"Le salaire ne vaut pas mon investissement" : la galère des salariés au Smic

par Audrey PARMENTIER
Publié le 3 février 2021 à 10h52, mis à jour le 3 février 2021 à 12h40
"Le salaire ne vaut pas mon investissement" : la galère des salariés au Smic

SOCIAL - En France, ils sont plus de deux millions à gagner le salaire minimum. La crise sanitaire a braqué l'attention sur ces travailleurs qui peinent à joindre les deux bouts. Ils se sont confiés dans l'émission "Sept à Huit".

"Vous êtes smicards et vous sentez Chanel, c'est classe quand même", plaisante Christine. Âgée de 57 ans, l'auxiliaire de vie à domicile dans le Var se parfume avec des échantillons gratuits donnés par ses clients. Chaque mois, Christine touche 1231 euros net, soit le Smic. "Le salaire n'équivaut pas à l'investissement que je mets dedans", avoue-t-elle. Si la quinquagénaire est heureuse de faire son travail estimant qu'elle offre "une vie plus belle" aux gens, elle rencontre des difficultés économiques ces dernières années. 

Invisibles ou dévalorisées, les activités de soin et de service aux personnes ont été mises en lumière lors de la crise sanitaire. Souvent, ces emplois sont occupés par des femmes socialement défavorisées et mal rémunérées. Comme Christine, deux millions de personnes sont payées au Smic en France. Au 1er janvier, le salaire minimum a été revalorisé de 0,99 % pour atteindre désormais 10,25 euros brut de l’heure (8,10 euros net), soit 1554,62 euros brut par mois pour un temps plein de 35 heures hebdomadaires. 

Les enfants sollicités pour les dépenses imprévues

Alors que le salaire minimum augmente peu, Christine est obligée de s'adapter pour joindre les deux bouts. Pour la quinquagénaire, le budget est très serré : un loyer de 430 euros (pour un 30 m²), auquel il faut ajouter les frais de téléphone, l'électricité et le carburant. Malgré la hausse de la prime d'activité (bonifiée d'environ 90 euros en 2019 pour les travailleurs au niveau du Smic), il ne lui reste que 300 euros pour les dépenses de la vie courante. "J'ai payé ce manteau deux euros et une amie m'a donné cette chemise", raconte-t-elle en dévoilant sa penderie. Et pour les imprévus ? Ses enfants la dépannent. Sa fille - également au Smic - lui a prêté 1500 euros pour changer de véhicule. Idem pour son fils qui lui a aussi avancé 1000 euros. 

Quand elle a divorcé de son mari, Christine touchait une pension alimentaire pour ses deux enfants. Quand ces derniers ont atteint la majorité, cette mère de famille a perdu cette aide précieuse et s'est retrouvée au bord de la précarité. "Ça peut arriver à tout le monde", admet-elle. Si l'auxiliaire de vie ne peut pas modifier le passé, elle tente d'appréhender l'avenir du mieux qu'elle peut. Consciente que son métier n'offre aucune perspective d'augmentation salariale, elle ne cache pas son inquiétude : "Je vais devoir travailler jusqu'à 67 ans si je veux obtenir une retraite à quatre chiffres", lâche Christine, entourée de ses enfants. 

L'impression de faire partie des oubliés

Christine n'est pas la seule active à devoir jongler entre son maigre salaire et ses dépenses. Mère célibataire de 43 ans, Céline est auxiliaire de nuit. Rémunérée au Smic, elle doit répondre aux besoins de ses deux adolescents. Si elle travaille 35 heures par semaine, son salaire couvre à peine de quoi s'offrir un train de vie convenable. D'autant plus dur, à ses yeux, qu'elle a le sentiment que "certains ont le droit au RSA et touchent presque plus que nous... ce qui leur permet de partir en vacances".

Difficile pour cette mère de famille de dissimuler sa colère alors qu'elle se retrousse les manches tous les matins. Céline a en effet l'impression de faire partie du camp des oubliés. Entre les aides aux logements, la prime d'activité et son salaire, cette femme active touche 2200 euros par mois. Un montant qui se retrouve bien vite englouti. Après déduction des charges fixes, il ne lui reste plus que 750 euros pour vivre avec ses deux enfants. "Je ne peux pas toucher de pension alimentaire, car le père est insolvable", précise-t-elle.

"Quand on est salarié, on n'a pas le droit aux aides"
Marie Fernandez, fondatrice d'une association qui apporte une aide alimentaire aux salariés

Pour nourrir toute sa famille, la quadragénaire se rend dans une association destinée aux salariés au bord de la précarité. Sur une petite table aménagée à la hâte, un panier de course d'une valeur de 65 euros attend cette mère de famille. À l'intérieur, des biscuits, du jambon "pour les sandwichs de son fils" ou encore les céréales préférées de sa fille. Céline devra seulement dépenser 5 euros pour ce panier bien garni. "Aujourd'hui, en France quand on est salarié, on n'a pas le droit aux aides", déplore Marie Fernandez qui a créé l'association il y a cinq ans. Grâce à cette initiative, elle a nourri plus de 175 familles de salariés. 

Souvent, les salariés au Smic ne peuvent pas avoir accès aux Restos du Cœur ou aux autres banques alimentaires. Alors il faut parfois être inventif pour ne pas tomber dans la pauvreté. Mère de trois enfants, Linda est devenue la reine des bons plans quand elle a perdu son travail il y a huit mois. Alors que son mari ne gagne que 1400 euros par mois, il fallait trouver des alternatives pour nourrir sa famille. 

Des heures consacrées à la recherche de bons plans

Linda consacre plus de vingt heures par semaine à la recherche de bons plans. Sa solution ? Cumuler chaque matin des coupons promos et des bons de réduction pour payer le moins possible une fois en la caisse. Par exemple, la jeune mère de famille a repéré un fromage sur lequel elle pouvait cumuler cinq réductions. "Je n'ai trouvé que cette solution pour gagner du pouvoir d'achat", avoue la jeune femme. En procédant ainsi sur chaque produit, son budget course a baissé de 70%. 

Résultat : pour la première fois depuis longtemps, Linda et son mari peuvent payer leur facture en temps et en heure. Cependant, le couple estime qu'il n'est pas normal de devoir s'appuyer sur ces tickets de réduction pour pouvoir s'en sortir. "On aimerait que le Smic soit plus haut", reconnait son mari. 


Audrey PARMENTIER

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