Scandale du Mediator, amiante : le "préjudice d'anxiété", c'est quoi ?

Publié le 2 février 2016 à 11h30
Scandale du Mediator, amiante : le "préjudice d'anxiété", c'est quoi ?

ZOOM - Le conseil des prud'hommes de Nancy se prononce ce mardi sur la plainte d'une centaine de salariés de la cristallerie Baccarat, formulée au titre d'un "préjudice d'anxiété", dû, selon les plaignants, à une exposition prolongée à l'amiante. La semaine dernière déjà, deux affaires relevaient de ce type de préjudice, relativement nouveau en droit. Mais de quoi parle-t-on au juste ? Eléments de réponse.

Qu'est-ce que c'est ?
Ce préjudice moral est une notion juridique assez nouvelle : la cour de Cassation l'a pour la première fois consacré dans un arrêt de mai 2010 , pour des salariés exposés à l'amiante. Ceux-ci "se trouvaient dans une inquiétude permanente face au risque de développement à tout moment d'une maladie liée à l'amiante et étaient amenés à subir des contrôles et examens réguliers propres à réactiver cette angoisse", expliquait alors la juridiction suprême. Autrement dit, il s'agit d'un préjudice hypothétique, comme une épée de Damoclès : les personnes qui le font valoir ne sont pas encore malades, mais vivent dans l'angoisse de l'être après avoir été exposées au risque.

Pourquoi on en parle aujourd'hui ?
Deux affaires ont, la semaine dernière, mis en lumière ce préjudice d'anxiété. Plus de 300 salariés et ex-salariés de Bosch demandaient réparation après avoir été exposés à l'amiante, l'usine du groupe dans laquelle ils travaillaient ayant fabriqué jusqu'au milieu des années 1990 des systèmes de freinage contenant cette substance très nocive, interdite en France depuis 1997. Un cas désormais classique, car c'est essentiellement au profit d'employés exposés à l'amiante qu'a jusqu'ici été reconnu ce préjudice.

La deuxième affaire concernait le Mediator  : une cinquantaine de personnes ayant pris cet anti-diabétique largement détourné comme coupe-faim, à l'origine notamment de graves lésions des valves cardiaques, faisaient valoir leur crainte de tomber malades pour demander réparation. Une première dans ce dossier, mais ce n'est pas le seul scandale sanitaire où le préjudice d'anxiété est en jeu : on a également vue cette notion dans celui des prothèses pip, du Distilbène ou des hormones de croissance . Ce mardi, c'est au tour d'une centaine de salariés de la cristallerie Baccarat de l'invoquer devant les prud'hommes de Nancy.

Quelles réparations ?
Dans l'affaire du Mediator, le Tribunal de Grande instance de Nanterre a finalement reconnu jeudi à 12 des plaignants le préjudice d'anxiété, notamment parce qu'ils en ont démontré la "réalité" via "un suivi médical contraignant dans les deux années suivant" l'arrêt de la prescription du médicament. Les laboratoires Servier ne devront toutefois leur verser à chacun que 1500 euros alors qu'ils en réclamaient 15.000, et les 38 autres, dont la demande était fondée sur la "seule crainte de développer une maladie grave", ont été déboutés.

De leur côté, les salariés et ex-salariés de l'usine Bosch de Saint-Barthélemy-d'Anjou, près d'Angers, recevront chacun 5000 euros de dommages et intérêts. Une somme un peu décevante pour leur avocat : "La jurisprudence de la cour d'appel de Paris dans ces cas-là est plutôt d'allouer 10.000 euros par tête", a-t-il réagi.

EN SAVOIR + >> Octobre 2015 : la justice reconnait pour la première fois la responsabilité de Servier


Gilles DANIEL

Tout
TF1 Info