Permis de conduire : les automobilistes victimes de couacs en série

Publié le 26 mai 2021 à 10h15

Source : TF1 Info

DYSFONCTIONNEMENTS - L'Agence nationale des titres sécurisés, en charge de délivrer les permis de conduire, faire parfois vivre un calvaire à des conducteurs désemparés. Certains sont même contraints de se tourner vers la justice.

À l'épreuve que constitue la perte ou le vol de son permis de conduire, certains automobilistes doivent bien souvent ajouter un éprouvant bras de fer avec une administration française, l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) plus précisément. C'est elle qui délivre les précieux sésames permettant d'arpenter les routes.

Contacté par LCI, Maître Jean-Baptiste le Dall évoque ainsi "des retards dans l'édition des permis de conduire et des certificats d'immatriculation" : "Cela s'est résorbé concernant les certificats d'immatriculation, mais il y a encore des problèmes concernant les permis de conduire", assure-t-il. 

"Dernièrement, une cliente est venue me voir après s'être fait voler son sac à main au mois de septembre. Elle avait fait la déclaration de perte des différents papiers, dont le permis de conduire. On lui dit alors qu'elle n'aurait pas de permis de conduire, alors qu'elle conduit depuis plusieurs dizaines d'années", poursuit l'avocat. Commence alors, pour cette automobiliste, un véritable chemin de croix.

L'administration "lui a fait faire je ne sais combien de demandes en ligne. Elle lui a demandé son numéro de permis. Or cette femme n'avait pas conservé de photocopie de celui-ci", précise l'avocat. Sa cliente avait finalement pu "envoyer une attestation de son assurance sur laquelle figurait son numéro de permis de conduire." L'ANTS lui avait répondu "que c'était un faux numéro". "En attendant, cette automobiliste n'a pas de permis de conduire physique depuis le mois de septembre", fustige Me Le Dall, spécialisé en droit automobile.

Il a fallu que je repasse le permis français de A à Z
Benoît Lobel, automobiliste

Benoît Lobel s'est, lui aussi, retrouvé impliqué dans un bras de fer avec l'ANTS. Après avoir passé son permis aux États-Unis, cet expatrié souhaitait le faire transposer en France. "Il me fallait absolument une équivalence de permis pour travailler. Je ne l'ai pas obtenue au bout de deux ans", raconte-t-il à TF1 dans la vidéo en tête de cet article. Après deux ans passé à envoyer mails et courriers à l'administration, il ne parvient pas à contacter un conseiller. "Il a fallu que je repasse le permis français de A à Z", dit-il aujourd'hui. Comme lui, chaque année, 5000 automobilistes ne parviennent pas à faire refaire leur permis de conduire.

Me Le Dall précise que "depuis 2017 et le Plan Préfectures Nouvelle Génération, on a vidé les préfectures des services Permis de conduire", remplacés par "des plateformes téléphoniques, des interlocuteurs qui vont se renvoyer la balle pendant des mois et, au bout du compte, des citoyens qui ne savent pas à qui s'adresser"

Les usagers sont démunis
Me Le Dall

Face à cette situation, "les usagers sont démunis parce qu'ils font face à beaucoup de choses qui sont automatisées, comme des mails. Les gens ne savent plus à qui s'adresser et, quand on s'adresse à une antenne ou à une autre de l'administration depuis des mois et des mois, on a la sensation que ça n'avancera jamais", poursuit l'avocat.

Du côté du Défenseur des droits, qui reçoit de nombreux signalement, l'un des agents résume le problème auprès du Figaro : "Derrière la fabrication d’un permis, plusieurs services sont sollicités et les défaillances révèlent souvent un problème de coordination entre eux". Maître Rémy Josseaume, avocat en droit routier à Paris, enfonce le clou pour TF1 : "Il y a certainement un problème d'effectifs, de compétences, de coordination entre les services, semble-t-il. Ce service-là n'est pas capable de gérer l'afflux de demandes de permis de conduire." 

Reste alors une solution : le recours judiciaire. Pour ce faire, les avocats peuvent se tourner vers "le tribunal administratif par des procédures de référés", souligne Me Le Dall. Dès lors, "soit le juge va nous donner raison, soit l'administration va corriger le problème avant que l'on passe devant le tribunal". Et l'avocat de préciser : "Ça va éviter à l'administration d'avoir à verser les sommes à l'usager". Lorsqu'elle est condamnée pour faute, l'ANTS doit payer 50 euros par jour jusqu'à ce que le permis soit délivré.

"L'an dernier, l'agence a eu la responsabilité de deux 2,2 millions permis de conduire. Et l'année dernière, elle a reçu 66 contentieux", fait valoir Anne-Gaëlle Baudouin, la directrice de l’ANTS. Dans le même temps, l'agence est passée de 60 postes de téléconseillers en 2017 à 270 aujourd’hui. Un effort insuffisant, estime Me Le Dall. "C'est très bien de recruter des téléconseillers pour donner des renseignements. Le problème, c'est qu'il y aussi besoin de suivi dans les dossiers qui nécessitent davantage qu'une intervention ponctuelle, parce qu'il peut y avoir des documents à rechercher, par exemple".

Claire Hédon, la défenseure des droits, abonde : "Il faut maintenir une présence physique et une présence téléphonique si on veut que les personnes puissent accéder au service public. La dématérialisation totale n'est pas possible".


Maxime MAGNIER

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