développez l'empathie

Beaucoup de parents usent de ce que les spécialistes appellent les "violences éducatives ordinaires" parce qu'il est ancré dans la culture que corriger son enfant physiquement et verbalement est "pour son bien". Alors comment procéder autrement ? Pour le Dr Gueguen, il faut tout d'abord se mettre à la place de l'enfant pour comprendre ses émotions. "Qu'éprouverions-nous si notre compagne ou compagnon nous mettait une gifle ou une fessée, nous parlait avec violence ? Nous serions révoltés, en colère, humiliés, blessés et le lien avec lui ou elle se distendrait", analyse la spécialiste. 

Pour corriger le tir, il faut développer l'empathie chez le parent et chez l'enfant par l'intermédiaire notamment des ateliers consacrés à la CNV : la communication non violente. "L'empathie peut s'apprendre, se travailler et se développer", explique la pédiatre. Car ce sentiment est, selon elle, essentiel pour une relation de qualité parent/enfant.

L'école peut-elle apprendre l'empathie ?Source : JT 20h WE

Cherchez à l'apaiser plutôt que le gronder

La pédiatre rappelle qu'en dessous de 5/6 ans, "l'enfant ne sait pas gérer ses émotions". "Il peut taper, mordre, être en colère : il est en proie aux tempêtes émotionnelles. Son cerveau émotionnel et archaïque le domine. Il faut faire un travail de connaissance sur ce qu'est un enfant. Lorsqu'il est en proie à ces tempêtes émotionnelles, il ne faut surtout pas le gronder mais essayer de l'apaiser", dit-elle.

Plus facile à dire qu'à faire ? "Quand on voit qu'on est sur le point d'exploser, il vaut mieux sortir de la pièce. On peut aller respirer, appeler un(e) ami(e), vaquer à des occupations. Il faut laisser l'enfant, assure Catherine Gueguen. Bien sûr, l'idéal c'est de l'aider à s'apaiser par sa simple présence calme mais lorsqu'on voit qu'on ne peut pas gérer cela, il faut quitter la pièce." De même que si un enfant refuse d'aller se coucher, la pédiatre conseille aux parents de lui "expliquer pourquoi il doit aller se coucher ou se mettre au lit avec un livre". "Pourquoi ne pas lui expliquer qu'on souhaite passer du temps avec sa compagne ou son compagnon, que l'on doit travailler... Il faut vraiment expliquer à l'enfant que ce n'est pas une punition", insiste la pédiatre.

Apaiser n'est pas céder, ni autoriser l'enfant à assouvir toutes ses envies
Docteur Catherine Gueguen, pédiatre

Pour elle, il faut donc agir en guide et non en chef, avec son enfant. "Être chef, c'est penser qu'il est possible de modifier le comportement de l'autre par des rapports de force, en criant, en donnant des ordres, en rabaissant, en humiliant. Le résultat arrive vite, soit l'enfant devient agressif, révolté, tyrannique, provoquant, soit l'enfant est très sage. Il obéit mais il est totalement soumis, souvent dépressif et il perd sa propre identité", explique la pédiatre. 

A contrario, agir en guide, permettrait de "donner des repères à l'enfant : il fixe les limites, les énonce avec calme et lui-même s'y conforme". En agissant de la sorte, on prend conscience qu'on ne peut pas changer le comportement de l'enfant en donnant des ordres mais "en montrant le chemin". Et si vous vous demandez alors, comment faire respecter l'autorité parentale, la pédiatre explique : "Les parents confondent souvent comprendre l'enfant, savoir l'apaiser et le laxisme. Apaiser n'est pas céder, ni l'autoriser à assouvir toutes ses envies. C'est mettre un cadre, transmettre des valeurs mais en comprenant ce que vit l'enfant."

Sachez vous excuser

Que faire si l'on en vient à gifler son enfant ou lui donner une fessée et que l'on regrette ensuite ? "Tous les adultes, un jour ou l'autre, perdent patience, s'énervent, ont envie de baisser les bras, disent des paroles ou ont des gestes qu'ils regrettent aussitôt. Le reconnaître, s'excuser pour telle attitude, telle parole est très éducatif pour l'enfant. Cela lui transmet que les adultes comme les enfants commettent des erreurs, qu'elles sont inhérentes au chemin de la vie", dit-elle. 

