Statut du cheminot, privatisation, prime de charbon... On a fact-checké le "vrai-faux" d'Elisabeth Borne

par Antoine RONDEL
Publié le 3 avril 2018 à 10h49, mis à jour le 3 avril 2018 à 12h09
Statut du cheminot, privatisation, prime de charbon... On a fact-checké le "vrai-faux" d'Elisabeth Borne

COMMUNICATION - La bataille autour de la réforme de la SNCF est également une guerre des mots. Côté opposants ou côté partisans de la réforme, les interventions médiatiques sont légion pour justifier sa position. Lundi 2 avril, veille du conflit, c'est la ministre des Transports qui était sur le pont... avec plus ou moins de réussite.

C'est une méthode à l'ère du temps : s'inspirer de méthodes journalistiques pour faire passer un message politique. Il en va ainsi pour le fact-checking, cette technique consistant à pointer les contradictions ou démentir une fausseté dans un discours. C'est ainsi que, lundi 2 avril, le compte Twitter de La République en marche ! a publié un "vrai-faux" de la ministre des Transports au sujet de la réforme de la SNCF. Au menu, un démontage en règle des arguments des principaux syndicats ferroviaires, pour soutenir l'idée que leurs craintes et leur colère ne sont fondées sur rien... mais aussi de légendes tenaces au sujet des cheminots, notamment la fameuse "prime de charbon".

"Faux, le statut de cheminot ne va pas être supprimé"

Souvent interviewée, la ministre doit le savoir mieux que quiconque : selon la façon dont une question est posée, la réponse peut porter un sens différent. Ainsi, à la phrase "Cette réforme, c'est la fin du statut des cheminots !", elle peut facilement répondre que le statut du cheminot n'allait pas être supprimé, rappelant que "tous les cheminots qui sont aujourd'hui à la SNCF garderont leur statut". C'est bien ce que dit le texte de loi, tout comme il prévoit, ouverture à la concurrence oblige, que la compagnie ferroviaire cesserait de "recruter au statut". 

Le diable est dans les détails : Elisabeth Borne a raison en disant que le gouvernement ne prévoyait pas la fin immédiate du statut du cheminot. Sauf que c'est le long terme qui préoccupe les syndicats et les opposants à la réforme. En faisant cesser le recrutement au statut, cela signifie que les cheminots actuels seront les derniers à en bénéficier. Et que, une fois tous partis à la retraite, le statut de cheminot sera bel et bien supprimé. 

"Faux, le gouvernement ne prévoit pas de privatiser la SNCF"

"Il faut arrêter avec ces caricatures. On va transformer la SNCF en société nationale à capitaux publics avec des titres incessibles. C'est pour donner à la SNCF un cadre adapté à ce nouveau contexte. Mais personne ne parle de privatiser la SNCF." 

Là encore, la ministre joue sur les non-dits de la réforme. En effet, en passant du statut d'établissement public à caractère industriel et commercial à une société à capitaux publics, la SNCF ne devient pas une compagnie privée. Elle est suivie en ce sens par Guillaume Pépy, le PDG de la compagnie qui, à cette idée de privatisation, avait dit : "Même pas en rêve" en février dernier. 

Une promesse qui n'engage que ceux qui y croient, avait déjà démontré LCI il y a quelques semaines. Pourquoi, sinon, ne pas en avoir inscrit le principe dans le texte de loi, comme ce fut le cas pour le changement de statut de La Poste il y a quelques années ? Un actionnariat majoritairement privé (envisagé par le gouvernement pour Air France) n'est pas à l'ordre du jour. Mais l'arrivée supplémentaire de capitaux privés, déjà observée dans certaines filiales de la SNCF, comme Keolis, est possible...

"Non, cette réforme n'annonce pas la fin des petites lignes"

S'inscrivant en faux vis-à-vis du rapport de Jean-Cyril Spinetta, à l'origine d'une bonne partie de la réforme, le gouvernement avait indiqué qu'il ne supprimerait pas 9000 km de petites lignes en région, au prétexte de leur coût. Une manière d'éviter de paraître "prendre des décisions depuis Paris", reprend Elisabeth Borne, qui ajoute que "ces petites lignes sont importantes, pour beaucoup de Français". 

La ministre des Transports ne prend pas beaucoup de risques, puisque l'entretien de ces petites lignes est financé par les régions. Or, assurer leur maintien sans s'engager à mettre au pot pour le coûteux financement de ces politiques d'infrastructure reviendrait plus ou moins à acter leur future fermeture. Une équation financière compliquée dont LCI s'était déjà fait l'écho, et à laquelle Elisabeth Borne a donné un début de réponse, en annonçant que l'Etat allait "accompagner les régions". Sans plus de détail.

"L'ouverture à la concurrence va être positive pour les voyageurs"

C'est un des mantra du gouvernement pour justifier l'ouverture à la concurrence et sa réforme. Retards, hausse des prix : la SNCF n'apporterait plus satisfaction à ses voyageurs. Pour y remédier, il faudrait, à l'entendre, faire marcher l'ouverture à la concurrence, et ainsi faire pression sur la compagnie pour qu'elle détende ses prix et améliore ses pratiques. "De nouveaux services, de nouveaux opérateurs, c'est ce qui s'est passé dans la téléphonie, dans le transport aérien, et en même temps, ce sera stimulant pour la SNCF." 

La promesse est ambitieuse. En effet, les privatisations observées à l'étranger forcent à nuancer la comparaison. Totalement privatisé en 1994, le rail britannique est redevenu partiellement public, pour ce qui concerne son réseau ferré, en danger de grave usure après que l'Etat a cessé de s'en occuper. Côté financier, le Financial Times a observé une hausse, sur la même période, de 25% du prix des billets. L'Italie, à l'inverse, présente un bilan pour le moins positif sur le plan de la grande vitesse, où le prix des billets a été dévalué par endroits de 40% entre 2011, date de la privatisation, et l'année dernière. Mais l'ensemble est nuancé par une activité ferroviaire locale polluée par la vétusté et le manque de trains. Le tout symbolisé par un dernier accident, en janvier 2018, où le manque d'entretien des lignes avait été pointé du doigt pour expliquer le drame : "C'est l'un des moins évolués et des plus risqués", avait expliqué le ministre des Transports Graziano Delrio pour parler du réseau.

"La prime de charbon n'existe plus depuis longtemps"

Pour éviter de se mettre davantage à dos les cheminots, le gouvernement a tout intérêt à également se ranger à leur côté pour démentir de tenaces légendes urbaines. "Il faut arrêter les caricatures, de tous les côtés. Il n'y a plus de prime charbon depuis longtemps à la SNCF", indique ainsi Elisabeth Borne. Et ce, depuis 1974, pour être précis. 

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Antoine RONDEL

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