Le Brexit va-t-il permettre aux migrants de quitter Calais pour le Royaume-Uni ?

par Matthieu JUBLIN
Publié le 18 janvier 2018 à 11h00, mis à jour le 18 janvier 2018 à 11h47
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Source : Sujet JT LCI

NÉGOCIATION - La question de la frontière sera au cœur du sommet franco-britannique ce jeudi 18 janvier. La France veut que le Royaume-Uni accueille davantage de mineurs isolés de Calais et facilite la réunification familiale, et le Brexit pourrait en fait faciliter la négociation. Explications.

Ironie du sort, alors que de nombreux Britanniques ont voté pour le Brexit afin que leur pays durcisse sa politique migratoire, c'est l'inverse qui pourrait se produire. Du moins, c'est l'intention du gouvernement français, qui affiche sa volonté de voir le Royaume-Uni accueillir davantage de mineurs isolés venus de Calais et davantage de migrants qui relèvent de la réunification familiale. Une requête qui semblait impensable avant le Brexit.

Mercredi, l'Élysée a annoncé "un nouveau traité" franco-britannique qui portera principalement sur les mineurs isolés, les demandes d'asile et le regroupement familial "avec des engagements précis de délais pour examiner les demandes en quelques jours". Un nouveau traité qui viendrait  "compléter les accords du Touquet", qui régissent actuellement la frontière franco-britannique.

Samedi, dans une interview au Parisien, le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb disait vouloir "aboutir à un protocole additionnel" aux accords du Touquet. Il a évoqué "des mesures concrètes de prise en charge d’un certain nombre de coûts par les Britanniques, ainsi que d’un plus grand nombre de personnes, au titre de l’accueil des réfugiés et des mineurs non accompagnés."

À l'heure actuelle, les accords du Touquet, signés en 2003, placent de facto la frontière à Calais, obligeant donc les migrants qui veulent déposer une demande d'asile au Royaume-Uni à traverser illégalement la Manche. Contacté par LCI lundi, le cabinet du ministre de l'Intérieur s'est refusé à donner toute précision sur ce que va concrètement demander la France : des quotas chiffrés d'accueil de migrants ? Un changement de législation britannique ? La mise en place de couloirs humanitaires ? Emmanuel Macron devrait y répondre jeudi, dit-on place Beauvau.

Le président de la République participera en effet au sommet franco-britannique, au cours duquel il devrait annoncer, aux côtés de la Première ministre britannique Theresa May, le contenu du "nouveau traité" qui complétera les accords de Touquet. Déjà présent à Calais mardi, Emmanuel Macron a défendu sa politique migratoire devant les acteurs locaux, alors que la situation est toujours aussi tendue sur place.

REPORTAGE - Emmanuel Macron très attendu à Calais sur la question des migrantsSource : JT 13h Semaine
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"Obligation légale"

Pour l'Auberge des migrants, qui a refusé de rencontrer Emmanuel Macron, les ambitions de Gérard Collomb "vont dans le bon sens". Pour autant, nuance son porte-parole Loan Torondel, "la réunification familiale n'est pas une nouveauté, c'est une obligation légale". Sur ce point, il estime que le Royaume-Uni ne respecte pas ses obligations d'accueil en imposant des critères trop restricitifs au regroupement des familles outre-Manche. 

"Renégocier les accords du Touquet quand le Royaume-Uni était dans l'Union européenne aurait ouvert une crise diplomatique", explique à LCI le chercheur François Gemenne, spécialiste des migrations. "Désormais, le Royaume-Uni apparaît tellement affaibli avec le Brexit que les demandes de Gérard Collomb peuvent aboutir. Tout dépend de la compensation", poursuit-il.

Un soutien pendant les négociations du Brexit ?

La France pourrait par exemple soutenir le Royaume-Uni sur certains points pendant la deuxième phase de négociation du Brexit, estime François Gemenne. Il évoque également d'autres hypothèses, comme la signature d'un accord de libre-échange entre les deux pays ou une réduction de la facture versée à la France pour financer les mesures de sécurisation de la frontière à Calais. Pour le chercheur, "si la France parvient à convaincre le Royaume-Uni d'accueillir les mineurs isolés et les migrants relevant de la réunification familiale, une grande partie des problèmes à Calais serait résolue". Et dans cette optique, la France dispose d'un argument de poids : "Si Emmanuel Macron dénonce les accords du Touquet, les migrants ne seraient plus bloqués à Calais mais de l'autre côté de la Manche", relève-t-il.

Un cas de figure évoqué par Emmanuel Macron dès mars 2016. Le président de la région Hauts-de-France Xavier Bertrand milite également pour une dénonciation de ces accords. Mais, affirme Le Monde, le gouvernement ne souhaiterait plus utiliser cette menace extrême pour faire pression sur Londres. Réponse jeudi.


Matthieu JUBLIN

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