Catherine Coutelle, à l'origine de l'extension du délit d'entrave à l'IVG : "En 2017, on a entendu les mêmes arguments que Simone Veil en 1975"

Propos recueillis par Anaïs Condomines
Publié le 16 février 2017 à 14h32, mis à jour le 16 février 2017 à 14h59
Catherine Coutelle, à l'origine de l'extension du délit d'entrave à l'IVG : "En 2017, on a entendu les mêmes arguments que Simone Veil en 1975"
Source : Sipa Press

INTERVIEW - Catherine Coutelle, rapporteure de la proposition de loi sur l'extension du délit d'entrave à l'IVG a répondu aux questions de LCI dans la foulée de l'adoption définitive du texte. Et évoque avec nous le dernier combat de sa carrière de parlementaire.

Elle termine sa carrière sur une victoire. La députée PS de la Vienne Catherine Coutelle, qui a décidé de partir en retraite à la fin de cette mandature, a assisté ce jeudi 16 février à l'adoption définitive de son dernier combat parlementaire : l'extension du délit d'entrave à l'IVG. 

Déposée en novembre dernier, cette proposition de loi a suscité un débat mouvementé. Adopté malgré tout en première et deuxième lectures dans un Sénat acquis à la droite, le texte s'est retrouvé au coeur d'un désaccord profond que même la commission mixte paritaire, en janvier, n'a su résoudre. Véritable "limitation à la liberté d'expression" pour ses détracteurs, garantie de conserver intact le choix des femmes enceintes pour ses défenseurs, cette loi permettra désormais aux internautes qui se sentent flouées de poursuivre en justice les auteurs de sites désinformatifs sur l'IVG.  

L'adoption de l'extension du délit d'entrave à l'IVG, c'est une page qui se tourne. Dans quel état d'esprit êtes vous ?

Je suis très heureuse d’avoir complété le délit d’entrave et de l’avoir étendu aux sites désinformatifs sur internet. C’est le texte de l’Assemblée qui a été adopté et non la version votée par le Sénat. Selon moi, elle est plus précise : elle indique notamment que le texte porte sur tous les moyens d’entrave 'y compris sur Internet' et elle montre bien que les victimes ont désormais la possibilité de se retourner contre ces plateformes qui avancent masquées, si elles s’estiment trompées. Encore une fois, je le redis, il ne s’agit en aucun cas de supprimer ces sites.

Vous attendiez-vous à rencontrer tant de réticences, tant d'objections ?

Non, je suis vraiment étonnée qu’en 2017 continue de s'exprimer une vision si rétrograde de la société, une conception si traditionnelle de la famille. Cela m’avait déjà frappée, en 2014, au cours des débats sur la suppression de la notion de détresse et du délai de réflexion dans la loi sur l’avortement. Je ne m’imaginais pas qu’on puisse entendre, encore aujourd’hui, les mêmes propos qui étaient déjà tenus en 1975 face à Simone Veil. Et le pire, c’est que ces positions peuvent se retrouver au pouvoir dans certains pays : il suffit de regarder ce qui se passe pour les droits des femmes aux Etats-Unis, en Pologne ou encore en Espagne. 

J’ai aussi été interpellée par l’absence des femmes sur les bancs de la droite, pendant les débats. Je sais qu’il y a pourtant des élues Les Républicains qui partagent nos convictions. Où étaient-elles ? J’ai l’impression que la droite, sur ce sujet spécifique du délit d’entrave, a tenu à mettre en avant sa frange la plus extrême, la plus conservatrice. Elle était en l’occurrence incarnée par des hommes. 

Quels sont, selon vous, les prochains combats à mener en matière de droits des femmes ?

Il en reste tant à mener encore. L’égalité professionnelle est encore un vaste chantier. Il faudrait revoir l’égalité des postes et la place des femmes dans les médias. De la même manière, continuons à travailler sur l’image de la femme dans la société et la lutte contre le sexisme, partout. Il n’y a pas de petit combat et il ne faut rien laisser passer. De mon côté, l’extension du délit d’entrave était l’une de mes dernières batailles, car je ne me représente pas : je prends ma retraite. J’aimerais à présent passer le flambeau aux nouvelles féministes : elles sont nombreuses, à l’image des Glorieuses ou des militantes derrière les Tumblr comme ‘Paye ta Schnek’. 

Délit d'entrave à l'IVG : les évêques opposés au délit d'entrave souhaité par le gouvernementSource : Sujet JT LCI
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Propos recueillis par Anaïs Condomines

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