Profanations de cimetières : la vérité sur les chiffres

Publié le 18 février 2015 à 16h28
Profanations de cimetières : la vérité sur les chiffres

STATISTIQUES – Après la profanation dimanche du cimetière juif de Sarre-Union (Bas-Rhin), quatre autres dégradations de cimetières suscitent à leur tour l'indignation. Une soudaine recrudescence de ces actes criminels ou un effet de loupe médiatique ?

La profanation du cimetière juif de Sarre-Union, par sa grande ampleur et et le fait qu'elle s'inscrit dans un phénomène d'augmentation des actes antisémites, suscite une vive indignation depuis dimanche. Dans ce contexte, la dégradation deux jours plus tard d'un petit cimetière normand, où des croix et des objets funéraires ont été renversés, retient elle aussi l'attention médiatique et politique, à l'instar de Manuel Valls exprimant son "sentiment de dégoût". François Hollande l'a à son tour "fermement" condamnée mercredi, dénonçant (et révélant) dans un communiqué un autre "acte indigne", à Saint-Béat en Haute-Garonne, "où plusieurs crucifix et stèles ont été vandalisés". Rebelote quelques heures plus tard  : le ministère de l'Intérieur annonce que "des inscriptions de croix gammées ont également été relevées cette nuit à Challans (Vendée) et à Issoudun (Indre)".

"Une profanation tous les deux jours"

Cinq profanations coup sur coup, la concomitance peut étonner. Mais s'il ne s'agit pas de relativiser leur gravité et leur nature odieuse, on peut souligner qu'elles s'inscrivent dans un phénomène qui ne date pas d'hier. En 2010, un article du Figaro , révélant une note de la direction générale de la gendarmerie nationale, annonçait que "dans l'indifférence", "la France est le théâtre d'une profanation de cimetière tous les deux jours", "184 dégradations de sépultures" ayant été recensées en 2009. "Les faits perpétrés dans les cimetières sont pour l'essentiel des dégradations de stèles, d'ornementations et des inscriptions", soulignait Le Figaro en citant le rapport, qui précisait que les profanations recensées touchaient "très majoritairement des tombes chrétiennes ou des églises".

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Depuis, plusieurs questions écrites de députés ont interrogé le ministère de l'Intérieur sur ces chiffres. En avril 2013 , la place Beauvau répondait ainsi qu'en 2012, 191 cimetières chrétiens, 9 israélites et 1 musulman (contre 5 l'année précédente) avaient été visés. "De 2008 à 2012, il a été constaté une augmentation globale du nombre d'atteintes touchant les édifices religieux et les sépultures", poursuivait le ministère, précisant que les atteintes aux sites chrétiens (les sépultures mais aussi les édifices religieux) étaient "majoritaires mais proportionnellement en baisse, comparativement aux atteintes commises au préjudice des sites israélites et des sites musulmans".

Des chiffres difficilement comparables

Ces chiffres, que la "fachosphère" manipule souvent pour dénoncer une "christianophobie" ou, lorsqu'un cimetière juif ou musulman est visé, une "indignation sélective", sont toutefois à prendre avec des pincettes. Comme le ministère de l'Intérieur l'a mis en avant dans une autre réponse à un député, il y a un an, ces données doivent "être rapportées aux 40.000 cimetières que compte la France". Et il faut souligner que si les sépultures chrétiennes sont les plus touchées, c'est bien parce qu'elles sont beaucoup plus nombreuses.

Surtout, une question se pose : quelles sont les motivations des auteurs de profanations ? Comme l'a également noté la place Beauvau, la plupart des actes recensés "sont des dégradations, des vols d'objets ou encore des actes de simple vandalisme, dont les motivations apparaissent rarement fondées sur une idéologie précise." Pour les lieux juifs et musulmans en effet, les profanations revêtent un caractère raciste et antisémite. Mais dans la majorité des cas, elles sont l'œuvre, comme l'ont souligné plusieurs études dont ce rapport parlementaire de 2011 , de jeunes désœuvrés, pour la plupart mineurs, agissant "souvent en groupe du fait d’une consommation excessive d’alcool". "Les profanations motivées par une doctrine ou l'adhésion à une croyance telles que le satanisme ou celle d'une secte demeurent extrêmement rares", notait ainsi le rapport parlementaire. Des tombes légèrement dégradées de Saint-Béat à celles saccagées de Sarre-Union, où le "mobile antisémite" apparaît "clairement" selon le parquet, il est donc impossible de tout mettre sur le même plan.


Gilles DANIEL

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