Strasbourg : vivre dans la première tour à énergie positive au monde, ça change quoi ?

par Charlotte ANGLADE
Publié le 26 juin 2018 à 16h03, mis à jour le 26 juin 2018 à 17h17
Strasbourg : vivre dans la première tour à énergie positive au monde, ça change quoi ?

DU VERT DANS LA VILLE - La tour Elithis Danube, premier édifice d'habitations à produire plus d'énergie qu'il n'en consomme, a été inaugurée vendredi 15 juin. Nous avons pu rencontrer l'un de ses locataires. Convaincu par son nouveau mode de vie, il nous a fait visiter son appartement.

Avec ses cinquante-sept mètres de haut et ses seize étages, la tour Elithis domine l'éco-quartier Danube, au sud-est de Strasbourg. L'édifice noir et argent à la silhouette graphique est le premier bâtiment à énergie positive du monde. Autrement dit, il parvient à produire plus d'énergie qu'il n'en consomme, malgré la centaine de résidents qu'il abrite et ses 800 mètres carrés de bureaux. Adrien Kirch, professeur de physique-chimie dans un collège, est l'un des locataires. Nous avons rencontré ce trentenaire au saut du lit, avant sa journée de travail.

Adrien habite avec sa compagne au quatorzième étage de l'immeuble flambant neuf. Il a emménagé en mars. C'est à 9h du matin que nous empruntons l'ascenseur et sonnons à sa porte, l'une des quatre du palier. Il nous ouvre, vêtu d'un polo, d'un short et de claquettes noires. Après nous avoir souhaité la bienvenue, le maître des lieux nous guide au bout du couloir, vers la pièce principale. Le salon au parquet clair est décoré avec soin. La table à manger, qui jouxte une cuisine ouverte, est agrémentée d'un joli bouquet de pivoines rose pâle. Mais ici, c'est surtout la clarté qui frappe. La pièce est baignée par la lumière d'une immense baie vitrée. A travers le double-vitrage entrecoupé de panneaux solaires semi-transparents, Strasbourg se dévoile. Ses maisons, ses immeubles, ses parcs... Tout autour de la tour, de nombreuses grues. L'éco-quartier Danube n'en est qu'à ses balbutiements.

Ça nous motive à être encore plus écologiques
Adrien Kirch, locataire de la tour Elithis

Campé au milieu de la pièce, Adrien ne cache pas sa fierté. "Je suis quand même dans la plus belle tour de Strasbourg. La plus écologique, la plus économique." Pour son trois-pièces de 78m², il débourse chaque mois 1126 euros. Un loyer dans la fourchette haute de ce que l'on peut trouver dans la ville, mais dans la moyenne, nous précise-t-il. Pour le moment, la tour, gérée par l'agence Gest'Home, n'accueille que des locataires. Ce qui permet un meilleur contrôle de résidents. La tour ne sera en effet éco-positive que si ses habitants jouent le jeu et contrôlent leur consommation. Avec des propriétaires, s'en assurer est un peu plus compliqué.

Du côté d'Adrien, "l'effet Elithis" semble plutôt bien fonctionner. Le trentenaire nous dit avoir adopté un nouveau mode de vie, plus vert. Pourtant, rien n'était gagné pour celui qui n'avait pas fondamentalement la fibre écologique. Aujourd'hui, il s'est mis à faire du compost avec ses déchets verts et va au travail à vélo trois fois par semaine. "J'ai commencé à moins utiliser ma voiture. Si je peux éviter mes déplacements avec, je limite. Ce que je ne faisais pas forcément avant. C'est vrai que d'habiter ici, ça nous motive à être encore plus écologiques", concède-t-il.

Ce qui était très intéressant dans ce projet, c'était la promesse d'une facture énergétique à zéro euro
Adrien Kirch, locataire de la tour Elithis

Mais au-delà du compost et du vélo, l'écologie se pratique aussi dans la gestion de l'énergie. De nombreux éléments de l'appartement sont ainsi gérés grâce à la domotique. "Vous pouvez programmer le chauffage, allumer et éteindre les lumières et ouvrir ou fermer les volets à distance grâce à une application", nous explique Adrien tout en faisant une démonstration grâce à l'assistant domotique conçu par Elithis et installé sur son ordinateur portable. Dans le couloir du logement, une tablette fixée au mur permet aussi de contrôler tous ces paramètres.

"Ce qui était très intéressant dans ce projet, c'était la promesse d'une facture énergétique à zéro euro ou au maximum 80 euros par an", témoigne l'occupant des lieux. "Ce n'est pas négligeable quand vous savez que vous payez quasiment un loyer en facture d'énergie. Là mon bilan c'est  de -207 euros", dit-il en nous montrant la preuve sur l'écran de son ordinateur. Si cet argent ne lui sera pas littéralement remboursé, il recevra de la part du promoteur, comme tous les locataires exemplaires, des Stück. La monnaie locale strasbourgeoise.

Une autre source de revenus se cache pour les locataires derrière les 790m² de panneaux solaires qui ornent la façade de leur immeuble. L'électricité produite par ceux-ci n'est pas directement utilisée par les occupants, mais est revendue à une filière d'EDF, ÉS (Énergie de Strasbourg). L'argent du dispositif, transformé en prime, sera reversée à chacun des foyers. Selon les premières estimations du promoteur, le bonus devrait s'élever à environ 80 euros.

Une conception écologique et économique

La tour du quartier Danube est inspirée d'un bâtiment dijonnais construit par Elithis pour abriter son siège et inauguré en 2009. Conçu avec des matériaux plus récents et plus performants, l'édifice strasbourgeois produit 90,3 kilowatts/heure d’énergie primaire par mètre carré et par an (kWhep/m2.an) grâce à l’électricité photovoltaïque, pour une consommation de 80,8 kWhep/m2.an. Ses 20 centimètres de laine de verre sur les parois et sa forme "en aile d'avion", qui limite la prise au vent et maximise l'exposition au soleil, renforcent d'autant plus ses performances énergétiques.

Comble de cette prouesse architecturale, le coût de construction de ce bâtiment s'est révélé moins élevé, grâce aux matériaux choisis, que celui d'un bâtiment classique ou BBC (bâtiment basse consommation). Ainsi, le prix au mètre carré atteint 4.364 euros au sein des 63 logements, contre 4.700 dans les Black Swans, un ensemble de trois tours d'habitation BBC construit juste en face de la tour Elithis Danube. Aujourd'hui, Elithis compte multiplier les projets de ce genre en France et à l'étranger et souhaite que d'autres entreprises s'inspirent de leur initiative. Pour qu'un jour, peut-être, les villes ne soient plus synonymes de pollution.


Charlotte ANGLADE

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