Meurtre d'Alexia Daval : "Le traitement médiatique de la défense de Jonathann Daval est l'illustration parfaite du victim blaming"

Anaïs Condomines
Publié le 31 janvier 2018 à 9h44, mis à jour le 31 janvier 2018 à 12h03

Source : JT 20h Semaine

FOCUS - Alors que le mari d'Alexia Daval a avoué, mardi 30 janvier, avoir tué son épouse, sa défense s'emploie à voir "deux victimes dans cette affaire". Un procédé de "victim blaming" qui pose problème, pour Laure Salmona, à partir du moment où il est repris "dans les médias sans appareil critique".

Elle a longtemps été présentée comme "la joggeuse assassinée", dont le corps a été retrouvé brûlé dans une forêt de Haute-Saône. On sait désormais, suite aux aveux de son mari, qu'Alexia Daval a été victime d'un féminicide. Mais pour les avocats de celui qui jouait encore, il y a trois mois de cela, les époux éplorés dans les marches blanches, "il y a deux victimes dans cette affaire, Alexia Daval et Jonathann Daval".

Et ses conseils, visiblement secoués par ce retournement de situation, d'évoquer un couple fondé sur "une relation dominant-dominé", où Jonathann Daval, "effacé" face à la "personnalité écrasante" de sa femme, aurait atteint son "seuil de tolérance". Des propos, relayés en direct sur les plateaux de télévision, qui n'ont pas tardé à faire réagir de nombreux internautes et militantes féministes, Marlène Schiappa, secrétaire d'Etat à l'Egalité entre les femmes et les hommes, en pole position. Toutes y voient un exemple criant de "victim blaming".

Le "victim blaming", kesako ?

Vous avez dit "victim blaming" ? Laure Salmona, militante féministe et spécialiste des violences sexistes et sexuelles, nous aide à mieux comprendre ce concept, qu'elle définit comme "la culpabilisation de la victime pour insinuer, présumer qu'elle est un peu, voire beaucoup responsable de ce qui est arrivé". "D'abord", dit-elle, "il ne faut pas oublier qu'il s'agit ici du discours des avocats de la défense. C'est leur travail de minimiser le crime de Jonathann Daval, c'est normal." Ce qui lui pose problème, c'est en fait "le traitement médiatique de ces propos". 

Ça transforme ce qui est de l'ordre du fait social en un "drame intime"
Laure Salmona, spécialiste des violences sexistes et sexuelles

En clair, elle estime que "les médias reprennent cette position sans appareil critique". Un exemple ici avec un tweet de l'AFP, supprimé ensuite, qui reprenait le terme "d'accident", utilisé par l'avocat, sans utiliser de guillemets : 

Et Laure Salmona d'y voir un "retournement pervers", qui "met le monde à l'envers". "Le victim blaming permet deux choses", explique-t-elle. "D'abord, ça rassure la population. On se dit qu'un crime pareil, ça n'arrive pas à tout le monde, qu'on est à l'abri si on reste dans l'auto-contrôle, si on fait attention. Ensuite, ça participe aussi à dépolitiser totalement la problématique des violences systémiques à l'encontre des femmes, ça transforme ce qui est de l'ordre du fait social en un 'drame intime'".

Le "victim blaming", dans le viol aussi

Or, comme elle le rappelle, cette perception est déjà solidement installée dans la société. L'affaire Daval jette aujourd'hui une lumière crue sur le "victim blaming" dans le cadre d'un meurtre, mais ce même phénomène - qui place la victime au rang de coupable -  est déjà bien connu en ce qui concerne le viol. 

Dans un rapport pour l'association Mémoire traumatique et victimologie réalisée avec l'institut IPSOS sur les représentations du viol chez les Français, on apprenait que, pour 40% des personnes interrogées, "la responsabilité du violeur est atténuée si la victime a eu une attitude provocante en public".


Anaïs Condomines

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