Fracture numérique : un quart des personnes âgées peinent à accéder à leurs droits

ML
Publié le 1 octobre 2021 à 13h57

Source : JT 13h Semaine

DISCRIMINATIONS - À l’occasion de la journée internationale des personnes âgées ce vendredi 1er octobre, la Défenseure des Droits alerte sur les difficultés de certains seniors à remplir leurs démarches administratives, faute de maîtriser les outils numériques notamment.

Près d’une personne âgée de plus de 65 ans sur quatre se heurtent à des difficultés pour réaliser des tâches administratives : c’est le constat dressé par la Défenseure des Droits Claire Hédon, qui publie ce vendredi 1er octobre un nouvel état des lieux des discriminations subies par les seniors, à l’occasion de la journée mondiale des personnes âgées. Le rapport s'appuie sur une enquête téléphonique menée auprès de plus de 2500 personnes âgées de 65 ans ou plus vivant à domicile ainsi que 15 aidants.  

Ce sont surtout les seniors en situation de dépendance et de précarité financière qui peinent à engager et mener à bout leurs démarches. Mais aussi ceux en fracture numérique, une situation définie comme de "l’illectronisme" par l’autorité indépendante. Au total, 30% des personnes interrogées indiquent ne pas disposer d’un accès Internet chez eux, "proportion qui augmente fortement avec l’âge", précise l’étude : 21% des 65-74 ans sont concernés, contre 38% des 75-84 et 53% des 85 ans ou plus. Quant à ceux qui disposent d’une connexion, ils ne possèdent pas toujours "les compétences numériques de base", comme envoyer des courriels ou consulter des comptes en ligne, indique le communiqué de presse. 

Dématérialisation des démarches

Un "sentiment d’exclusion" renforcé par la dématérialisation des démarches avec les services publics, comme la déclaration des impôts par exemple : les personnes âges ont de moins en moins la possibilité de contacter et dialoguer directement et en physique avec quelqu’un. Certains soulignent aussi des informations mauvaises ou manquantes, mais aussi la fermeture des agences de proximité. 

"Je pense qu’ils souffrent de ne pas avoir d’interlocuteur en face d’eux qui les aide, les rassure ou valide ce qu’ils font", déplore l’un des aidants interrogés dans le communiqué, ajoutant que les seniors craignent de faire "une bêtise" dans leurs démarches. D’autant qu’une personne âgée sur quatre ne dispose d’aucune aide pour mener ces tâches de la part de son entourage. Selon le dernier Baromètre du numérique, si la navigation sur Internet sur un téléphone mobile s’est accrue chez les sexagénaires et les retraités (21% de plus entre 2019 et 2020), 40% des plus de 70 ans se déclarent encore peu ou pas du tout compétents pour se lancer dans les démarches administratives en ligne. 

Ces difficultés peuvent vite les décourager, puisque plus d’un senior sur sept déclare avoir abandonné ses démarches après avoir rencontré des problèmes administratifs. Ceux qui auraient le plus besoin de ces démarches sont ceux qui les arrêtent le plus vite : les personnes âgées déclarant des difficultés financières abandonnent deux fois plus fréquemment les démarches que les personnes se déclarant à l’aise financièrement. 

Le sujet avait déjà été abordé en 2019 par l’autorité, qui s’inquiétait déjà du phénomène du tout numérique : un tiers des Français s’estimaient alors peu ou pas compétent pour utiliser un ordinateur. Parmi eux, des personnes devant pourtant toucher des allocations et engager des démarches, comme les personnes âgées.

Un âgisme subi sans le savoir

Plus largement, "30% des personnes âgées de 65 ans ou plus déclarent avoir été témoin de discriminations liées à l’âge avancé au cours de leur vie et 17% indiquent en avoir été victime au cours des cinq dernières années", ajoute le communiqué de presse de l’autorité. Seules 12% des interrogés se sont engagés dans un recours contentieux, tandis qu’une personne sur cinq décide de ne rien dire - des taux “préoccupants”, selon l’autorité. 

Ce sont surtout dans les transports publics, dans les relations avec les services publics ou au contact de services privés, comme les banques ou les assurances, que ces discriminations, recoupées sous le terme d'"âgisme", ont été observées. Rarement uniquement liées à l’âge, ces situations d'inégalité découlent aussi de critères de genre, d’origine, de santé et de niveau économique, dessinant ainsi une "intersectionnalité des discriminations", note le rapport.

Mais ces situations seraient "trop souvent banalisées" par les concernés eux-mêmes, sous-estimées en particulier par les plus âgés et les plus isolés. "Par manque d’information, de sensibilisation ou encore d’accompagnement, les discriminations dont font l’objet les plus de 65 ans peinent à être pleinement reconnues", estime l'autorité dans le communiqué. D’autant que la crise sanitaire a pu renforcer les discours stigmatisants à l’égard de cette classe d’âge, ajoute l’étude, puisque près d’un quart des personnes interrogées ont eu le sentiment d’être isolées au cours de la période. 

La Défenseure des Droits appelle ainsi à "la nécessité d’opérer un changement de regard sur le grand âge", indique le communiqué. En France, 13,4 millions de personnes se situent dans cette tranche d’âge au 1er janvier 2020, soit un habitant sur cinq. "D’ici à 2070, elles devraient représenter près d’un tiers de la population totale", prédit l’étude. 


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