Vacances de printemps : les stations de ski rient, les profs pleurent

par Sibylle LAURENT
Publié le 7 avril 2016 à 18h15
Vacances de printemps : les stations de ski rient, les profs pleurent

PREMIER BILAN - Cette année, les vacances de printemps sont avancées pour tout le monde. Une nouveauté applaudie par les stations de ski, qui peuvent prolonger l'hiver. Mais pour les élèves et leurs professeurs, cette réforme crée un véritable tunnel de cours jusqu’aux vacances d’été : de 10 à 12 semaines sans répit, selon les zones. Du jamais vu.

"La fin de l’année va être très longue. On va souffrir." Aurélia est prof dans l’académie de Nice. Et alors que les Parisiens reviennent tout juste de leurs vacances de février, elle est en déjà vacances de printemps, depuis une semaine. Pas pour lui déplaire, sauf qu’après, elle s’engouffre dans un tunnel, jusqu’aux vacances d'été, le 5-6 juillet : soit douze semaines de cours. Du jamais-vu. "C’est un truc de fou, on a rarement plus de sept semaines d’affilée", s’indigne Aurélia. Dans son établissement, tous s’inquiètent. "En fait, on ne réalise pas encore, parce qu’on n’a jamais vu ça."

Cette course de fond dans les établissements scolaires, surtout de la zone A, est la conséquence du nouveau calendrier scolaire, dessiné l’an dernier par le ministère de l’Education nationale et qui s’applique pour la première fois cette année. Pour satisfaire l’industrie du tourisme et du ski, les vacances de printemps ont été avancées d’une semaine.

"Un seuil psychologique"

Sans surprise, les stations de ski réalisent en effet la majeure partie de leur chiffre d’affaires en hiver - qui s'étend pour certaines jusqu'à début mai. D'après les chiffres d’Atout France, 7 millions de touristes viennent ainsi en hiver en Savoie, contre 2 millions en été. En outre, sur la saison blanche, les touristes dépensent deux fois d'argent : 109 euros par personne et par jour, contre 45 en été. Avancer la date des vacances de printemps constitue effectivement une bonne nouvelle pour les professionnels du secteur. D'autant qu'"il y a aussi un seuil psychologique", explique-t-on à la station de Val-Thorens. "Au mois de mai, les vacanciers sont plutôt tentés par des destinations chaudes."

Un calendrier "irresponsable"

Et, après tout, qu’est-ce qu’une semaine ? Le décalage a pourtant des conséquences très directes en classe. Pour Aurélia, le deuxième semestre a été court. "On a repris le travail et on s’est retrouvé en vacances. Clairement, ce deuxième trimestre a été bâclé." Surtout, elle appréhende la fin de l’année et ce long tunnel qui s’approche. "En fin d’année, les élèves sont démotivés. Et là, ils seront en plus fatigués, ils vont être surexcités, râler… Plus ils sont comme ça, plus c’est dur à gérer pour le prof."

Pour le Snes-FSU, principal syndicat d’enseignant du supérieur, ce calendrier est même "irresponsable" : "Une séquence de douze semaines, c’est énorme !", peste Roland Hubert, secrétaire général. "C’est un vrai un sujet d’inquiétude, dans le premier degré comme dans le collège." Mais ça, le syndicat l’avait déjà clamé il y a un an, quand le ministère planchait sur les modifications de ce calendrier. "C’est incohérent. Cela a été dit et redit par le Conseil supérieur de l’éducation. On n’a reçu aucune réponse. Qu’est-ce qui prime pour le calendrier ? Les besoins de l’école et les rythmes des enfants ou l'économie ? Je crois qu’ils ont tranché."

Des chiffres prévisionnels "tout à fait excellents"

Et l’or blanc dans tout ça ? Est-il tombé par pelletées ? Ces vacances avancées, c’est "clairement un coup de pouce", reconnaît-on à Val-Thorens, station qui ferme ses portes le plus tard, début mai. "Quinze jours de vacances, c’est déterminant sur le fonctionnement de toute une station : les commerces, les hôteliers, les saisonniers."

Toutefois, tient à rappeler Laurent Reynaud, directeur général de Domaine Skiable de France, tout n'est pas affaire de lobbying : "On revient à un schéma historique qui avait disparu en 2009, mais qui convenait à tout le monde. C’était d’ailleurs demandé par tous les professionnels du tourisme, ceux du littoral comme ceux du ski."

Avant 2009, les congés de printemps représentaient 8% du chiffre d’affaires de la saison d’hiver. Avant de s’écrouler à 2% quand les vacances ont été repoussées. Alors cette année, les professionnels du ski, en l’occurrence, sont heureux : "Les chiffres prévisionnels nous montrent que c’est tout à fait excellent et les effets escomptés sont au rendez-vous", se réjouit Laurent Reynaud. D'après Savoie Mont Blanc Tourisme, première destination montagne des Français, le taux de remplissage prévisionnel des hébergements sur ses 110 stations atteint pour l'instant 24%, soit une progression de 9 points par rapport à 2015. Et en plus, la neige est toujours là. 

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Sibylle LAURENT

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