"Un licenciement collectif se prépare, visiblement" : les salariés Vélib’ grévistes craignent pour leur poste

par Sibylle LAURENT
Publié le 24 mai 2018 à 20h21, mis à jour le 24 mai 2018 à 21h09
"Un licenciement collectif se prépare, visiblement" : les salariés Vélib’ grévistes craignent pour leur poste

CONFLIT - Une quarantaine de salariés de Vélib' en grève ont reçu mercredi des convocations pour entretien préalable, début juin. De son côté, l’opérateur Smovengo indique vouloir des "éclaircissements" à des "absences injustifiées".

"On a reçu aujourd’hui des convocations pour un entretien préalable. Un licenciement collectif se prépare, visiblement." Ils étaient dépités, écoeurés, hier mercredi, les salariés Vélib’ en évoquant cette nouvelle. "On est déçus par la direction, et pessimistes pour l’avenir de Vélib’", confesse un employé à LCI. "Avec de telles méthodes de management, c’est de bien mauvais augure pour la suite." 

En effet, depuis un mois et demi que les salariés Smovengo sont en grève pour dénoncer les salaires et les conditions de travail, ils évoquent des "pressions constantes" de la direction de Smovengo, l’opérateur en charge du déploiement des nouveaux Vélib’ en Ile-de-France. 

Menaces de licenciements

Les salariés en grève ont d’abord évoqué le recours de la société à des intérimaires. Puis ils ont reçu des assignations en justice : leur employeur Smovengo contestait la légalité de cette grève, au motif que le Vélib' étant assimilable à un service public, les salariés devaient respecter un préavis de cinq jours avant d'entamer leur grève, ce qui n’a pas été fait. Smovengo demandait l’expulsion des deux sites où ils tiennent des piquets de grève, à Alfortville et à Villeneuve-la-Garenne.

Après la décision de justice, les salariés ont évoqué des "mails menaçants" des DRH, pour demander aux salariés grévistes de reprendre le travail. Aujourd’hui, ils craignent donc un licenciement collectif. 

Pour preuve, ces lettres de convocation pour entretien préalable, reçues, selon nos informations, par une quarantaine de salariés. L’énoncé est on ne peut plus clair : "Nous vous informons que nous sommes amenés à envisager à votre égard une éventuelle sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement", est-il écrit. 

Des "absences injustifiées" pour Smovengo

Si les salariés se disent "déçus", l'opérateur Smovengo, lui, invoque le fait de vouloir des "éclaircissements" sur des "absences injustifiées". 

Si depuis le début de la grève le 17 avril dernier, les salariés dénoncent l'absence de dialogue social, tout se joue autour de cette ordonnance rendue par le juge, le 14 mai : les interprétations entre salariés et direction divergent, n’ayant pas la même lecture de la décision judiciaire. 

Le tribunal de grande instance de Paris avait estimé, que la grève menée était "illicite", faute de préavis. Pour Smovengo, cette décision signifie que le travail doit être repris. Et qu’un "certain nombre de grévistes n’ont pas repris le travail et de ce fait sont en absence injustifiée". D'où la convocation "pour avoir un éclaircissement à ces absences". L’opérateur insiste sur le fait qu'il "respecte le droit de grève et entend le faire respecter". 

Mais les grévistes estiment au contraire que rien ne leur est notifié dans cette ordonnance. "Le tribunal ne tire aucune conséquence", avait décrypté pour LCI Me Thierry Renard, qui défend les intérêts d’une partie des salariés. Le tribunal ordonnait en revanche aux salariés participant au mouvement de grève de "cesser tout agissement constitutif d’atteintes à la liberté du travail, notamment par tous moyens de blocages de personnes ou de véhicules, aux entrées ou aux sorties des deux sites de travail", ce que les agents estiment avoir fait.

Entretiens préalables les 4 et 5 juin prochain

Ils ont depuis multiplié les rassemblements, et demandé une médiation, dernier recours selon eux pour sortir de ce "bourbier".

D’où leur "déception" en recevant ces lettres. "Le dialogue social chez Smovengo passe par des huissiers, des assignations au tribunal et un recours aux intérimaires pour contourner le droit de grèves des salariés", déplore un agent. Pour lui, "la direction se met à dos les usagers, des élus, et ses propres salariés. Les erreurs stratégiques s’enchaînent depuis janvier et semblent ne jamais prendre fin."

 

Quelle porte de sortie, maintenant ? La nomination d'un médiateur se profile. Le Syndicat d'élus gestionnaire Autolib' Vélib' Métropole, a en effet indiqué qu'il serait "prêt à intervenir dès que les salariés auront déposé un préavis de grève en bonne et due forme respectant les 5 jours de préavis". Les salariés qui ont reçu des lettres, eux, sont convoqués pour des entretiens les 4 et 5 juin prochain. "C’est proche. On espère que la médiation va régler le conflit avant", commente un salarié à LCI.

De son côté, Smovengo, qui connaît de très importants ratés dans le déploiement de son système de vélo, a fait un nouveau point d’étape vendredi dernier. Il assure qu’un total de 699 stations de Vélib' et quelque 7.000 vélos étaient en service à Paris, et réaffirmé son objectif de 800 stations opérationnelles fin juin. Le "plan d'urgence", la phase 1 d'un plan pour sortir de la crise, est ainsi "achevée", assure Smovengo, qui a indiqué par ailleurs que le mouvement de grève actuel avait une "incidence mais pas d'impact direct et mesurable" sur le déploiement du service.


Sibylle LAURENT

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