Nouveau bulletin de notes au collège : peut mieux faire

par Sibylle LAURENT
Publié le 30 septembre 2015 à 19h50
Nouveau bulletin de notes au collège : peut mieux faire

ILS NOTENT lA MINISTRE – Alors que la ministre de l’Education Najat Vallaud-Belkacem a présenté ses mesures pour réformer l’évaluation du bulletin de notes afin de le rendre plus clair et plus lisible, professeurs et parents disent à metronews ce qu’ils en pensent : pas que du bien.

"Bien, mais peut mieux faire." "Trop complexe." "Il faut plus de lisibilité." "Ne va pas assez loin." Non, ce ne sont pas les appréciations d’un bulletin de note moyen, mais les commentaires des parents et enseignants après que Najat Vallaud-Belkacem a présenté ses propositions sur l’évaluation des élèves au collège. La réforme prévoit notamment un nouveau modèle de bulletin scolaire, où les élèves seront évaluées par compétences, avec des critères tels que "objectifs non atteints", "partiellement atteints", ou encore "dépassés". A côté de ça, les enseignants auront toujours la possibilité d'évaluer avec des notes chiffrées. Ces bulletins trimestriels seront complétés à la fin de chaque cycle (CE2, 6e, 3e) par une fiche dressant un bilan global sur un socle commun de connaissances que l'élève doit maîtriser à 16 ans.

L’idée de la ministre ? Simplifier l’évaluation, et la rendre plus lisible pour les parents et les élèves. Mais dans un contexte où les différentes parties - syndicats d’enseignants, et de parents d’élèves - s’affrontent sur le sujet de la notation à l’école, les mesures présentées sont loin, très loin de faire l’unanimité.

"Les notes ne sont plus justifiées"

D’un côté, il y a les "bien, mais peut mieux faire". Christian Chevalier, secrétaire général de l’ Unsa , qui, avec la CFDT, est plutôt pour les orientations prises par le gouvernement, estime que la mesure ne va pas assez loin : "Les notes ne sont plus justifiées. Elles sont stigmatisantes, conçues à l’origine pour trier les élèves", explique-t-il. Mais, en permettant aux profs de conserver la notation, tout en introduisant la notion de compétences, la ministre a été "habile" : "Supprimer les notes aurait créé un mouvement de panique. Là ça va se faire progressivement", estime-t-il.

Même son de cloche pour la FCPE, Fédération des conseils de parents d’élèves , qui prône elle aussi une "évaluation positive et bienveillante", et donc sans notes, au collège. "Le fait que la ministre conserve les deux systèmes d’évaluation montre un glissement progressif, et les bilans à la fin des cycles permettront de mesurer les progrès des élèves", se réjouit Henri-Jean Le Niger, vice-président, qui y voit donc "une bonne transition, mais qui ne va pas assez loin."

Une "usine à gaz" pour les enseignants

Mais il y a aussi les dubitatifs, voire les carrément opposés. Car ce nouveau bulletin hyper-détaillé par compétences pose aussi la question de la charge de travail pour l’enseignant, déjà bien sollicité, et de la manière d’enseigner. D'ailleurs Christian Chevalier (Unsa), le reconnaît : "Ça va être un peu plus compliqué. Savoir si l’élève maîtrise le français sera évalué par le professeur de français, mais aussi celui d’histoire, de maths, et pourquoi pas de sport. Il est clair que cela va nécessiter des méthodes d’organisation, d’emploi du temps."

Pour Force ouvrière Education nationale , un des nombreux syndicats résolument opposé à la réforme du collège (une intersyndicale Snes-FSU, Snetaa-FO, CGT Educ’action, Snal-FGAF et Sies-Faen appelle à la grève le 10 octobre prochain), c’est carrément "une usine à gaz" que propose la ministre. "Pour évaluer ces compétences transversales, les enseignants vont devoir découper tout ce qu'ils font en différentes compétences, puis aller voir le collègue pour essayer de croiser les évaluations, cocher des cases à n’en plus finir… C’est extrêmement compliqué et chronophage", peste Jacques Paris, secrétaire général. "Il y a un déplacement complet du centre de gravité du métier : on va passer beaucoup plus de temps à se concerter, à évaluer, à débattre des résultats d’évaluation, qu’à enseigner." Pour lui, ce nouveau bulletin est une parfaite resucée du Livret personnel de compétences, mis en place sous le gouvernement Fillon en 2005, qui proposait rien moins que… 98 compétences à évaluer. Trop compliqué, il a peu à peu été abandonné. "On nous ressert le même plat, en nous ajoutant que si on veut 'on peut encore donner des notes'. Et ça n'est même pas lisible pour les parents !"

"'Ne travaille pas assez à la maison' : ça, on comprend !"

Ce que confirme Valérie Marty, présidente de la Peep ( fédération des parents d’élèves de l’enseignement public ). "Il y a un effort par rapport au précédent Livret de 4 ou 5 pages qui était incompréhensible", reconnait-elle. Mais pas sûr que le nouveau soit tellement "plus clair" : "Il faut essayer", indique-t-elle, prudente. "Mais ça ne me paraît pas simple. Il faudrait peut-être un petit lexique d’explication, un mode d’emploi, pour expliquer aux parents, par exemple, ce qu’est le socle, que le professeur indique comment il a mené son évaluation, ce qu’il en attend. Car on pourra toujours remplacer les notes par des lettres ou des couleurs, ça ne changera rien s’il n’y a pas d’explication." Et si tout reste trop compliqué, elle sait que les parents se reporteront à la bonne vieille méthode : "Ils vont naturellement au plus simple : le carnet de notes classiques, avec son commentaire. "Très bien mais ne travaille pas assez à la maison", ça, on comprend !"

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Sibylle LAURENT

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