Non, les mamans qui allaitent en public au Mexique n’iront pas en prison

Anaïs Condomines
Publié le 21 juin 2016 à 18h40
Non, les mamans qui allaitent en public au Mexique n’iront pas en prison

DESINTOX - Depuis le mois de janvier circule une rumeur selon laquelle les femmes qui donnent le sein en public, au Mexique, s’exposeraient à une peine de 5 ans d’emprisonnement. Leur tort : elles incitent au viol. Une information complètement erronée que metronews a décortiquée pour vous.

En prison pour avoir allaité son bébé en public ? C’est, selon plusieurs articles de presse, l’objet d’une loi mexicaine, adoptée en janvier dernier et entérinée au bout de six mois, qui condamnerait à cinq ans d’emprisonnement toute maman qui aurait l’impudence de donner le sein à son enfant, en dehors de la maison.

Pour quelle raison ? L’allaitement en public constituerait la principale cause de viol dans le pays. Le temps pour cette information de dépasser les frontières, et la voilà en France, affirmée dans un titre à l’indicatif sur le site du magazine spécialisé Neuf Mois, lundi 20 juin.

capture d'écran Twitter

"Une loi totalement rétrograde"

Une actualité traitée avec des pincettes par le magazine, et pour cause : elle est fausse. A l’origine de cette rumeur, plusieurs articles publiés dans la presse mexicaine puis repris sur d’obscurs blogs traduits en anglais. Tous assurent, là encore, que la pratique de l’allaitement dans les lieux publics est "une cause majeure de viol" au Mexique. Et prêtent même au député Oscar Garcia Barron les propos suivants : "Chaque règle vient d’un besoin social et la solution qui a été trouvée est nécessaire pour restaurer les conditions idéales de coexistence entre hommes et femmes."

Sauf que depuis le mois de janvier, l’information n’a eu de cesse d’être démentie. Par le député en question, d’abord, sur les réseaux sociaux. A plusieurs reprises, Oscar Garcia Barron a répété sur sa page Facebook qu’il s’agit là "d’une rumeur complètement fausse". "Jamais en tant que citoyen et législateur je n’approuverais une loi totalement rétrograde et contraire à mes principes" ajoute-t-il.

capture d'écran Facebook

Démentie, aussi, par la principale association pro-allaitement maternel au Mexique, APROLAM, sur son site internet . Démentie, enfin, lundi 20 juin dans la journée par un autre député, Alfonso de Leon Perales, président de la commission de la santé, à la télévision locale . Mais alors comment pareille rumeur a-t-elle pu émerger, dans un pays où, pas plus tard qu’en août 2015, se lançait une campagne de santé publique visant à promouvoir… l’allaitement maternel ? Pour y avoir plus clair, nous avons posé la question à Nadia Chonville, doctorante en sociologie à l’université des Antilles, spécialiste des violences sexuelles.

Remise en cause du statut de victime

Selon elle, cette "une vaste fumisterie" s'inscrit dans un contexte de "culpabilisation des femmes". Explications : "Il est intéressant de comprendre pourquoi certains ont cru cette rumeur légitime. Au Mexique, en tout cas dans l’Etat de Puebla où j’ai étudié les faits de violences sexuelles, il est courant de culpabiliser les femmes, de chercher pourquoi elles se font violer." Sauf que ce lien entre allaitement en public et viol n'a jamais pu être établi, pas même par la statistique.

"Les chiffres nous apprennent que 40% des victimes d’agression sexuelle au Mexique sont en fait des filles âgées de moins de quinze ans. Soit une grande partie des victimes, poursuit la sociologue. "Peut-être que des mamans qui allaitent se font agresser, mais ce n’est pas du tout l’enjeu de ces violences sexuelles aujourd’hui. Cette rumeur a fonctionné car c’est une remise en cause du statut de victime." Un état d'esprit, qui se nourrie d'idées reçues, et qui ne s'illustre guère qu'au Mexique. On se souvient que, selon une récente étude, 27% des Français estiment que la responsabilité du violeur est atténuée si la victime portait une mini-jupe.

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Anaïs Condomines

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