Enquête : votre département est-il bien doté en vaccins ?

Virginie Fauroux et Mathilde Verron
Publié le 16 février 2021 à 18h17

Source : TF1 Info

ENQUÊTE - Selon le gouvernement, les doses sont réparties sur le territoire en fonction du nombre d’habitants éligibles à la vaccination. Mais le compte n’y est pas, révèle une enquête du 20H de TF1. Certains départements sont bien moins dotés que d’autres.

Mise à jour du 16/02/2021

Initialement publiée le 14 février, cette enquête a été actualisée pour y intégrer des précisions apportées par la Direction générale de la santé (DGS), sur lesquelles nous revenons en fin d'article.

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Pour les habitants de Dole, dans le Jura, c’est un sacré clin d’œil de l’histoire. Il y a 200 ans, leur ville a vu naître Louis Pasteur. Aujourd’hui, elle est l’une des plus avancées en France dans la vaccination contre le Covid-19. Son centre tourne à plein régime, sous le regard ravi de son maire, Jean-Baptiste Gagnoux. "On vaccine quatre personnes toutes les huit minutes. Cela devrait nous permettre d’avoir touché toutes les personnes éligibles sur notre territoire dans les prochains jours", se félicite-t-il.

La recette du succès, selon l'édile, c'est avant tout une mobilisation très forte, et très tôt, pour demander des doses. Le centre de vaccination de Dole est le premier de toute la région Bourgogne-Franche-Comté à avoir ouvert ses portes. "Avec un certain nombre de maires de la région, on avait fait pression sur l'État pour obtenir des vaccins très vite. Et puis, on a été à chaque fois opérationnels dès que le ministère autorisait la vaccination", explique-t-il. Résultat : le Jura est le territoire le plus vacciné de France, plus de la moitié de sa population éligible à la vaccination a pu recevoir une première injection. 

Une dotation inégale selon les territoires

Mais tous les territoires ne sont pas à égalité dans leur dotation en vaccins. Loin de là. C’est ce que révèle l'enquête menée par le 20H de TF1. Selon le ministère de la Santé, deux critères sont pris en compte pour répartir les doses d’un département à un autre : le nombre de personnes de plus de 75 ans, et le nombre de professionnels de santé de plus de 50 ans, ou avec des comorbidités.

 

Nous avons recensé ces populations dans chaque département, à partir des données de l’Insee et du ministère de la Santé. Puis, fait la somme, pour chaque territoire, de toutes les livraisons de vaccins ayant eu lieu, ou prévues jusqu'au 22 février (des données susceptibles d'avoir évolué depuis notre enquête, de nouveaux chiffres de livraisons de vaccins étant régulièrement publiés sur le site data.gouv). Enfin, nous avons comparé les deux. Par exemple, la Gironde, dans la moyenne, compte 174.734 habitants éligibles, et 114.065 doses. Soit environ 65 doses pour 100 habitants éligibles. 

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Nous n’avons pas de données réelles et concrètes sur la dotation régionale ou départementale de doses
Geneviève Levy, députée du Var

À l’échelle nationale, des disparités importantes apparaissent, sans que l’on puisse les expliquer. Tout en haut du classement, le département du Jura affiche 106 doses pour 100 habitants éligibles, quand sa voisine la Saône-et-Loire n’en a obtenu que 50 pour 100 personnes éligibles. Le département aurait-il tardé à réagir ? Le préfet conteste : "Les services de l’État sont pleinement mobilisés. Je n’ai pas l’impression qu’on soit en retard par rapport aux départements voisins." L’Agence régionale de Bourgogne-Franche-Comté n’a pas souhaité nous répondre pour expliquer ces écarts d’un département à un autre. 

À l’échelle régionale, le territoire est pourtant le mieux doté en vaccins en métropole, avec 102 doses pour 100 habitants éligibles. Il a fait partie des premiers livrés en vaccins Moderna au mois de janvier, tout comme la Provence-Alpes-Côte-d’Azur, dernière du classement métropolitain, alors qu’elle affiche les plus hauts taux de contamination du pays. Là encore, pas d’explication. De quoi agacer Geneviève Levy, députée du Var, à qui nous faisons part de notre enquête : "Je n’avais absolument pas connaissance de ces chiffres ! Nous n’avons pas de données réelles et concrètes sur la dotation régionale ou départementale de doses."

