"Nos écoles sont dans un état catastrophique" : pourquoi le maire de Marseille en appelle à Emmanuel Macron

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Publié le 10 mars 2021 à 18h07
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ILLUSTRATION - Source : BORIS HORVAT / AFP

PRÉCARITÉ - Le maire de Marseille a rencontré Emmanuel Macron ce mercredi avec un objectif en tête : bénéficier de "la force de l’État" pour améliorer la situation dans les 470 écoles de sa ville, où la vétusté a gagné du terrain.

Sophie se souvient de cet fin d'été 2019 comme si c'était hier : à son retour de vacances, un courrier en date du 22 août l'informe que la rentrée des classes de sa fille est chamboulée. En cause ? Des travaux sur le toit de cet établissement du Cours Julien, dans le centre de Marseille, qui ont révélé des poutres en mauvais état...

Résultat : la centaine de bambins se retrouve scolarisée dans une autre école, à trois kilomètres de là."Je travaillais à l'autre bout de la ville, mon mari aussi, on a galéré tous les matins pendant des mois", se souvient Sophie. Avant de commenter : "L'école était dans un tel état, il fallait bien que cela arrive un jour."

Le cas de l'école élémentaire du Cours Julien illustre bien le délabrement qui, au fil des ans, a rattrapé de nombreux établissements de la cité provençale. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : deux audits commandés sous la mandature de Jean-Claude Gaudin ont estimé à 128 - sur un total de 470 - le nombre d'écoles avec "des problèmes lourds"

Un état des lieux corroboré par Frédéric Muraour : joint par LCI, le président de la PEEP des Bouches-du-Rhône précise que 34 écoles sont même censées être détruites. "Or, elles accueillent toujours des enfants", précise ce père de famille. Et de prendre en exemple celle de son fils, "une école qui ne pose pas de souci au quotidien, mais qui est classée "Pailleron" : en cas d'incendies, elle peut s'effriter comme un château de cartes".

30 millions d'euros débloqués l'été dernier

Locaux aussi chaud l'été que glacial l'hiver, toilettes insalubres, invasions de rats et bâtiments dégradés : le mauvais état des écoles marseillaises occupe le devant de l'actualité locale depuis plusieurs années. En particulier depuis 2015, quand le toit d'une salle de l'école Ruffi, située dans le 3e arrondissement (l'un des plus pauvres de la ville, et même de France), s'effondre. 

Il faut dire que l'école, construite en 2002 en préfabriqués, n'avait pas été conçue pour durer des années... La colère a peu à peu gagné la population, et le thème s'est imposé durant la campagne municipale qui a chassé Jean-Claude Gaudin en 2020. Et permis au Printemps Marseillais de Michèle Rubirola de rafler la mairie sur le Vieux Port. 

Rénover les écoles de la ville, Michèle Rubirola en a fait une priorité. Ou plutôt, Benoît Payan, le premier adjoint qui a récupéré les clefs de la ville après le retrait de la maire, en décembre dernier. Dès son arrivée, la nouvelle équipe a sans surprise mis la main au portefeuille : 30 millions d'euros ont été débloqués l'été dernier pour les écoles. Une somme qui s'ajoute aux 40 millions déjà adoptés sous l'ancienne majorité. 

Pour quel résultat ? Parer au plus urgent : papier toilette, savon et gel hydroalcoolique livrés, gouttières récurées et petits travaux effectués... Pierre-Marie Ganozzi, adjoint chargé du plan école, s'était félicité en septembre devant la presse du travail accompli. Mais six mois plus tard, les acteurs du dossier font toujours grise mine. 

"Le fatalisme a fini par gagner"

"Rien de notable n'a changé", estime Frédéric Muraour, réclamant un "plan Marshall" pour sa ville. Même tonalité au sein du Collectif des écoles de Marseille (CeM) : joint par LCI, ce dernier reconnait que Benoit Payan a hérité de "25 ans de fonctionnement figé." 

"Il y a un problème de personnels, on est en flux tendu avec des taux d'encadrements d'un adulte pour 25 enfants, voire 1/50", détaille Maurice, membre du CeM. "Et puis, les services de maintenance sont désorganisés... Le besoin d'investissement, lui, est colossal. Il faut savoir qu'on hérite d'un patrimoine très ancien, ces écoles Jules Ferry où on a poussé les murs. Dans certaines, on a consolidé les planchers qui n'étaient pas prévu pour supporter nos classes actuelles. Quand vous cumulez tout cela, forcément ça explose de toute part."

Une "explosion" qui dure et avec laquelle la municipalité a appris à composer au fil des ans. "Un certain fatalisme a fini par gagner : ici un bâtiment décrépit, là pas de peintures, la porte ferme mal, la clef ne marche pas... Regardez les commissions de sécurité incendie : au sein du CeM, on s'est aperçu qu'un tiers des écoles ne répondaient pas aux normes."

"Les Marseillais ne font pas l'aumône"

Benoit Payan le reconnaissait lui-même en février dernier : "Les écoles à Marseille qui sont dans un état catastrophique." Désireux de rompre avec l'héritage Gaudin, le nouvel homme fort a lancé une commission d'enquête pour "faire la lumière sur ce qui s'est passé pendant 25 ans". L'édile a d'ores et déjà promis un plan pluriannuel d'embauches pour le personnel - "Il en manque partout" - et a signé un protocole d'accord avec des syndicats pour une continuité du service public. Reste à trouver les finances pour révolutionner les écoles de la cité phocéenne.

Surtout que la douloureuse mérite bien son nom : la municipalité chiffre à un milliard d'euros le budget nécessaire pour la ville, et anticipe des travaux s'étalant sur deux mandats. Pour arriver à ses fins, Benoit Payan a déjeuné ce mercredi avec Emmanuel Macron, espérant convaincre le président de contribuer aux factures. 

Une contribution sans laquelle la deuxième ville de France ne se redressera pas, affirme le maire : "Je ne veux pas de chèque, les Marseillais ne font pas l’aumône", a-t-il martelé ce mercredi sur RTL. "Simplement les Marseillais ne sont pas moins français que les autres, les Marseillais ont besoin comme les autres de la solidarité nationale, (...) on attend de la justice sociale et fiscale."


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