Soutenus par leur prof, trois lycéens attaquent l'Etat en justice après des "contrôles au faciès"

par Youen TANGUY
Publié le 10 avril 2017 à 17h54, mis à jour le 10 avril 2017 à 18h06
Soutenus par leur prof, trois lycéens attaquent l'Etat en justice après des "contrôles au faciès"

SORTIE CONTRÔLÉE - En mars dernier, Elise Boscherel avait vivement dénoncé les "contrôles au faciès" dont auraient été victimes trois de ses élèves à Paris, au retour d'une sortie scolaire. Ce lundi, ils ont annoncé leur intention d'attaquer l'Etat en justice et de saisir le Défenseur des Droits.

Elise Boscherel ne baissera pas les bras. Après avoir lancé un appel au corps enseignant il y a quelques semaines, cette enseignante au lycée professionnel Louise-Michel d'Epinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis) organisait ce lundi une conférence de presse aux côtés de trois de ses élèves, Ilyas, Mamadou et Zakaria et de Me Slim Ben Achour. La raison ? Les lycéens souhaitent attaquer l'Etat en justice après avoir été (selon leurs dires) victimes de "contrôles au faciès". Ils entendent également saisir le Défenseur des Droits Jacques Toubon.

Les faits se seraient déroulés le 1er mars dernier à la Gare du Nord, à Paris. Elise Boscherel et les 18 élèves de sa classe de terminale reviennent d'un voyage scolaire de deux jours à Bruxelles. Mais à peine le pied posé sur le quai, deux policiers arrêtent l'un d'entre eux. "L'un de mes élèves tirait sa valise sur le quai et s'est fait interpeller par deux fonctionnaires de police, témoigne l'enseignante devant la caméra de Speech. Le temps que le contrôle se termine, on a rejoint le reste du groupe dans le hall. Deux autres élèves se faisaient contrôler". 

Je me suis fait contrôler parce que je suis jeune et je suis black
Mamadou

Cette dernière, professeure en lettres et géographie, assure qu'il ne s'agit ni plus ni moins que d'un contrôle au faciès. "Le premier élève était d’origine marocaine, le deuxième malienne et le troisième comorienne", lâche-t-elle avant d'ajouter : "on n’a pas cessé de demander aux policiers pourquoi ils se faisaient contrôler". Leur réponse ? "On fait juste notre travail". 

Un avis partagé par Mamadou, un des lycéens contrôlés. "Je me suis fait contrôler parce que je suis jeune et je suis black, a-t-il regretté devant une dizaine de journalistes. Mon père a vécu la même chose jeune. Si ça n'a pas changé depuis ce sera la même chose pour mes enfants. Je ne l'accepte pas." 

Mais ce qui a surtout choqué les élèves, c'est la façon dont les policiers se sont adressés à l'enseignante. "Ils ne peuvent pas vous parler comme ça", s'étaient insurgés les lycéens.

L'Etat déjà condamné en novembre

Pour leur avocat, Me Slim Ben Achour, le problème est double. "L’école c’est le creuset de notre République, insiste Me Slim Ben Achour, interrogé par LCI. Malgré le cadre de la sortie scolaire, a priori sécurisant pour les policiers, ils n’ont pas hésité à écarter la professeure et l’assistant pour procéder à des contrôles que mes clients considèrent comme au faciès." 

Ce dernier se dit confiant et a bon espoir de faire condamner l'Etat. "En novembre dernier, la Cour de cassation avait déjà condamné l'État pour des contrôles d'identité au faciès", rappelle-t-il. A l'époque, la plus haute juridiction avait estimé "qu'un contrôle d’identité fondé sur des caractéristiques physiques associées à une origine réelle ou supposée, sans aucune justification objective préalable" constituait "une faute lourde".

Dès le lendemain de l'affaire de la Gare du Nord, Elise Boscherel avait déjà lancé un appel à "tous les personnels d'éducation" afin qu'ils portent plainte "auprès d'un commissariat étranger à l’affaire ou du procureur de la République, de l’IGPN et, en tout état de cause, auprès du Défenseur des droits, à chaque fois que [leurs] élèves sont discriminés dans le cadre de sorties scolaires". Et de conclure : "Ces contrôles ne doivent pas devenir une banalité".


Youen TANGUY

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