Pourquoi les associations veulent-elles revoir le calcul de l'allocation adulte handicapé ?

Publié le 17 juin 2021 à 18h28
Pourquoi les associations veulent-elles revoir le calcul de l'allocation adulte handicapé ?

AIDE D'ÉTAT - Le gouvernement a enterré la réforme du calcul de l'allocation adulte handicapé, pourtant réclamée par l'opposition, une partie de la majorité et les associations de défense des personnes en situation de handicap. Éclairage avec Pascale Ribes, présidente d'APF France Handicap.

La proposition de loi a créé des remous à l'Assemblée nationale. Ce jeudi, les députés étaient appelés à se prononcer sur le calcul de l'Allocation adulte handicapé (AAH). Mais alors que l'opposition et une partie de la majorité avaient déposé des amendements pour son individualisation, le gouvernement a eu recours au vote bloqué, qui écarte la mise au vote d'amendements absents du texte, pour ne pas discuter cette déconjugalisation, et faire adopter un abattement forfaitaire de 5000 euros sur les revenus du conjoint, révision qui continuera de prendre en compte les revenus du conjoint de l'allocataire.

Créée en 1975, l'AAH est destinée à compenser l'incapacité de travailler. D'un montant maximal de 904 euros mensuels, elle est versée sur des critères médicaux et sociaux. Elle compte aujourd'hui plus de 1,2 million de bénéficiaires, dont 270.000 sont en couple. Pascale Ribes, présidente de l'association APF France Handicap, a expliqué à LCI pourquoi il est urgent de revoir son système de calcul et en finir avec la prise en compte des revenus du conjoint.

Pour quelles raisons êtes-vous favorable à la déconjugalisation de l'allocation adulte handicapé ?

Calculer les ressources auxquelles ont droit les personnes handicapées d'après celles de leurs conjoints, c'est faire disparaître leur handicap. Or, ce n'est pas parce qu'elles ont un conjoint que leur handicap disparaît. Aussi, ce n’est pas à leur conjoint d’assumer la charge du handicap. L’État se défausse sur lui et sur la solidarité familiale. Pour nous, la solidarité entre époux, qui date du code de Napoléon, est dépassée ; c’est la solidarité nationale qui doit jouer son rôle.

Et puis, dans ce calcul de l'AAH, une sorte de tutelle financière se met en place : l’adulte handicapé doit demander de l’argent de poche pour la moindre dépense. Ce déséquilibre qui fait peser la charge financière sur le conjoint et culpabiliser la personne en situation de handicap qui se ressent comme un poids, est un terreau de violence.

Les femmes sont les premières victimes de ces violences. La déconjugalisation, c'est avant tout pour les protéger, elles ?

C'est vrai que les femmes handicapées sont beaucoup plus victimes de violences, leur handicap en fait des proies faciles. Les époux peuvent utiliser la dépendance financière qu'elles subissent pour assoir leur domination, qui peut aller jusqu’à la violence psychologique et physique. Ces femmes sont maintenues dans une situation de subordination, d’infériorité. Et même si tout se passe bien, c’est comme si elles restaient éternellement mineures. 

Un minima social c’est censé être temporaire ; or une situation de handicap est durable."
Pascale Ribes

Pourquoi estimez-vous que l'AAH ne doit pas être considérée comme un minima social versé sous conditions de ressources, au même titre que le RSA ou les APL ?

L’AAH est un minima social juridiquement parlant, mais ça n’aurait jamais dû. Un minima social, c'est un filet de sécurité, c'est temporaire. Or, une situation de handicap est durable, pérenne, elle n’a pas de perspective d’amélioration. Plutôt qu'un minima social, nous souhaitons qu'elle soit un vrai revenu de remplacement pour des personnes en incapacité de travailler.

Comment jugez-vous le recours au vote bloqué du gouvernement pour ne pas faire voter les députés sur l'individualisation de l'AAH ?

Le vote bloqué, c’est un déni de démocratie, une atteinte grave à la démocratie parlementaire. Le gouvernement continue de refuser cette avancée sociétale pourtant voulue par la société civile et la majorité des parlementaires, c’est lamentable. La mécanique du vote bloqué est légale, certes, mais scandaleuse.


Justine FAURE

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