Insalubrité dans les commissariats : "On fonctionne au système D"

Anaïs Condomines
Publié le 15 juillet 2015 à 20h43
Insalubrité dans les commissariats : "On fonctionne au système D"

POLICE - Les cas de tuberculose suspectés dans un commissariat d'Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine) soulèvent à grands bruits les problèmes d'insalubrité dans de nombreux hôtels de police de France. Depuis plusieurs années, les syndicats se battent pour dénoncer des conditions de travail et d'accueil du public déplorables. Faute de moyens, aucune évolution n'est en cours.

"Le commissariat d'Asnières, c'est pas le pire". Emmanuel Cravello, secrétaire régional du syndicat Alliance Police Nationale dans les Hauts-de-Seine a le ton fataliste. C'est bien parmi ses collègues, à Asnières-sur-Seine, que se sont déclarés trois cas suspects de tuberculose, mais il sait bien qu'ailleurs, la situation n'est guère plus réjouissante. Dans les Hauts-de-Seine, le commissariat d'Asnières reste néanmoins l'un des plus délabrés... ou le manque de moyens est criant.

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"On réclame à corps et à cris des solutions hydroalcooliques pour se nettoyer les mains ou encore des kits de premiers secours dans les véhicules. Mais il n'y a pas de sous pour ça", déplore le syndicaliste, contacté par metronews. Alors, pour pallier au plus urgent, les fonctionnaires de police se débrouillent avec les pompiers, qui les dépannent parfois. "On fonctionne au système D" résume-t-il finalement.

"C'est du bricolage"

Le système D, les agents du commissariat de Loos le connaissent bien, eux aussi. Epinglé dans la presse en avril 2014 pour la vétusté de ses locaux, cet hôtel de police accueille son lot de cafards, de carreaux brisés et de chaudières en panne. Régis Debut est secrétaire général adjoint de l'UNSA police de Lille. Interrogé par metronews, il décrit lui aussi un quotidien de travail qui porte atteinte à la santé des fonctionnaires : "En 2013 et 2014, on a signalé deux cas de gale parmi nos collègues. Comme il manque de tout, les agents en viennent à s'acheter eux-mêmes du gel pour les mains, des gants et des masques." Nuancé, il ajoute : "La DDSP (direction départementale de la sécurité publique, ndlr) fait ce qu'elle peut. Elle répare la chaudière quand il fait 14 degrés dans les bureaux l'hiver, par exemple. Au mois de juillet arriveront de nouveaux volets roulants et une porte métallique. C'est du bricolage : tout le monde est conscient qu'il faudrait refaire le commissariat de A à Z."

L'insalubrité de ces locaux, en effet, préoccupe. En 2010, le Contrôleur général des lieux de privation et de liberté publie un rapport alarmant sur le délabrement de nombreux commissariats , pointant du doigt les conditions de détention parfois indignes des gardés à vue. A propos du commissariat d'Asnières, les contrôleurs décrivent un "local aveugle complètement délabré". Puis, en octobre 2013, un rapport conduit par le sénateur Jean-Vincent Placé sur la stratégie d'investissements dans la police et la gendarmerie évoque "des retards dans l'immobilier et dans les conditions de garde à vue."

Coups d'épée dans l'eau

Des rapports accablants aux allures de coups d'épée dans l'eau, puisque les moyens alloués aux commissariats sont tributaires, dans leur majeure partie, du budget défini par le ministère de l'Intérieur. "Les enveloppes ont baissé, on le sait et on doit s'y soumettre" constate encore Régis Debut. "Dans le Nord, les besoins dans les autres structures sont énormes et le commissariat de Loos n'est pas nécessairement la priorité." Contacté, le ministère de l'Intérieur n'a pas encore accédé à notre demande de précisions.

En attendant, ailleurs en France, les conditions de travail de nombreux fonctionnaires de police continuent de se dégrader. De graves problèmes d'amiante ont été mis à jour au mois de mai dans un commissariat de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine). Et les syndicats d'assurer : "De gros travaux vont être menés... mais n'ont pas encore été budgétés".


Anaïs Condomines

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