Mais pourquoi l'école a-t-elle tant de mal à remplacer un prof absent ?

Publié le 7 avril 2016 à 9h45
Mais pourquoi l'école a-t-elle tant de mal à remplacer un prof absent ?

CASSE-TÊTE - La FCPE invite les parents à se mobiliser jeudi sur la question des non-remplacements d'enseignants absents, en inondant les réseaux sociaux de selfies accompagnés du mot-dièse "Yapasdeprof". Pour mieux comprendre ce problème, de plus en plus criant, des absences non compensées dans l'Education nationale, metronews s'est penché sur le dispositif, plutôt complexe, de remplacement des profs.

Faute de profs remplaçants, alerte la FCPE, au moins 20.000 journées de cours ont été perdues de la maternelle au lycée depuis la rentrée. Pour inviter à participer à une journée d'action jeudi, la principale fédération de parents d'élèves met en avant ce chiffre vertigineux, que la rue de Grenelle ne conteste pas - mais elle le minimise en le comparant aux dizaines de millions de jours de classe effectivement assurés. La FCPE appelle en particulier les parents à inonder les réseaux sociaux de ies pris devant les établissements où des professeurs font défaut, avec le mot-dièse "yapasdeprof".

Mais pourquoi de tels bugs dans les remplacements, alors que les profs ne brillent pas particulièrement par leurs absences ? - ils manquent en moyenne 6,6 jours par an. Si les réductions de postes décidées sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy - moins 10% des effectifs de remplaçants, soient 2600 emplois -, insuffisamment compensées sous François Hollande selon les syndicats, sont pointées du doigt, la réponse peut aussi être trouvée dans la complexité et les rigidités du système de remplacement. Alors, comment les écoles, collèges et lycées s'organisent-ils quand un prof est absent ? On vous explique tout.

Ziliens et brigadiers

Dans le premier degré, on distingue deux catégories de remplaçants. Pour les absences de moins de quinze jours, les "ziliens", comme les nomme le jargon, interviennent dans des "Zones d'intervention localisées" (ZIL), qui correspondent à une circonscription d'au maximum 20 kilomètres autour de l'école à laquelle ils sont rattachés. Lorsqu'il s'agit de pallier un congé maternité ou une formation continue d'un professeur, une absence de longue durée donc, le rectorat fait appel aux remplaçants des "brigades départementales", eux aussi rattachés à un établissement mais appelés à être missionnés dans tout le département.

C'est principalement pour les remplacements de courte durée que le bât blesse. Concrètement, si un instituteur appelle un matin son école pour signaler qu'il a la grippe, le directeur appelle immédiatement sa circonscription afin qu'elle lui mette un "zilien" à disposition. "Comme ils sont proches, les remplaçants des ZIL peuvent arriver dans le quart d'heure", nous assure Jérôme Lambert, secrétaire départemental du SNUipp-FSU-Paris, le premier syndicat d'instituteurs.

Des profs payés en heures sup'

Mais c'est selon lui loin d'être la règle : "Il arrive souvent qu'aucun ne soit disponible, parce qu'il y a trop d'arrêts sur la zone ou qu'ils ont été basculés sur un remplacement long par manque de brigades". L'usage veut alors que l'école propose aux parents de garder leurs petits à la maison. Et pour ceux qui ne le peuvent pas, les enfants sont répartis dans d'autres classes. "Ce sont des journées d'apprentissage perdues, car l'enseignant ne peut pas véritablement s'occuper d'environ cinq élèves supplémentaires, souvent d'un autre niveau que ceux de sa classe", pointe Jérôme Lambert. 

Au collège et au lycée, là aussi, les remplacements de courte durée posent de gros problèmes. Et pour cause : "Beaucoup d'académies, si ce n'est toutes, ne prennent en charge le remplacement des professeurs que pour les absences supérieures à 15 jours", nous assure Michel Richard, secrétaire général adjoint du SNPDEN, le syndicat des personnels de direction de l'Education nationale. Dans le meilleur des cas, les élèves sont alors pris en charge par un professeur de la même discipline, payé en heures supplémentaires. "Mais il faut trouver un enseignant volontaire et ce dispositif a ses limites, car lorsque le professeur ne connaît pas la classe, c'est davantage de l'accompagnement qu'une véritable continuité de l'enseignement", souligne Michel Richard. Au total, seuls 38% des enseignants sont ainsi suppléés lorsque l'absence est inférieure à deux semaines, selon l'Education nationale.

La "loi de l'ennui maximum"

Cette dernière affiche un chiffre bien meilleur en ce qui concerne les absences de longue durée : 97% de remplacements. Ceux-ci sont effectués par des "titulaires sur zone de remplacement" (TZR), mais aussi, très largement, par des contractuels en CDD ou en CDI, parfois recrutés via Pôle emploi... ou même Le Bon Coin .

"La situation est extrêmement variable d'une académie à l'autre, souligne Michel Renard. Dans l'enseignement professionnel et dans certaines matières où les tensions sont très fortes comme les maths, le latin ou l'anglais, on a un mal fou à remplacer les absents, en particulier dans les zones rurales". Michel Renard assure en outre constater un phénomène resté sans explication : "une loi de l'ennui maximum" qui ferait que "très souvent, lorsque plusieurs personnes sont absentes dans un établissement, il s'agit de professeurs d'une même classe". De quoi exaspérer les parents concernés et, lorsqu'ils ne s'en réjouissent pas, leurs enfants.

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Gilles DANIEL

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