Guyane : les "500 frères" cagoulés, comme pour les Femen, il s'agit d'attirer l'attention sur eux

Publié le 30 mars 2017 à 8h00, mis à jour le 30 mars 2017 à 9h46
Guyane : les "500 frères" cagoulés, comme pour les Femen, il s'agit d'attirer l'attention sur eux

DECRYPTAGE - Les "500 frères" est un mouvement de citoyens créé récemment pour lutter contre "l'insécurité en Guyane". Sa particularité ? Il est composé d'hommes toujours cagoulés. Un choix qui ne doit rien au hasard, comme nous l'explique Stéphane Sirot, spécialiste du syndicalisme et des conflits sociaux.

Au deuxième jour de la "grève générale illimitée", plus de 10.000 manifestants ont battu le pavé mardi à Cayenne et Saint-Laurent-du-Maroni. Une "journée morte" avec en première ligne les "500 frères". Vêtus de noir, muscles en avant, ce mouvement de citoyen créé récemment pour lutter contre "l'insécurité en Guyane" a choisi d'avancer cagoulé. Un détail qui n'a pas manqué de faire réagir les autorités et les internautes depuis plusieurs jours : simple accessoire ou  véritable provocation ? Selon Stéphane Sirot, spécialiste du syndicalisme et des conflits sociaux et enseignement à l'université de Cergy-Pontoise, il s'agit, pour les 500 frères, non pas d'un symbole emprunté aux mouvements politiques indépendantistes ou à la lutte armée mais plutôt d'attirer l'attention sur eux plus rapidement. A l'instar des Femen qui se dénudent pour capter l'attention des médias. 

LCI : Ce mouvement de citoyens, composé d'hommes toujours cagoulés, est-il une première ?

Stéphane Sirot : C’est plutôt quelque chose de parallèle à un mouvement social plus large, composé de barrages, de manifestations et de grèves. Se cagouler est avant tout symbolique, cela nous évoque les mouvements indépendantistes et autonomistes, par exemple le FLNC en Corse, plus qu’à ce qu’on peut voir généralement dans un mouvement social. Ces "500 frères" veulent mettre en avant la question sécuritaire en Guyane, ce qui peut expliquer le port de cagoules. Ils veulent apparaître comme des justiciers face à une métropole défaillante. Cet accoutrement cherche aussi à  impressionner l’interlocuteur. Et cela fonctionne : si le gouvernement n’a pas cherché à envoyer tout de suite des ministres, c’est qu’il y a eu le précédent Yves Jego qui s’était retrouvé plus ou moins retenu durant plusieurs jours durant la crise en Guadeloupe de 2009.

Guyane : avec le collectif des 500 frèresSource : Sujet JT LCI
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"Pour aller plus vite dans le processus de résolution d’un conflit, on fait valoir des formes d’actions plus spectaculaires"

LCI : Ce mouvement social a-t-il des spécificités ?

Oui, il ne s’agit pas d’un mouvement social au sens classique du terme. Il y a en outremer des pratiques singulières, différentes de celles de métropole car il y a ici des aspects à rattacher à des revendications plus identitaires, à des formes de contestations, d’autonomie, d’indépendance. Cela s’explique par le fait que ces territoires sont éloignés, et ont donc plus de mal à recevoir de l’attention, à trouver des interlocuteurs rapidement. Il y a une forme de "négociation par l’émeute" : pour aller plus vite dans le processus de résolution d’un conflit, on fait valoir des formes d’actions plus spectaculaires. Pas seulement des cagoules, mais aussi des barrages routiers, des blocages de l’économie locale. Ce sont des « outils » classiques, mais la différence, c'est qu'ils y ont recours plus rapidement.

LCI : Le port d’une cagoule est généralement synonyme de lutte armée. Cette attitude qui consiste à avancer masqué peut-elle s’avérer contre-productive ? 

Oui, sauf que localement je ne pense que cela puisse être identifié ainsi. Il s’agit d’un territoire où il n’y a pas eu de lutte armée pour réclamer une indépendance. Si les Corses qui faisaient la même chose, cela renverrait immédiatement à des formes de violences déjà expérimentées par le passé. D’ailleurs, dans un souci d’éviter l’amalgame, ces 500 frères ne portent pas d’armes. Ils cherchent avant tout à faire réagir le pouvoir républicain.

LCI : Le recours à des cagoules serait donc  un simple moyen d'attirer l’attention ?

Ils font en effet usage de quelque chose de spectaculaire, mais qui est aussi à rattacher à la nécessité pour quelque mouvement que ce soit d’inventer des formes d’intervention plus ou moins spectaculaire pour attirer le regard. Pour avoir un impact, il faut obtenir une médiatisation. D’où l’intérêt de recourir à des symboles qui renvoient des images pouvant contribuer à faire monter la médiatisation.


Thomas GUIEN

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