Mouvement des intermittents : combien gagnent-ils vraiment ?

Publié le 27 avril 2016 à 17h29

CULTURE - Le mouvement d'occupation des théâtres est en train de s'étendre, alors que reprennent les négociations sur le régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle. L'occasion pour metronews de faire un zoom sur ce régime bien spécifique.

La colère monte. Des intermittents du spectacle, rejoints par des membres de Nuit Debout, des zadistes et des étudiants, sont parvenus à faire annuler, mardi soir, les représentations de Phèdres(s) à l'Odéon et Lucrèce Borgia au Théâtre Français. Et menacent d'annuler les représentations de ce mercredi soir. 

Et ils ne comptent pas s'arrêter là. Dans un communiqué, les occupants de la Comédie-Française promettent une "vague coordonnée d’occupations de théâtres", qui vient de s'étendre au théâtre national de Strasbourg et aux centres dramatiques nationaux de Bordeaux, Caen, Lille et Montpellier.

Objectif : peser sur les négociations autour de leur régime d’assurance chômage, qui doivent aboutir à un accord avant jeudi. L'occasion pour metronews de faire le point sur l'indemnisation des intermittents du spectacle, un dossier toujours aussi explosif.

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C'est quoi ce régime ?
Créé en 1936, ce régime à part a été pensé initialement pour l'industrie cinématographique, qui emploie une armada de techniciens et de cadres de tournage, sans pouvoir leur garantir un emploie pérenne. Avec le temps, ce régime s'est étendu à l'ensemble du secteur du spectacle, de la musique et de l'audiovisuel. Il permet d'offrir aux intermittents des contrats à durée déterminée d'usage - un contrat différent du CDD classique - qui peuvent être renouvelés sans limite dans le temps. En contrepartie, les intermittents sont indemnisés par l'assurance chômage, entre deux contrats.

► Qui bénéficie des allocations? 
Pour être éligible à une indemnisation, un intermittent doit atteindre le seuil de 507 heures de travail - trois mois et demi de travail - en dix mois pour les techniciens, et dix mois et demi pour les artistes, contre 610 heures sur 28 mois pour les salariés du régime général. Il peut ensuite percevoir des allocations chômage pendant huit mois. Le régime général, lui, se base sur un jour d'indemnisation par journée de travail. 

► La crise de 2014
Pour faire des économies, plusieurs coups de rabot avaient déjà été décidés lors de la précédente renégociation, en 2014, comme la hausse des cotisations, le plafonnement du cumul entre allocation et salaire et la mise en place d’un différé entre travail et indemnisation. Après une levée de boucliers contre cette dernière disposition, Manuel Valls avait annoncé que l'Etat prendrait à sa charge ce différé. Mais cet engagement provisoire va prendre fin à la signature de la nouvelle convention d'assurance chômage.

Pourquoi le Medef veut la peau de ce régime
Pour ses détracteurs, dont le président du Medef, Pierre Gattaz - qui réclame de longue date la suppression de ce régime spécifique afin de rétablir, selon lui, une égalité de traitement entre les chômeurs - le régime des intermittents du spectacle est un véritable gouffre financier : pour un euro de contribution, l'assurance chômage verse 4,10 euros d'allocations (contre 5,5 avant 2014). En 2015, le déficit s'élevait à quelque 950 millions d'euros, selon l'Unedic.

► Mais combien gagnent réellement les intermittents?
Selon un rapport parlementaire rendu en 2013 (soit avant la renégociation de 2014), le salaire moyen d'un intermittent s'élevait cette année-là à 2322 euros par mois. Une somme qui inclut à la fois le salaire et l'indemnité chômage. L'allocation chômage, de son côté, représentait, en moyenne, 1.805 euros par mois, contre 1.123 euros pour un chômeur lambda, à la rédaction du rapport. Mais comme le soulignent les rapporteurs, les revenus sont très disparates. Selon l'Unedic, 65 % des artistes gagnaient moins de 800 euros par mois en 2013.

Et comme le rappelaient Les Décodeurs dans un article publié lors de la précédente crise des intermittents, en 2014, dans les professions artistiques, les heures décomptées ne le sont pas toujours en fonction du nombre réel d'heures travaillées. Par exemple, un "cachet" unique pour une représentation est comptabilisé comme douze heures de travail, qui passent à huit heures si le contrat dépasse les cinq jours. Est exclu de ce forfait tout ce qui a trait à la préparation, en amont, du spectacle : répétitions, création, réalisation des costumes, etc.

Quid des nouvelles négociations?
Dans une "lettre de cadrage" dévoilée le 24 mars dernier, le Medef proposait d'imposer au régime des intermittents des économies à hauteur de 185 millions d’euros en année pleine d’ici à 2018, mais que dans le même temps l’Etat, en compensation, prenne à sa charge 80 millions d'euros. Signée par la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC (trois syndicats minoritaires), cette proposition patronale avait été qualifiée de "provocation" par la ministre de la Culture, Audrey Azoulay.

Et a fait bondir la CGT-Spectacle, le syndicat majoritaire. "Si on nous dit que les 100 000 intermittents doivent faire un quart des économies du régime, soit 200 millions d’euros, c’est la guerre!" C'est "une façon de torpiller autrement le régime des intermittents", a dénoncé son secrétaire général Denis Gravouil, interrogé par Le Monde

Pour Samuel Churin, de la Coordination des intermittents et précaires (CIP), l'effort demandé est également démesuré au regard au poids des intermittents dans la population des chômeurs indemnisés. "Les intermittents représentent 4 % des allocataires", rappelle-t-il. "L’effort consenti doit être limité à 32 millions d’euros, soit 4 % des 800 millions d’euros économies à réaliser". Les deux organisations ont d’ores et déjà prévu de perturber les prochains festivals estivaux. 

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La rédaction de TF1info

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