Canicule : quand les hommes tentent de défendre le port du short au travail (mais que ce n'est pas gagné)

par Sibylle LAURENT
Publié le 20 juin 2017 à 19h20, mis à jour le 20 juin 2017 à 19h29
Canicule : quand les hommes tentent de défendre le port du short au travail (mais que ce n'est pas gagné)

T’AS LE LOOK COCO – En France, lorsqu’il fait chaud, les femmes raccourcissent le bas. Mais chez les hommes, c’est quasiment impossible, notamment dans certaines professions, encore plus quand le métier est en contact avec le public... Une injustice que certains tentent de combattre.

32, 34, 36°C... Au fur et à mesure que le mercure grimpe, les jupes raccourcissent. Les femmes sortent leurs petites robes aux matières légères, sandalettes tous orteils dehors. Question de survie : il faut, à tout prix, aérer le plus petit espace de peau possible. Sauf que chaque année, c'est aussi le même problème : et les hommes ? Si la gent féminine peut venir travailler les mollets et les doigts de pied à l’air, c’est déconseillé pour ces messieurs. Costard, pantalon et chaussures fermées sont la règle. Allez, ils peuvent desserrer la cravate.

Pourtant, aucune réglementation n’interdit spécifiquement ce type de tenue, sauf dans quelques cas. Pour des raisons de sécurité (un éboueur en tong, par exemple...), pour des raisons d’hygiène (dans le milieu hospitalier) ou pour des questions de représentation, raison la plus souvent invoquée dans beaucoup de professions. Mais, même sans exercer les métiers cités plus haut, venir en short au bureau, ça ne le fait pas. Autocensure, souvent, car le règlement intérieur ne précise que rarement ce point. Mais le short, c’est assimilé aux vacances, à la plage, ce n’est pas respectueux pour les interlocuteurs, bref, ça de donne pas une image "très crédible". 

Chaque année donc, avec les fortes chaleurs, les hommes traversent de longues journées moites. Les jambes qui collent au tissu, le siège qui fait ventouse, voire des atolls humides qui s’arrondissent et s’agrandissent sous les bras de chemise... Quelques hommes, pourtant, ont tenté de renverser la tendance. Pas toujours avec succès, d'ailleurs... LCI vous rappelle quelques combats.

Le plus ubuesque

Ils n’ont pas le droit de porter le short ? Qu’à cela ne tienne, ils porteront la jupe. En Suède en 2003, une douzaine de conducteurs de train de la banlieue de Stockholm, incommodés par les fortes chaleurs, ont pris le règlement au pied de la lettre. La politique maison recommande en effet d’être habillé "de façon correcte", c’est-à-dire "porter des pantalons lorsque vous êtes un homme, et une jupe lorsque vous êtes une femme, mais en aucun cas des shorts", précisait à l’époque le porte-parole. Fort bien, les machinistes se sont donc pointés... en jupe. 

Et malgré des regards un peu éberlués des voyageurs, c’est passé. Sauf que ce n’est pas ce qu’il y a de plus commode pour les travailleurs : "Elles descendent jusqu’aux genoux et ce n’est pas toujours pratique pour travailler, notamment quand il faut monter dans le train", racontait un chauffeur de train. Au final, la mobilisation a payé : la compagnie de transports Arriva a finalement revu sa politique, et commandé des shorts pour ses conducteurs. 

Le plus récurent

C’est chaque été la même rengaine : à Nantes, les conducteurs de la Semitan, le réseau de transport local, demandent à porter des bermudas. Chaque année, la réponse de la société d’économie mixte est la même : c’est non.  Il arrive régulièrement qu’un salarié syndiqué fasse le malin, et tente de forcer la règle. Comme en 2013, où un jour où le thermomètre affichait 32°C, quand un élu CFDT s’était rendu au dépôt de bus pour prendre son service, en short. Un bermuda bleu marine, classique, dans le style du code couleur de la Semitan. Mais non, ça n’est pas passé. Ses supérieurs ont exigé qu’il se change. Provocateur mais prévoyant, le salarié avait amené une tenue de rechange.

Tous les étés donc, le sujet fait parler, au point qu’en 2015 il avait même fini par énerver le directeur général. Car pour lui, c’est la porte ouverte à toutes les fenêtres : "Le bermuda, vous l'arrêtez à quelle hauteur ? Et puis après, il y aura la question des sandalettes. C'est un mauvais procès", s’insurgeait-il dans Ouest-France. "En été, je comprends qu'on porte des bermudas à Carpentras ou à La Ciotat, mais ici, nous avons la chance d'avoir un climat plutôt tempéré." Ah oui, mais alors en canicule, on fait quoi ? Là-dessus, le combat, évoqué dans les questions du personnel en 2016, n’est pas encore gagné : si la Semitan a bien décidé d’élargir le vestiaire homme, ce n’est pas pour acquérir des shorts... mais des "pantalons été". On progresse.

extraits compte rendu DP de septembre 2016/CGT/Semitan

Le plus judiciarisé

En 2001, Cédric Monribot, agent technique à la Sagem, vient travailler en bermuda, un jour de forte température. Le chef du personnel lui demande de bien vouloir respecter une tenue "conforme au règlement intérieur". Le salarié adresse alors un mail à plusieurs membres de sa hiérarchie, en soulignant qu’aucune disposition du règlement intérieur n’interdit le port du bermuda, que sa tenue est correcte et que son activité professionnelle donne toute satisfaction. Il se voit alors notifier un licenciement pour perte de confiance, pour avoir manifesté à l’égard de sa hiérarchie "une opposition forte et persistante à l’application d’une consigne simple" et pour "avoir marqué publiquement son refus d’adhésion aux valeurs fondamentales de (la) société". 

Cédric Monribot est allé porter son combat devant les tribunaux. Mais le conseil des Prud’hommes, puis la Cour d’appel de Rouen ont jugé "être en présence d’une cause réelle et sérieuse de licenciement". En 2008, la Cour de cassation leur a donné raison, en estimant que ce bermuda était "incompatible avec ses fonctions" et que, "en faisant évoluer un incident mineur en contestation de principe et en lui donnant une publicité de nature à décrédibiliser la hiérarchie et porter atteinte à l’image de la société", il avait "dépassé le droit d’expression reconnu aux salariés dans l’entreprise". Elle avait d'ailleurs a posé le principe que la liberté de se vêtir à sa guise au temps et sur le lieu de travail n’entrait pas dans la catégorie des libertés fondamentales.

Celui qui a trouvé la parade

Lui a trouvé la technique pour avoir les mollets à l’air : s'inspirer des Suédois et venir en jupe au travail. Alors non, ça n’a pas été très simple au début. Mais Jérôme Salomé, salarié de la fonction publique à Limoges, jouit d’une hiérarchie compréhensive, et d'un travail dans lequel il n’est pas en contact avec le public : depuis un an, il a le droit de venir en jupe au travail. Cela s’est fait tout simplement, à l’été 2016. "En raison des fortes chaleurs, nous avons reçu un courrier de la DRH nous indiquant que nous pouvions venir en tenue décontractée. J'ai alors demandé si je pouvais venir en jupe. On m'a répondu par l'affirmative mais je n'ai pas le droit d'être en contact avec le public", raconte-t-il au Populaire du Centre. Depuis, il veut essaimer la bonne parole : il a fondé l’association des Hommes en jupe, qui milite pour le port de ce bout de tissu chez les hommes. 


Sibylle LAURENT

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