Victime d'inceste, Colombine témoigne : "Quand on a 14 ans, que voulez-vous comprendre ?"

Anaïs Condomines
Publié le 16 décembre 2015 à 16h11
Victime d'inceste, Colombine témoigne : "Quand on a 14 ans, que voulez-vous comprendre ?"

TEMOIGNAGE - Colombine avait 14 ans quand son père a abusé d'elle et de sa sœur. Aujourd'hui, elle raconte son calvaire à "metronews" afin de briser le tabou de l'inceste.

Elle l’appelle son "géniteur". Colombine, 32 ans, ne veut plus nommer "père" celui qui l’a violée et prostituée, elle et sa sœur, alors que toutes deux n’étaient encore que des adolescentes. Comme elles, 4 millions de Français seraient victimes d’inceste, selon l'enquête de l'institut Harris Interactive dévoilée mercredi par l'association internationale des victimes d'inceste. Alors aujourd’hui, Colombine accepte de nous parler à visage et à nom découverts. "Pour que ça cesse, pour que les tabous tombent."

L’histoire se passe dans une commune du Nord, en 1996. Privées de la présence d’une maman dépressive - qui décédera quelques années plus tard - Colombine et sa sœur grandissent séparément, en famille d’accueil. A l’âge de 14 et 15 ans respectivement, elles décident de retourner vivre chez leur père. Mais ce n’est pas dans cette maison que leur rêve d’une famille unie prendra forme. "Ça s’est passé le premier soir", confie Colombine à metronews. "Il m’a violée dès que je suis arrivée".

"Ma sœur était sous emprise"

L’horreur n’en restera pas là. Pendant des mois, le père des deux adolescentes fait venir des hommes sous son toit. "Ils avaient des relations sexuelles avec nous, parfois ensemble, parfois séparément. C’était sa petite copine de l’époque qui tenait les comptes", se souvient Colombine. De temps à autres, il arrive que le tout se déroule sous l’œil de caméras. Internet n’en est alors qu’à ses balbutiements, mais sa mémoire, déjà, est redoutable. "Aujourd’hui, il y a encore des vidéos et des photos de moi qui circulent sur le net", confie Colombine.

Plongées dans cet enfer familial, les sœurs, paralysées, se taisent. "Un jour, il m’a dit : ‘tu deviens ma fille, parce que tu fais ce que je te demande’" se souvient-elle. "Il était en train de me violer, quand il a dit ça. C’est une phrase qui m’a beaucoup perturbée et qui me perturbe encore. Quand on a 14 ans, que voulez-vous comprendre ?" Elle poursuit : "Ma sœur, elle, était complètement sous emprise. A la maison, on appelait notre géniteur par son prénom, il ne voulait pas qu’on l’appelle papa. Je pense qu’elle le voyait plus comme un petit-ami que comme un père."

18 ans de prison

Les deux jeunes filles finissent par repartir en foyer. Leur calvaire aura duré un an. Commence alors une autre bataille, celle de la justice. Un jour d’été 1997, Colombine discute avec une amie du foyer. Et soudain, la bombe est lâchée : "Toi t’es pas pareille que moi, parce que je couche avec mon père", s’entend-elle dire. Encadrée par des éducateurs spécialisés, la jeune femme est alors poussée à porter plainte, bientôt rejointe par sa sœur. Détenu mais transféré à l’hôpital, leur père n’assistera pas à son procès. Ce qui ne l’empêchera pas d’être condamné en 1997 à 18 ans de prison pour viols, proxénétisme aggravé et agression sexuelle sur mineurs par ascendant. Mi-2014, il est sorti de prison.

Mais pour Colombine, la vie continue malgré tout. Maman de deux enfants, récemment divorcée, elle a changé de région et conduit aujourd’hui des cars de tourisme. A mi-voix, elle avoue qu’il lui est toujours impossible de "faire confiance à un homme", que toujours "blessée et meurtrie", elle continue malgré tout à "se battre", pour montrer aux autres victimes d’inceste qu’il "faut parler et porter plainte". Sa sœur, elle, a baissé les bras. En 2011, elle a choisi de mettre fin à ses jours.

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