Depuis l'affaire Weinstein, les appels ont presque quintuplé : on est allé voir au 3919 , le numéro pour les victimes de harcèlements et agressions sexuelles

Anaïs Condomines
Publié le 25 novembre 2017 à 12h30, mis à jour le 25 novembre 2017 à 12h36
Depuis l'affaire Weinstein, les appels ont presque quintuplé : on est allé voir au 3919 , le numéro pour les victimes de harcèlements et agressions sexuelles

REPORTAGE - Dans le sillage de l’affaire Weinstein, la parole se libère. De plus en plus de personnes n'hésitent plus à dénoncer le harcèlement ou les agressions sexuelles dont elles ont été victimes. LCI est allé à la rencontre de celles et ceux qui les écoutent : le centre d’écoute du numéro anonyme et gratuit 3919, à destination des femmes cibles de violences.

Depuis l’affaire Weinstein et la multiplication des témoignages de violences sexistes via le hashtag #balancetonporc, il est affiché partout. Emmanuel Macron en personne, dimanche 15 octobre lors de son entretien à TF1, en a fait la publicité : le 3919 est un numéro d’écoute national, gratuit et anonyme, à l’adresse de toutes les femmes victimes de comportements violents, que ce soit à la maison, au travail ou dans la rue. 

Un immeuble, au nord de Paris. C’est ici que se relaient les employées de la Fédération nationale solidarité femmes (FNSF) - dont 28 personnes dédiées à l’écoute des femmes victimes. Sept jours sur sept, de 9h à 22h du lundi au vendredi et de 9h à 18h le week-end et les jours fériés, elles offrent une présence téléphonique. Elles sont entre cinq et sept par heure à répondre à ce service d’envergure nationale.

On essaie de faire baisser la tension, de déculpabiliser la victime, de valoriser sa parole.
Maria, une des écoutantes du 3919

Parmi les écoutantes, nous retrouvons Maria et Sylvie*. Toutes deux oeuvrent pour le 3919 depuis plus de dix ans. Elles ont connu l’époque où la plateforme téléphonique était encore un numéro à dix chiffres, en service depuis 1992, à destination des victimes de violences conjugales uniquement. Depuis, il est devenu plus facile à retenir et a été élargi à tous les types de violences sexistes. 

Mais le fond du travail est resté le même : "On gère l’appel en deux étapes" nous précise Maria, ancienne médiatrice socio-culturelle. "D’abord, on le contient, c’est-à-dire qu’en discutant, on essaie de faire baisser la tension, de déculpabiliser la victime, de valoriser sa parole. Puis, une fois qu’elle est plus détendue, on va essayer de la rediriger vers le service adapté. Le but est d’apporter une solution en accord avec la situation de la personne qu’on a au bout du fil." Et Maria de citer l’exemple de cette dame harcelée par son patron, comme tant d’autres de ses collègues, qui s’en voulait terriblement de ne pas avoir parlé à l’époque des faits. Ou encore de cette jeune femme agressée dans les transports, choquée et qui, à la fin de la conversation a finalement décidé d’aller porter plainte.

LA CULTURE DU VIOL, C'EST QUOI ?Source : Sujet JT LCI

Le premier maillon de la chaîne

Pour répondre à ces femmes parfois démunies, souvent isolées, les écoutantes du 3919 ne sont pas seules. La Fédération nationale solidarité femmes est composée d’un réseau de 67 associations spécialisées dans les violences faites aux femmes - principalement conjugales. Elles sont en mesure d’informer, d’accompagner une victime de viol ou une femme harcelée au travail, ou encore de les orienter, par exemple, vers d’autres structures partenaires comme l’AVFT (Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail). "En fait, nous sommes le premier maillon de la chaîne", détaille à son tour Sylvie, conseillère conjugale. "La richesse de notre équipe reproduit les différents éléments nécessaires à la construction d’une protection autour de la victime."

Et si 90% des appels au 3919 sont relatifs à des faits de violences conjugales, la libération de la parole qui fait suite au scandale Harvey Weinstein, de l’autre côté de l’Atlantique, n’est pas sans effets sur la plateforme d’écoute. Françoise Brié, porte-parole de FNSF, est en mesure de nous donner quelques chiffres. Ce sont des estimations, mais elles donnent d’ores et déjà une indication de l’impact des récentes actualités sur la parole des victimes. Ainsi, alors qu’en 2016, le 3919 recevait environ 20 appels par semaine pour violences et harcèlement sexuels, ce chiffre est passé, dans la semaine du 16 au 23 octobre, à 98 appels. Soit quasiment cinq fois plus.

*Les prénoms ont été modifiés


Anaïs Condomines

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