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Geneviève Levy est aussi membre de la Commission des affaires sociales à l’Assemblée nationale, un groupe de parlementaires qui auditionnait justement cette semaine Jérôme Salomon, patron de la Direction générale de la santé ayant refusé nos demandes d’interview. C’est sous son autorité que sont réparties les doses de vaccins en France.

 

La députée du Var l’a interpellé sur la base de nos chiffres. Le directeur général a répondu à côté : "L’allocation des vaccins se fait en fonction des populations cibles, il n'y a aucune discrimination entre territoires." Les "populations cibles" sont précisément ce que nous avons pris en compte dans nos calculs, qui lui ont été transmis. Aucun élément ne justifie donc ces inégalités d’un département à un autre.

Les plus mal lotis n’ont plus qu’à attendre les prochaines livraisons de vaccins. Selon plusieurs agences régionales de santé, l’arrivée des doses d’AstraZeneca pourrait permettre de rééquilibrer ces disparités en France.

Les doses de Moderna pas stockées dans tous les départements, fait valoir la DGS

Suite à la publication de notre enquête, la Direction générale de la santé (DGS) a souhaité apporter des éléments complémentaires. Nos calculs prenaient en compte les livraisons de vaccins Pfizer et Moderna dans chaque département. La DGS précise aujourd’hui que tous les départements ne disposent pas d’un établissement de santé stockant des vaccins Moderna. Dès lors, un département peut apparaître "surdoté" en vaccins Moderna, alors qu’il n’est qu’un lieu de stockage et  redistribue ensuite ces doses à d’autres départements de la région.

La DGS justifie ainsi l’écart de dotation démontré dans notre enquête entre le Jura et la Saône-et-Loire : "C’est dans la ville de Lons-Le-Saunier, située dans le département du Jura, que se situe un des établissements pivot dans lequel sont stockés les doses Moderna de la région. À l’inverse, il n’y a pas d’établissement pivot stockant du Moderna dans le département de la Saône-et-Loire, ce qui explique le différentiel de doses qui apparait entre les deux départements."

Toutefois, même en retirant de nos calculs les vaccins Moderna, un décalage important reste inexpliqué entre les deux départements. En se basant exclusivement sur les livraisons de Pfizer ("flux b", le plus important) en ligne lors de notre enquête sur le site data.gouv, la Saône-et-Loire serait dotée de 47 doses pour 100 habitants éligibles, contre 67 doses pour 100 habitants éligibles dans le Jura. 

Dans un souci de transparence, nous détaillons nos calculs ci-dessous :

Pour la Saône-et-Loire : 

- Population cible : 

69.790 personnes de 75 ans et plus (source : INSEE)

7.964 professionnels de santé éligibles (source : DGOS / DREES)

= 77.754 habitants éligibles

- Livraisons de vaccins Pfizer flux B (source : data.gouv, dernière mise à jour du 03/02 au moment de notre enquête)

5.850 doses le 28/12/2021

4.875 doses le 04/01/2021

4.875 doses le 11/01/2021

2.340 doses le 18/01/2021

3.510 doses le 25/01/2021

3.510 doses le 01/02/2021

3.510 doses le 08/02/2021

3.510 doses le 15/02/2021

4.680 doses le 22/02/2021

= 36.660 doses

Pour le Jura : 

Population cible : 

30.157 personnes de 75 ans ou plus (source : INSEE)

3.617 professionnels de santé éligibles (source : DGOS / DREES)

= 33.774 habitants éligibles

Livraisons de vaccins Pfizer flux B (source : data.gouv, mise à jour du 03/02 au moment de notre enquête)

4.875 doses le 04/01/2021

4.875 doses le 11/01/2021

2.340 doses le 25/01/2021

2.340 doses le 01/02/2021

2.340 doses le 08/02/2021

2.340 doses le 15/02/2021

3.510 doses le 22/02/2021

= 22.620 doses

En définitive : 36.660 doses pour 77.754 personnes éligibles en Saône-et-Loire, et 22.620 doses pour 33.774 personnes éligibles dans le Jura. Soit 47 doses pour 100 habitants éligibles, contre 67 doses pour 100 habitants éligibles dans le Jura. 


Virginie Fauroux et Mathilde Verron

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