Nikita Bellucci, ex-actrice porno harcelée : "C'est du slut-shaming", dénonce Marlène Schiappa à LCI

Publié le 28 février 2018 à 17h32, mis à jour le 28 février 2018 à 17h48
Nikita Bellucci, ex-actrice porno harcelée : "C'est du slut-shaming", dénonce Marlène Schiappa à LCI
Source : AFP/Konbini

HARCÈLEMENT - Harcelée régulièrement dans la rue et sur les réseaux sociaux, l'ex-actrice porno Nikita Bellucci regrette de ne pas pouvoir compter sur le soutien des féministes. LCI a demandé à deux associations féministes si ce silence était volontaire, ainsi qu'à la secrétaire d'Etat à l'Egalité femmes-hommes Marlène Schiappa.

Dans une vidéo publiée mardi 27 février sur le site de Konbini, l’ex-actrice porno Nikita Bellucci raconte le calvaire qu’elle vit au quotidien à cause de son ancien métier. Victime de harcèlement sur les réseaux sociaux et dans la rue, elle a même renoncé à devenir mère pour ne pas faire subir cette violence à son ou ses futur(s) enfant(s). Dans le contexte actuel de libération de la parole des femmes, elle déplore également que sa voix soit si peu entendue, et aimerait plus de soutien de la part des féministes. "Nous aussi on a besoin de vous. On a besoin de votre aide, on a besoin d’être soutenues. Que ce soient les actrices, les prostituées, tout ce qui est travailleuses du sexe, on a besoin de soutien et on n’en a pas, et on doit se battre seules" regrette-t-elle. 

Je condamne, comme je condamne toute forme de harcèlement. En l’occurrence, nous sommes dans ce que les Américains appellent le ‘slut shaming’
Marlène Schiappa à LCI

Nikita Bellucci a également interpellé la secrétaire d’Etat à l’égalité entre les femmes et les hommes sur Twitter, et ne cesse de retweeter des messages de soutien demandant à Marlène Schiappa de réagir. Cette dernière l’a fait auprès de LCI. "Je condamne, comme je condamne toute forme de harcèlement. En l’occurrence, là, nous sommes dans ce que les Américains appellent le ‘slut shaming’ ('humiliation des salopes' en français, ndlr)" a-t-elle déclaré.

Schiappa sur le harcèlement sexisteSource : Sujet JT LCI
Cette vidéo n'est plus disponible

Quant au silence des associations féministes dénoncé par l'ex-actrice, est-il volontaire ? LCI en a fait réagir deux. "Il est compliqué pour nous d’être présentes médiatiquement sur tous les sujets. Nous n’en avons pas les moyens. Le patriarcat est partout et nous, nous n’arrivons pas à être partout. Mais nous défendons bien sûr toutes les femmes victimes de harcèlement, qu’importe ce qu’elles font dans leur vie. Notre parole est globale, nous ne pouvons pas la livrer au cas par cas", a répondu Raphaëlle Rémy-Leleu, porte-parole d’Osez le féminisme. 

Il est important qu’elle sente que le mouvement féministe la soutienne, que nous n’avons pas un regard moralisateur.
Fatima Benomar, les Effrontées

Même son de cloche du côté de Fatima Benomar, cofondatrice et co-porte-parole des Effrontées. "Evidemment que nous la soutenons, les actrices porno doivent avoir la protection nécessaire et être prises au sérieux si elles sont en danger. Nous sommes solidaires sur le fait qu’elles ne doivent pas subir de représailles." "Il est important qu’elle sente que le mouvement féministe la soutienne, que nous n’avons pas un regard moralisateur, qu’elle peut se tourner vers nous" a-t-elle ajouté auprès de LCI.

En revanche, Raphaëlle Rémy-Leleu s’est attristée de constater que l’on reprochait aux féministes de ne pas défendre les actrices porno. "C’est aussi une stratégie de division assez classique de dire que les féministes ne sont pas là pour défendre telle ou telle femme. Les procès en soutien sont notre lot quotidien, nous l’assumons." 

Le porno pointé du doigt

Raphaëlle Rémy-Leleu et Fatima Benomar laissent toutefois entendre que l'industrie pornographique a sa responsabilité dans les difficultés rencontrées par ces femmes. "Il sera difficile de faire respecter la femme actrice porno quand toute l’industrie pornographique ne respecte pas la femme", indique la seconde, qui voit dans le porno "de la prostitution filmée" : "Les plateformes vont chercher leur public en mettant en avant des images dégradantes pour la femme." Et de poser la question des critères imposés par cette industrie : "Comment les actrices sont castées, sont-elles toujours consentantes…" Une analyse partagée par la porte-parole d'Osez le féminisme : "Pour nous, les actrices porno sont le produit d’une société sexiste, qui renforce les mécanistes sexistes et de domination".

Le 25 novembre dernier, lors de son discours pour la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, le président Emmanuel Macron s'en était pris à la pornographie, "ce genre qui fait de la femme un objet d'humiliation". Une vision étriquée selon plusieurs acteurs pornographiques.

 L'un d'eux, Manuel Ferrara, avait d'ailleurs interpellé le chef de l'Etat, l'accusant de "faire des amalgames". "Ce n'est pas parce que le porno existe que les adolescents vont avoir une image dégradée de la femme. C'est trop facile de dire cela. Pourquoi il ne discute pas avec les femmes de l'industrie pornographique pour leur demander ce qu'elles en pensent ?" Dans son interview à Konbini, Nikita Bellucci disait d'ailleurs ne pas se sentir responsable de la dégradationde l'image de la femme. Je fais quand même ce que je veux… de mon corps, une fois de plus" assure-t-elle.

Le chef de l'Etat pourrait de nouveau aborder le sujet de l'industrie pornographique dans les prochains jours. Peut-être, cette fois-ci, dira-t-il un mot sur la difficile reconversion de ses actrices et le harcèlement quotidien dont elles sont victimes.


Justine FAURE

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