Le comité d'éthique favorable à la PMA pour toutes : les principales concernées prennent acte mais regrettent un "ton moralisateur"

Anaïs Condomines
Publié le 25 septembre 2018 à 17h06, mis à jour le 24 octobre 2018 à 12h01
Le comité d'éthique favorable à la PMA pour toutes : les principales concernées prennent acte mais regrettent un "ton moralisateur"
Source : AFP

PROCRÉATION - Il était attendu, il est arrivé : le rapport du comité consultatif national d'éthique donne un avis favorable à l'ouverture de la PMA pour toutes les femmes. Des spécialistes et associations de défense des droits des lesbiennes notent le pas en avant mais reprochent à ce rapport un "ton moralisateur" reprenant des éléments de langage proches de ceux de la Manif pour Tous.

Son avis - bien que consultatif - était attendu avec impatience. Le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) planche depuis plusieurs mois sur plusieurs thèmes de société sujets à réforme, de la médecine génomique à l'accompagnement de la fin de vie, en passant pour l'ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes - c'est-à-dire pour les couples de femmes et les femmes célibataires. Ce dernier point, faisant l'objet d'une promesse présidentielle, a obtenu avis favorable des membres du CCNE.

Qu'en pensent les lesbiennes et bisexuelles concernées ? LCI a posé la question à des membres d'associations militantes et journalistes expertes du sujet. L'avis favorable délivré par le CCNE représente d'abord une satisfaction de taille. "C'est une très bonne nouvelle" nous indique par exemple Silvia Casalino, présidente de la Conférence européenne lesbienne (ELC). "J’espère que cela va fortement influencer les voies politiques, maintenant. D'ailleurs, je n'ai plus trop de doutes sur les avancées de l'ouverture prochaine de la PMA pour toutes en France. La tendance en Europe est forte, à l'image de l'Espagne ou de la Belgique qui l'autorisent pour tous les couples." Même son de cloche chez Maelle Le Corre, journaliste pour Komitid et membre de l’association des journalistes LGBT : "C’est quand même une bonne nouvelle. A la vue des résultats, j'ai ressenti une petite part de soulagement, je me suis dit ‘enfin, ça y est’."

On est à deux doigts de la rhétorique de la Manif pour Tous
Maelle Le Corre

Mais la nuance arrive vite. Car au sein de ce même rapport qui ouvre de manière plus officielle la voie à l'ouverture de la PMA pour toutes, Maelle Le Corre dit avoir perçu un "ton très moralisateur". Elle explique : "Je ne m’y attendais pas. J’ai lu les termes ‘absence de père’, ‘repères de l’enfant’... Cela revient à faire peser un poids moral sur les couples de lesbiennes et les femmes célibataires et c’est décevant. Surtout, on est à deux doigts de la rhétorique de la Manif pour Tous. C’est ce qu’on entend tout le temps, le climat est suffisamment anxiogène comme cela, avec les détracteurs de cette mesure invités dans les médias."

L'association FierEs partage l'analyse de la journaliste. Imen, une membre de cette association féministe défendant les intérêts des personnes lesbiennes, bies et trans, indique ainsi : "Nous ne sommes pas satisfaits par ce rapport, nous sommes même très en colère. Il reprend les éléments de langage de la Manif pour Tous et véhicule une vision sexiste de la famille. Il parle de l'absence de l'altérité masculin-féminin, or on ne sait même pas ce que cela veut dire." 

Une question d'égalité

LCI a parcouru ce rapport : même si la conclusion du comité d'éthique va effectivement dans le sens d'une ouverture de la PMA pour toutes les femmes, il y est précisé que la question ne fait pas l'unanimité au sein de ses membres. On y retrouve ainsi cette phrase : "Elle [la PMA, ndlr] modifie profondément les relations de l’enfant à son environnement familial, en termes de repères familiaux, d’absence du père, institutionnalisée ab initio." Puis, plus tard : 'Cette demande d’accès pour toutes les femmes à l’IAD (insémination artificielle avec donneur, ndlr) a également fait débat au sein du CCNE, en particulier sur les conséquences pour l’enfant d’une institutionnalisation de l’absence du père, donc de l’absence de l’altérité ‘masculin-féminin’ dans la diversité de sa construction psychique, mais aussi sur les risques possibles de marchandisation du corps humain accrus."

Or, pour Imen, ce qui pose problème, c'est précisément que "le débat sur la PMA n'est pas une question de morale". "C'est une question d'égalité entre toutes les femmes et avec les différents modèles familiaux" ajoute-t-elle. "Nos familles existent, cela fait cinq ans que nous attendons une loi." L'espoir existe néanmoins : après les promesses présidentielles, voilà qu'un rapport vient consolider une possible ouverture de la PMA pour toutes. "Espérons que cela donne malgré tout lieu à une loi" reprend la militante, "... et pas à six mois supplémentaires de débats". En attendant, le ton est donné, puisqu'un rassemblement à l'appel du collectif féministe Insomnia est attendu ce mardi 25 septembre dans la soirée devant le siège du CCNE.


Anaïs Condomines

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