CONSTAT - Dans son nouvel essai, le géographe Christophe Guilluy présente le diagnostic d’un hexagone coupé en deux. Une situation qui cristallise de plus en plus les tensions dans le pays.
D’un côté, il y a les riches qui concentrent les richesses et vivent en métropole. De l’autre, les plus pauvres qui vivent en périphérie. Pour eux, le quotidien rime souvent avec chômage et souffrance sociale. Seulement, ils représentent la majorité de la population.
Dans son nouvel essai (il a déjà écrit Fractures Françaises et La France périphérique), le géographe Christophe Guilluy fait le portrait d’une France qui ne se comprend plus. Une incompréhension qu’il étaye point par point.
Des politiques déconnectés
A travers son travail, Guilluy explique notamment qu’il a rencontré bon nombre d’hommes politiques pour essayer d’analyser cette fracture. S’ils l’ont entendu, le géographe note un constat d’impuissance chez eux et leur incapacité de penser différemment.
Il y a un problème culturel plus qu’un véritable mépris. Ils sont sortis de la vie réelle et ont du mal à se reconnecter.
Christophe Guilluy
Désertification de l’emploi à la campagne
Un constat accablant, dans une période où la classe politique se félicite des derniers chiffres du chômage.
Quand on regarde les chiffres du chômage, le taux de chômage des cadres est faible. Il n’y a donc pas de problème pour eux. Le chômage ne touche que les catégories populaires.
Christophe Guilluy
Guilluy analyse aussi, que pour la première fois dans l’histoire, les ouvriers ne vivent plus où se créée la richesse. Ils se retrouvent donc dans des villes de taille moyenne ou en zones rurales et subissent la "désertification de l’emploi".
Sortie classe moyenne
Autre point important, la disparition des classes moyennes. Après trente ans de mondialisation, rappelle-t-il, la précarisation de cette classe n’existe plus. Aujourd’hui, beaucoup de gens sont autour du revenu médian, à savoir entre 1.200 euros et 1.500 euros, et même bien en-dessous pour les paysans par exemple, note-t-il. De fait, la question de l’autre, des réfugiés et migrants vient s’ajouter naturellement pour une catégorie de population "qui se sent flouée".
Question d’identité
Le démantèlement de la "jungle" de Calais en début de semaine a ravivé les tensions et contestations dans de nombreuses communes d’accueil. Beaucoup pensent que les migrants sont mieux lotis qu’eux et bénéficient de plus d’aides de l’Etat. Christophe Guilluy relie ce phénomène à la fameuse disparition de la classe moyenne.
La concentration de ces populations se fait dans un milieu social qui leur est plus adapté. Ils vont occuper des emplois peu qualifiés et aller dans les métropoles où il y a des logements sociaux.
Christophe Guilluy
Au final, les gens n'attendent plus rien des politiques, ni de "grand projet économique". Un rejet des politiques, des syndicats et des medias, constate-t-il, qui va se traduire sur ce qui leur reste : "leur vie culturelle et la question identitaire".