Les adultes n'ont pas à craindre de perdre la face devant l'enfant s'ils s'aperçoivent que leurs paroles ou leurs actes n'étaient pas justes ou adaptés
Dr Catherine Gueguen, pédiatre

"L'enfant a une notion aiguë de ce qui est juste ou non. Les adultes n'ont pas à craindre de perdre la face devant l'enfant s'ils s'aperçoivent que leurs paroles ou leurs actes n'étaient pas justes ou adaptés. Un enfant respectera beaucoup plus les adultes s'ils ont été capables de reconnaître leurs faux-pas. Il est toujours possible de dire : 'Je suis désolé. Je regrette de t'avoir dit cela, de t'avoir menacé, puni, giflé, etc. J'étais très énervé et je n'ai pas pris le temps de réfléchir… Je ne souhaite plus me comporter comme cela.' L'essentiel est de le reconnaître, de ne pas persévérer dans ses erreurs et de pouvoir en parler. On peut aussi faire comprendre à l'enfant qu'on a besoin de lui. L’enfant alors imitera l'adulte en ne s'effondrant pas quand il se trompe. Ce sera pour lui une occasion de mieux se comprendre, apprendre et repartir", explique la pédiatre. 

Elle assure également que l'enfant n'a aucune notion de ce qu'est l'autorité parentale mais qu'il a la notion du respect de ses parents, si ceux-ci sont cohérents dans leur comportement. "On ne peut pas demander à un enfant de ne pas crier, si nous mêmes nous crions", explique-t-elle. Car "une attitude dure, rigide, des humiliations verbales, physiques... tout ce qui fait peur stresse l'enfant, freine le développement global de son cerveau intellectuel et affectif. Cela peut entraîner des troubles du comportement et des difficultés d'apprentissage."

Les conséquences de ces violences sur les enfants

Pour bien comprendre les effets que procure à l'enfant ce type de violences verbales et physiques ou en tout cas, perçues comme telles, il faut s'en référer à la science et aux études qui indiquent qu'elles sont totalement contre-productives. Selon Daniel Delanoë, qui a publié un ouvrage sur le sujet intitulé Les châtiments corporels de l'enfant (éditions Eres), "la violence éducative augmente les comportements d’agressivité, et d’agitation et affecte les capacités d’apprentissage". Plusieurs études démontrent que les "violences éducatives ordinaires affectent les capacités relationnelles de l'enfant", nous explique-t-il.

"Elles augmentent l’agressivité, diminuent l’empathie et la confiance de l'enfant en ses parents. Et cela n’atteint pas les objectifs éducatifs. Ce n'est pas efficace. Dans le milieu scolaire on remarque des comportements anti-sociaux, avec des enfants très agités, peu concentrés. Cela vient donc perturber l’apprentissage avec parfois, un facteur d’échec scolaire", dit-il. "Les enfants victimes de violences éducatives sont sujets à des réactions de stress et d'humiliation, poursuit ce spécialiste. Leurs capacités de défense sont perturbées. Les enfants décident rarement de ce qu'ils font et si c'est le cas, c'est qu'ils le font dans le cadre de relations déjà perturbées avec les parents."

L'exemple de la Suède

Selon l'Observatoire de la violence éducative ordinaire, une association, "85% des parents français utilisent ces violences, 71% disent donner une petite gifle, et plus de 50% commencent à frapper leur enfant avant l'âge de deux ans". Des chiffres dénoncés par la Fondation pour l'enfance dans une campagne de communication à l'attention des parents lancée en janvier dernier. Selon la Fondation qui espère bien "inciter les pouvoirs publics à mieux prendre la mesure" de ces chiffres, 53 pays dont 23 pays européens ont déjà légiféré contre ces violences éducatives ordinaires. 

Mais en France, point de véritable législation sur le sujet. Ce que réclament précisément les spécialistes afin d'en arriver, comme en Suède, à une société où la fessée et les châtiments corporels sont interdits depuis 1979. "Et on y observe moins de tentatives de suicide, moins d’actes de délinquance et une consommation de drogues en baisse", rappellait le docteur Lazimi, coordinateur de la campagne. 


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