Les peintures dépolluantes, bidons ou vraiment efficaces ?

par Charlotte ANGLADE
Publié le 16 mai 2018 à 18h27, mis à jour le 16 mai 2018 à 18h39
Les peintures dépolluantes, bidons ou vraiment efficaces ?
Source : Thinkstock

ZOOM - Depuis quelques années, elles ont envahi les rayons de certains magasins de bricolage. Les peintures dépolluantes promettent, grâce à leurs formules gardées secrètes, d'éliminer la quasi-totalité des polluants de l'air ambiant. Nous avons voulu savoir si elles étaient vraiment efficaces.

Asthme, bronchites chroniques, cancers… On le sait, la pollution de l’air est responsable de nombreux maux. Une nouvelle étude, publiée en mai 2018 par une équipe de chercheurs de l’Inserm dans la revue Archives de Pédiatrie, enfonce un peu plus le clou. D’après leurs recherches, une exposition importante aux particules atmosphériques est susceptible d’entraîner des retards de croissance chez les fœtus, mais aussi d’engendrer, après la naissance, des retards intellectuels et moteurs.

Alors que nous passons environ 80% de notre temps entre quatre murs, la qualité de l’air intérieur, bien souvent plus pollué qu’à l’extérieur, est plus que jamais un problème de santé publique majeur. Depuis quelques années, les industriels ont bien compris le filon. Toutes sortes de produits supposés dépolluer l’air ambiant, dont… les peintures murales, ont envahi les rayons des magasins de bricolage. LCI a voulu savoir ce que valaient vraiment ces revêtements.

Des procédés jalousement gardés

En 2016, l’UFC-Que Choisir a voulu tester quatre peintures blanches dépolluantes : "Colours Respirea dépolluante" de chez Castorama, "Luxens Blanc intérieur dépolluant" de chez Leroy Merlin, "Tollens Blanc intérieur air +" et "Ripolin XPRO3 murs, plafonds, boiseries". L’étude n'a malheureusement pas pu être menée dans son intégralité, les industriels ayant refusé de communiquer le procédé de dépollution utilisé dans leurs produits. Mais selon l’Union fédérale des consommateurs, ceux-ci recourraient forcément à "l’une ou l’autre des deux grandes techniques de dépollution qui existent sur le marché grand public : la photocatalyse et la captation chimique".

La photocatalyse

Des composés pas franchement sains

La photocatalyse a été découverte il y a plus de cinquante ans au Japon. Elle permet la décomposition et la dégradation d’une matière sous l’action de la lumière grâce à un catalyseur [élément qui provoque une réaction par sa seule présence ou par son intervention, ndlr]. Dans la majorité des cas, ce catalyseur n’est autre que du dioxyde de titane, "souvent sous forme de nanoparticules", indique l'UFC-Que-Choisir. Or, celles-ci sont classées depuis 2006 comme "cancérogènes possibles" par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ). Pas terrible, donc, pour une peinture censée épargner la santé de ses acquéreurs.

Par ailleurs, la formation secondaire d’aldéhydes et de cétones (qui font partie de la famille des composés organiques volatils (COV) que la peinture est justement censée détruire) a régulièrement été observée. Dans ses tests, l'association de consommateurs a d'ailleurs vérifié que les quatre références de peintures dépolluantes testées n’envoient pas de substances chimiques en quantité dans l’air intérieur. Trois d'entre elles ont réussi haut la main. La "Colours Respirea" de Castorama, s'est en revanche montrée "particulièrement émissive trois jours après la pose".

Une efficacité non prouvée en conditions réelles

Les molécules générées par le catalyseur oxyderaient d'autre part "non seulement les polluants présents dans l’air, mais également la matière organique de celles-ci, comme les liants et les additifs. En d’autres termes, les peintures elles-mêmes se dégraderaient par photocatalyse au fil du temps", indique l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur (Oqai). Un comble. Et contrairement à une peinture posée en extérieur qui peut bénéficier d’un lessivage régulier grâce aux précipitations, aucune régénération de la surface "dépolluante" n’est possible en intérieur, donnant lieu à un encrassement et à une baisse supposée d'efficacité.

Enfin, si la photocatalyse a déjà fait ses preuves durant des tests effectués en laboratoire, l’efficacité de la technologie n’a pas été démontrée en conditions réelles et au sein d’un environnement fermé, souligne l’Oqai. Grâce à des simulations numériques, il a été constaté que "la majorité des molécules et micro-organismes émis dans l’air d’une pièce est évacuée par la ventilation sans avoir été en contact avec les parois de la pièce", et donc sans être entré en relation avec le catalyseur, explique l'organisme.

La captation chimique

Contrairement à la photocatalyse, qui détruit la matière, la captation chimique la capture. Cette méthode, plus récente, repose sur le procédé de l'adsorption, qui consiste à capturer des molécules en surface grâce à une surface poreuse. Le charbon actif, par exemple peut être utilisé pour une captation par adsorption. Dans le cas d'une peinture, des molécules poreuses présentes dans la formule captent les substances polluantes de l'air et les retiennent.

"Si ce procédé semble a priori moins problématique que la photocatalyse, il est peu documenté", soulève l'UFC-Que-Choisir. Chaque marque a ainsi développé sa propre formule, dont elle garde jalousement la recette. Mais alors que certaines d'entre elles promettent "jusqu'à 80%" de polluants en moins dans la maison, la question de leur efficacité est toujours en suspens.

Quelques conseils pour préserver son air intérieur

En fin de compte, la meilleure solution pour un air plus sain est certainement la plus simple : aérer son logement au moins dix minutes par jour, tout en limitant les sources de pollution de type bougies parfumées, sprays désodorisants et produits nettoyants industriels. Si vous êtes amenés à acheter de la moquette, de la peinture, de la colle ou encore du vernis, assurez-vous que le produit comporte bien la mention "A+", synonyme d'émissions faibles en COV. Un ménage régulier de votre logement permettra également d'éviter leur accumulation.


Charlotte ANGLADE

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