La France expulse-t-elle plus de personnes en situation irrégulière que ses voisins européens ?

Publié le 23 novembre 2021 à 20h02
La France expulse-t-elle plus de personnes en situation irrégulière que ses voisins européens ?
Source : AFP

IMMIGRATION - Gérald Darmanin a mis en avant les effets de la politique migratoire en France, expliquant que trois fois plus de personnes clandestines étaient expulsées qu’en Angleterre, en Italie ou en Espagne. Mais les chiffres recensés par l’UE ne correspondent pas aux déclarations du ministre.

Engagé dans un bras de fer avec le Royaume-Uni sur le dossier de Calais et sur le sort des personnes exilées, le gouvernement français souhaite avoir son mot à dire. C’est dans ce cadre que Gérald Darmanin a voulu afficher, dimanche 21 novembre, un bilan ferme de la politique migratoire menée en France. "Nous arrivons à maîtriser les flux migratoires dans un contexte géopolitique et sanitaire difficile", a alors mis en avant le ministre de l’Intérieur sur Twitter. Avant d’expliquer que la France expulsait "trois fois plus de personnes en situation irrégulière que les Anglais, deux fois plus que les Italiens et 50 % de plus que les Espagnols". Ces estimations correspondent-elles à la réalité ? 

D’abord, pour avoir une juste représentation des politiques migratoires des différents pays cités, il est préférable de s’attacher aux chiffres remontant à 2019 et à avant la pandémie, celle-ci ayant eu des conséquences sur les expulsions ou les demandes d’asiles. Contacté, le cabinet de Gérald Darmanin nous explique que ce dernier s’est basé sur des données européennes pour formuler ses propos. Ainsi, Eurostat recense différentes statistiques sur l’immigration et en particulier sur le nombre de ressortissants des pays tiers ayant quitté le territoire, de manière forcée ou volontaire. En effet, les données sur les expulsions comprennent à la fois les procédures d’éloignements, les départs volontaires aidés et les départs spontanés. 

En 2019 donc, la France avait expulsé 17.705 personnes en situation irrégulière, dont 73% de manière contrainte. Le Royaume-Uni, lui, avait procédé la même année à 19.517 retours, parmi lesquels 12.324 étaient volontaires et 7193 étaient forcés. Des données que l’on retrouve aussi bien sur le portail de statistiques européen que le site du gouvernement britannique et qui sont loin des estimations de Gérald Darmanin. Non seulement le Royaume-Uni n’a pas expulsé trois fois moins de personnes en situation irrégulière mais elle en a expulsé 2000 de plus en 2019. 

Prenons maintenant les cas de nos autres voisins. Tandis que l’Italie a expulsé 6470 personnes en situation irrégulière en 2019, qui comprenait 93% de retours forcés, l’Espagne a procédé à 12.370 retours, dont 93% de manière contrainte. On peut constater ici que les estimations faites par Gérald Darmanin ne sont pas tout à fait précises : si Paris expulsait deux fois plus que Rome et 50% de plus que Madrid, nous serions plus proches des 8800 départs côté italien et des 11.800 départs côté espagnol. En résumé, le ministre de l’Intérieur ne donne dans sa communication aucun chiffre sur les expulsions de personnes clandestines mais simplement des estimations qui ne correspondent pas exactement aux données européennes officielles dans le cas de l’Italie et de l’Espagne et pas du tout dans le cas du Royaume-Uni. 

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Caroline QUEVRAIN

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