Psycho : peut-on aimer être seul ?

Publié le 24 mai 2018 à 17h07, mis à jour le 18 août 2018 à 17h25
Psycho : peut-on aimer être seul ?

PARADOXE - Dans nos sociétés urbaines, la solitude est considérée comme une anomalie. Mais lorsqu’elle n'est pas subie et ne caractérise aucun abandon ou rejet, elle peut aussi se révéler une richesse, l'expression d'une nécessité impérieuse à l'heure de nos vies ultra-connectées.

Et si la solitude devenait votre meilleure amie ? L'idée peut sembler saugrenue, à contre-courant, dans une époque où chaque micro-événement intime doit être Facebooké, Twitté, Instagrammé, au vu et au su de tout le monde. Toutefois, le nombre de confessions des solitaires fiers-et-heureux-de-l'être se font entendre, alimentant de plus en plus de forums de discussion sur le Net et de témoignages dans les magazines psy. 

Il ne s'agit pas de cette solitude qui rend triste, inhérente à la vie (décès, séparation...) ou à l'évolution de la société (le paradoxe des nos réseaux sociaux qui nous rassemblent tout en nous éloignant). Cette solitude qui, pour le coup, préoccupe à raison partout dans le monde - en Grande-Bretagne, Theresa May a été jusqu'à nommer en janvier dernier une secrétaire d'Etat chargée des "personnes isolées" en réaction à une étude selon laquelle vivre seul et voir peu de monde augmenterait le risque de mourir d’une crise cardiaque ou d’AVC. 

Mais cette "solitude positive" qui rayonne, permettant à chacun de se ressourcer, et qui s'envisage comme une expérience de liberté nécessaire à une heure de sollicitation extrême de notre attention entre les pushs et autres notifications émanant du smartphone. 

La solitude est aussi nécessaire à la société que le silence au langage, l’air aux poumons et la nourriture au corps
Olivier Remaud, auteur de "Solitude volontaire"

Le psychologue clinicien Sina Dock nous assure que cette "solitude positive" s'avère tout à fait envisageable, pour ne pas dire salvatrice : "Cette richesse intérieure peut constituer une forteresse pour affronter le monde. En cela, se réfugier dans la solitude positive ne signifie pas se couper des autres, bien au contraire. Elle est nourricière, elle signifie 'se ressourcer', 'prendre soin de soi', 'répondre à ses besoins' pour autoriser le rapport à l'autre, pour communiquer de la manière la plus paisible." 

En d'autres termes, il est nécessaire d'apprivoiser cette solitude, d'en faire quelque chose et lui échapper à tout prix se révèle un effort illusoire. Pour citer Olivier Remaud, auteur de Solitude Volontaire, "la solitude est aussi nécessaire à la société que le silence au langage, l’air aux poumons et la nourriture au corps". 

Reste que peupler cette solitude, celle-là même qui nous permettrait par exemple d'échapper à la mélancolie du dimanche après-midi, n'est pas chose aisée. Interviewée par nos soins, Monique de Kermadec évoquait cet apprivoisement et parlait d'une "éducation de la solitude" : "Quand on est petit, on apprend à être seul. L’enfant va apprendre à jouer seul, et apprendre à puiser dans ses ressources pour ça. Il va se sentir en sécurité, parce qu’il joue avec ses parents et que l’adulte est proche. En grandissant, il va bien gérer sa solitude car il a intégré cette présence. L’enfant qui n’a jamais appris cela, part plus défavorablement." 

"Savoir être à soi"

Attention toutefois à ne pas tomber dans le cliché inverse : cette "joie de la solitude" ne concerne pas seulement des célibataires endurcis, fatigués par l'existence, agitant le "savoir être à soi" de Montaigne comme étendard culturel pour échapper aux affreuses contingences du monde adulte. "En couple aussi, on peut jouir d'une solitude", poursuit le psychologue : "Dans toutes les situations, que l'on soit en couple ou parent, il demeure important de garder le contact avec soi-même et il ne faut surtout pas culpabiliser ou assimiler cette soif de solitude à un acte égoïste. Au contraire ! Quand on vit en couple ou en famille, on finit par croire que l'on n'existe plus sans le regard de l'autre. Or, imposer son territoire de liberté dans l'espace du couple, dans l'espace familial est plus que bienvenu."

Bref, aucune honte à chérir cette solitude, c'est totalement sain. Et pour faire comprendre à votre entourage cette nécessité absolue, il importe de distinguer l’isolement, la désolation de cette "solitude positive". Histoire de dire une bonne fois pour toute que, oui, on peut "aimer être seul" (c'est-à-dire se connecter aux autres puis se déconnecter pour mieux se reconnecter), sans passer pour un affreux misanthrope rétif à la communauté humaine. 


Romain LE VERN

Tout
TF1 Info