Génocide rwandais : le capitaine de l'ombre met en lumière ses contradictions

par Maud VALLEREAU
Publié le 5 février 2014 à 16h42
Génocide rwandais : le capitaine de l'ombre met en lumière ses contradictions

AUDIENCE – Au deuxième jour de son procès devant la cour d'assises de Paris, l'ex-capitaine rwandais Pascal Simbikangwa s'est présenté comme un "simple agent". Il est accusé de "complicité de génocide et de crimes contre l'humanité".

A le voir s'avancer sur son fauteuil roulant, dos courbé et regard bas, difficile d'imaginer les atrocités qui lui sont reprochées : complicité de génocide et de crimes contre l’humanité. Si en France, Pascal Simbikangwa , 54 ans, est un inconnu au physique fragile, au Rwanda, on le surnomme le "tortionnaire".

Au deuxième jour du procès historique qui s'est ouvert à Paris, le capitaine de l'ombre nie toute implication dans les massacres qui ont fait plus de 800.000 morts - Tutsi pour la plupart mais aussi Hutu modérés - au printemps 1994. Concrètement, il est accusé d'avoir distribué des armes aux miliciens et d'avoir supervisé les barrages dans la capitale rwandaise qui servaient à arrêter les Tutsi, en vue de les exterminer. "Je n'ai pas participé à la fin de la guerre, ni au début du chaos", assure le Rwandais d'une voix calme devant la cour qui déroule mercredi son "CV".

"Menteurs"

Après un accident de la route qui le laisse paraplégique en 1986, l'ex-capitaine de la garde présidentielle qui voulait être "professeur", passe au renseignement militaire, puis civil, en 1988. Au fil de son exposé, Pascal Simbikangwa, qui prend soin de ne pas croiser le regard des parties civiles, dresse la liste de ses contradictions. Oui, il a le titre de "directeur" au service central du renseignement mais non, il n'en a pas la fonction : "J'étais un simple agent, je n'avais aucun pouvoir de décision". Non au départ, il n'aimait pas particulièrement le renseignement mais finalement, il en devient "intoxiqué et accroc". C'est vrai, il admirait le président hutu Juvénal Habyarimana, dont l'assassinat le 6 avril 1994 sera l'événement déclencheur du génocide, mais il ne fait pas pour autant partie de "l'akazu", premier cercle du pouvoir. Les témoins qui assurent l'inverse sont des "menteurs".

Durant ses années sombres, il est également soupçonné d'avoir muselé la presse. "Je n'ai pas eu connaissance de censure. J'essayais de raisonner les journalistes à la dérive", rétorque-t-il avec un aplomb désarmant. A partir de 1992, année marquant l'instauration du multipartisme au Rwanda, le prévenu explique même avoir été mis au placard. Il gardera pourtant deux gardes du corps. Une contradiction relevée par l'avocat général. "J'avais demandé une protection, je me sentais menacé car on disait que je faisais partie des escadrons de la mort, se défend Simbikangwa. Il faut connaître le dossier rwandais, si vous ne le connaissez pas, c'est dommage. Là-bas, on tuait comme des mouches (sic). Et pour mes opposants, j'étais le diable."


Maud VALLEREAU

Tout
TF1 Info