La fin des "zones blanches" promise fin juin 2017 ? Ces habitants de communes rurales, eux, n'ont toujours pas de réseau

par Matthieu JUBLIN
Publié le 26 juin 2017 à 7h00

Source : Sujet TF1 Info

TÉMOIGNAGES - Il existe encore en France des villages inaccessibles aux réseaux de téléphonie mobile. Ces fameuses "zones blanches" étaient censées disparaître fin 2016, avant que la date ne soit repoussée à la fin du mois. A quelques jours de l'échéance, nous avons parlé à plusieurs habitants de communes rurales qui se débrouillent au quotidien sans téléphone portable.

Quand Charlotte Timermane, 82 ans, a envie d'appeler ses petits-enfants avec son téléphone portable, elle doit se rendre au cimetière du village, le seul endroit du coin où son téléphone capte du réseau. Charlotte habite à Vaudeurs, une petite commune de l'Yonne peuplée de 500 habitants. Vaudeurs est une "zone blanche", c'est à dire une zone qui n'est pas desservie par les opérateurs de téléphonie mobile.

Ne bénéficiant que d'une "petite retraite", Charlotte n'a ni les moyens, ni la force de déménager. "Mais je paie mon abonnement de portable et je ne peux quasiment pas m'en servir", proteste-t-elle. Comme Charlotte, les habitants de plusieurs dizaines de communes françaises vivent dans ces zones blanches. 

Depuis 2003, le "gendarme des télécoms", l'Arcep, contraint les opérateurs à s'entendre pour couvrir ces zones blanches, et recensait, en avril 2017, 300 centres-bourgs comme zones blanches. Pourtant, quand Emmanuel Macron était ministre de l'Économie, un ultimatum avait été fixé à fin 2016 pour mettre fin au problème, tandis qu'une date-butoir a été arrêtée au 30 juin 2017 concernant la couverture en réseaux 3G (internet mobile). Visiblement, il reste encore du travail.  "Certains habitants du village ont entendu que ça se ferait cette année, mais aucune date n'a été communiquée", assure ainsi Charlotte.

Je suis allé au Pérou, à 4000 mètres d'altitude, et ça captait mieux que chez moi !
Jean-Marc

Comme Charlotte, Aurélie Perrié n'a jamais vu l'antenne qui était censée équiper sa commune. "Le maire l'avait promise pendant les élections", lâche cette travailleuse sociale de 32 ans, qui habite le village d'Auradou, dans le Lot-et-Garonne. "Apparemment, l'antenne aurait dû être installée sur une propriété privée, sauf que le propriétaire n'était pas d'accord, donc la situation est bloquée". Et le réseau aux abonnés absents.

Les conséquences sont parfois fâcheuses. Aurélie doit ainsi régulièrement se déplacer pour exercer son métier, mais son portable professionnel ne fonctionne que lorsqu'elle sort du village. De quoi louper quelques rendez-vous... "Et quand mon mari s'est trouvé au chômage, de nombreux employeurs appelaient directement sur son téléphone portable. Il manquait des  coups de fil", déplore-t-elle.

Système D

Qui dit zone blanche, dit système D. "Dans le village, tout le monde a cherché un petit recoin de sa maison où il y a une barre de réseau, explique Aurélie. Chez nous, il faut poser le téléphone sur un cadre accroché au mur... Et encore, on ne reçoit que les sms !" En attendant une solution pérenne, l'opérateur Orange a livré à certains foyers un boîtier permettant d'appeler des numéros Orange via internet. Ce boîtier, appelé "Femtocell", doit être branché à la box internet pour fonctionner.

Un système qui n'est pas exempt de désagrément. Quand Aurélie a par exemple été confrontée à une panne de sa box Orange, elle a dû appeler l'assistance avec son téléphone portable... depuis son jardin ! Et courir vers sa box pour appliquer les consignes du technicien. 

Quand des jeunes couples tentent de s'installer, il ne restent pas longtemps
Jean-Marc

Jean-Marc Roubey a connu exactement la même situation cocasse. S'il en rit aujourd'hui, il dit s'être posé plusieurs fois la question de déménager. Cet agent de maîtrise de 47 ans habite à Coulannges-la-Vineuse, dans l'Yonne. "Je suis allé au Pérou, à 4000 mètres d'altitude, et ça captait mieux que chez moi !", s'exclame-t-il.

Lui aussi a dû aller plusieurs fois au bout de sa rue pour savoir si son employeur l'avait appelé. Impliqué dans le milieu associatif, il attend la 4G de pied ferme : "Je m'occupe d'une équipe de football d'enfants. Aujourd'hui, quand on doit appeler les parents, ce n'est pas possible". Il dit avoir reçu un courrier récemment, annonçant le déploiement futur d'une antenne 4G, mais pas de date annoncée.

Pour sa commune de 1000 habitants, être en zone blanche représente un sérieux handicap. "C'est un village avec énormément de maisons à louer, mais quand des jeunes couples tentent de s'installer, il ne restent pas longtemps. Et l'une des causes, c'est l'absence de réseau", affirme-t-il.

L'État en retard sur ses chantiers

Pour tous ces villages, la topologie n'aide pas. La commune de Lametz, dans les Ardennes, en est un exemple. Comme les autres citées précédemment, elle est située dans une cuvette. François Troussicot habite là bas depuis trois ans. "La mairie a annoncé une antenne pour Noël de l'an passé, puis pour août. Mais là ça n'avance pas, car ils ne savent pas où la mettre ! Soit elle est trop proche des habitations, soit trop proche des lignes à haute tension."

À qui reprocher les retards dans la couverture réseau des zones blanches ? En grande partie à l'État, car c'est lui qui est censé prendre en charge la construction des pylônes nécessaires aux antennes. Sur les 300 centres-bourgs restant à couvrir selon le dernier bilan de l'Arcep, 296 sont ainsi toujours en attente d'un pylône construit par l'État. La loi Macron avait prévu 80 millions d'euros d'investissements à cet effet. Les communes ont, pour leur part, la responsabilité de mettre à disposition un terrain pour le pylône. En attendant, Charlotte doit toujours téléphoner au cimetière...


Matthieu JUBLIN

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