Joël, militant écologiste assigné à résidence : "Je suis victime d'une mesure totalement arbitraire"

Publié le 27 novembre 2015 à 18h20
Joël, militant écologiste assigné à résidence : "Je suis victime d'une mesure totalement arbitraire"

TÉMOIGNAGE - Joël Domenjoud, un militant écologiste, est depuis jeudi assigné à résidence avec les mêmes conditions que les personnes suspectées de radicalisation. Il confie sa colère à metronews.

Depuis jeudi, il doit pointer au commissariat trois fois par jour et a interdiction de sortir de sa commune. Le jeune homme a même le droit, nous assure-t-il, à une discrète filature policière lorsqu'il se déplace dans les rues de Malakoff (Hauts-de-Seine). Joël Domenjoud, 33 ans, fait partie des près de 300 personnes assignées à résidence par le ministère de l'Intérieur dans le cadre de l'état d'urgence proclamé après les attentats de Paris. Pour lui notifier cette décision, confie-t-il à metronews, les policiers se sont même déplacés "à plus de vingt" à son domicile, effrayant sa voisine alors qu'il s'était absenté. Et pourtant, il n'est pas soupçonné d'un quelconque lien avec l'islam radical. "Dans mes pires perspectives, j'avais imaginé que l'état d'urgence puisse éventuellement être utilisé contre des militants. Mais jamais je n'aurais cru en faire moi-même l'expérience", soupire-t-il.

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Depuis plusieurs jours en effet, rapportait vendredi matin l'observatoire de l'état d'urgence du Monde , plusieurs autres militants proches des milieux zadistes et écologistes - et même... des maraîchers bio - ont été visés par des perquisitions administratives ou, elles aussi, par une assignation à résidence. Au total, a finalement précisé dans l'après-midi le ministère de l'Intérieur, vingt-quatre personnes soupçonnées d'appartenir à "la mouvance contestataire radicale", et pour lesquelles il existerait "des raisons sérieuses de penser" que leur "comportement" "constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics" à l'approche de la COP21, font l'objet d'une telle mesure. Dont Joël Domenjoud, donc. Lui estime que si on lui fait subir aujourd'hui le même traitement que des personnes suspectées de radicalisation , c'est qu'il faisait sans doute lui aussi l'objet d'une "fiche S" du renseignement français. "Cela fait très longtemps qu'on les connaît dans le milieu militant et moi, je fais partie des gens qui se sont régulièrement engagés dans des luttes : j'ai notamment participé au collectif de Notre-Dame-des-Landes à Paris. A ce titre, je pense qu'on est un certain nombre d'associatifs à en faire l'objet", peste-t-il.

"Toute personne qui milite est-elle désormais considérée comme dangereuse ?"

Son assignation désigne en tout cas clairement ce membre du conseil juridique de la Coalition climat (le regroupement des ONG), qui nous précise avoir notamment co-déclaré aux autorités une partie du trajet du "convoi des luttes" de l'est et de l'ouest vers la COP21, comme un danger pour l'événement qui s'ouvre lundi au Bourget (Seine-Saint-Denis). "Au regard de la gravité de la menace terroriste sur le territoire, des mesures particulières s'imposent pour assurer la sécurité de la conférence des Nations Unies sur les changements climatiques", peut-on en effet y en préambule. "On entrave ma liberté sans que j'ai rien commis ni qu'on ne puisse rien me reprocher, s'indigne Joël Domenjoud, qui n'a jamais fait l'objet de la moindre condamnation. Tout est basé sur de la présomption, c'est totalement arbitraire."

Le texte de son assignation à résidence ne mentionne en fait qu'une manifestation à laquelle il a participé : il y est désigné comme "l'un des principaux animateurs du camp d'été anti-autoritaire de Bure" (Meuse), qui s'était mobilisé en août contre l'enfouissement des déchets nucléaires. "J'étais effectivement membre de l'équipe de communication ce camp qui a réuni au total 1.500 personnes, mais à aucun moment je ne me suis mis en avant plus qu'un autre", s'étonne Joël Domenjoud.

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"Toute personne qui milite est-elle désormais considérée comme dangereuse ?", s'interroge de son côté son avocate, maître Muriel Rueff qui note que son client faisait partie de ceux qui ont saisi mercredi le tribunal administratif de Paris pour obtenir en référé la suspension des arrêtés interdisant les manifestations liées à la COP 21. Et que le jour-même où on le déboutait de cette action, il se faisait délivrer son assignation. Vendredi, elle s'apprêtait à déposer un recours pour faire annuler la mesure dont son client fait l'objet (le juge a ensuite 48 heures pour se prononcer). En attendant Joël Domenjoud, qui ne devait reprendre son travail d'administratif qu'en février - "Je m'étais laissé du temps libre car je voulais donner des coups de main durant la COP21...", grince-t-il -, va devoir prendre son mal en patience.

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Gilles DANIEL

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